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fuseraient. Ensuite les Romains soutinrent dans la Thrace une guerre terrible; le carnage y fut si grand que les Romains, ayant perdu le secours de la cavalerie, s'enfuirent à pied.

Comme ils étaient taillés en pièces par les Goths, et que Valens fuyait blessé par une flèche, il entra dans une petite chaumière, où les ennemis l'ayant poursuivi, il fut enseveli sous les ruines de la maison incendiée et n'eut point de sépulture. Ainsi la vengeance divine s'appesantit enfin sur lui, à cause de l'effusion du sang des saints. Ici s'arrête la chronique de Jérôme; la suite a été écrite par le prêtre Orose.

L'empereur Gratien, voyant la dissolution de la république, s'associa Théodose pour collègue dans l'Empire. Ce Théodose mit tout son espoir et toute sa confiancé en la miséricorde de Dieu. Ce fut plutôt par les veilles et les oraisons que par le glaive qu'il réprima les nations, affermit la république et entra vainqueur dans la ville de Constantinople.

Maxime, ayant remporté la victoire à l'aide des Bretons opprimés par la tyrannie, fut créé empereur par ses soldats. Ayant établi sa résidence dans la ville de Trèves, il entoura de piéges l'empereur Gratien et le fit périr. L'évêque saint Martin alla trouver ce Maxime. Théodose, qui avait mis tout son espoir en Dieu, prit possession de tout l'Empire. Soutenu par des inspirations divines, il dépouilla Maxime de son trône et le fit périr.

En Auvergne, le premier qui succéda à Strémon, évêque et prédicateur, fut Urbicus, l'un des sénateurs, qui s'était converti. Il avait une femme; mais, d'après la coutume ecclésiastique, elle se sépara de

lui et se consacra à la vie religieuse. Ils étaient tous deux livrés aux oraisons, aux aumônes et aux bonnes œuvres. Pendant qu'ils se conduisaient ainsi, la haine du démon, qui est toujours ennemi de la sainteté, s'exerça sur la femme; l'ayant enflammée de concupiscence pour son mari, il en fit une nouvelle Ève. Enflammée de desirs et couverte des ténèbres du péché, elle se rendit, au milieu de l'obscurité de la nuit, à la maison épiscopale. Ayant trouvé tout fermé, elle commença à frapper à la porte et à dire : Jusques à quand dormiras-tu, évêque? Jusques à « quand n'ouvriras-tu pas tes portes fermées? Pour

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quoi méprises-tu ta femme? Pourquoi tes oreilles << sont-elles insensibles, et n'écoutes-tu pas ce pré«cepte de Paul, qui a dit: Ne vous refusez point « l'un à l'autre ce devoir, de peur que le démon « ne prenne sujet de votre incontinence pour vous « tenter1. Voilà que je viens vers toi, et ce n'est pas << vers un étranger, mais vers mon mari que je viens.>> La religion du pontife s'endormit enfin par l'influence des paroles de cette femme. Il lui ordonna d'entrer dans son lit, d'où il la fit retirer après s'être livré à sa passion. Ensuite, revenu trop tard à lui, et gémissant du crime qu'il avait commis, il se retira dans le monastère de son diocèse pour y faire pénitence. Après y avoir lavé sa faute par ses gémissemens et ses laril retourna dans sa ville. Ayant atteint le terme de sa vie, il sortit de ce monde. De son péché naquit une fille qui se voua à la vie religieuse. Le pontife fut enterré avec sa femme et sa fille dans le caveau

mes,

*Ire Épît. de S. Paul aux Corinth, chap. 7, v. 5.

de Chantoin, près de la voie publique. Légonus lui succéda dans l'épiscopat.

A sa mort, il fut remplacé par saint Hillide, homme d'une éminente sainteté et d'une éclatante vertu, tellement que la renommée en pénétra jusque chez les nations étrangères; d'où il arriva qu'il délivra de l'esprit immonde la fille de l'empereur de Trèves, qui avait réclamé son secours, ce que nous avons rapporté dans le livre que nous avons écrit sur sa vie. La renommée raconte que déjà très-vieux, plein de jours et de bonnes œuvres, il quitta, par une mort bienheureuse, les sentiers de la vie, et monta vers le Christ. On l'enterra dans un caveau situé dans le faubourg de sa ville. Il avait un archidiacre nommé avec raison le Juste, qui, ayant passé sa vie en bonnes œuvres, fut déposé dans le tombeau de son maître. Après la mort de saint Hillide, il s'opéra sur son glorieux tombeau de si grands miracles qu'on ne pourrait les écrire en entier, et que la mémoire ne saurait les retenir. Saint Népotien lui succéda.

Saint Népotien fut le quatrième évêque d'Auvergne, Des députés de la ville de Trèves furent envoyés en Espagne. Parmi eux était un certain Artémius, d'une sagesse et d'une beauté remarquables, et brillant de jeunesse; il fut attaqué d'une fièvre violente. Les autres ayant continué leur route, le laissèrent malade à Clermont. A cette époque, il était fiancé à Trèves avec une jeune fille. Saint Népotien l'étant allé voir et l'ayant oint de l'huile sainte par la grâce de Dieu, le rendit à la vie. Artémius, ayant ouï du même saint la parole de la prédication, oubliant son épouse terrestre et ses propres biens, fut uni à la sainte

Eglise; et, ayant été fait clerc, il se distingua par une si grande sainteté qu'il succéda à saint Népotien dans la direction du troupeau du Seigneur.

«

Dans le même temps, Injuriosus, un des sénateurs d'Auvergne et fort riche, rechercha en mariage une jeune fille de même condition; et lui ayant donné des gages, il fixa le jour des noces. Ils étaient tous deux enfans uniques de leurs pères. Le jour arrivé, la cérémonie des noces ayant été célébrée, ils se placèrent, selon la coutume, dans le même lit. Mais la jeune fille, gravement affligée, se tourna du côté de la muraille, et se prit à pleurer amèrement; son mari lui dit : Qu'est-ce qui te chagrine? Dis-le-moi, je t'en supplie, » Comme elle gardait le silence : « Je te con«< jure, par Jésus-Christ, fils de Dieu, lui dit-il, de « me faire part de ce qui t'afflige. » S'étant alors tournée vers lui, elle lui dit : « Dussé-je pleurer tous « les jours de ma vie, mes larmes ne seraient jamais << assez abondantes pour effacer la douleur immense « de mon cœur. J'avais résolu de consacrer à Jésus<< Christ mon corps pur de tout attouchement d'homme; « mais malheur à moi, qu'il a tellement abandonnée « que je ne pourrai accomplir mon desir, et que je «< crains de perdre en ce jour, que je n'aurais jamais «< dû voir, ce que j'avais conservé depuis le commen<< cement de mon âge. Voilà que délaissée par le Christ « immortel, qui me promettait le Paradis pour dot, « je suis liée à un mari mortel; et au lieu d'être parée << d'une couronne de roses incorruptibles, je recevrai << du mariage la triste parure d'une couronne de roses « flétries. Je devais revêtir, dans les eaux sacrées de l'agneau divin, l'étole de pureté, et voilà que la

« robe que je porte est pour moi un fardeau et non <«< un honneur. Mais pourquoi plus de paroles ? Mal<<< heureuse! moi qui devais obtenir la demeure des «< cieux, je suis aujourd'hui précipitée dans les abî<< mes! O si tel était mon avenir, pourquoi le jour << qui fut le commencement de ma vie, n'en fut-il pas «< la fin? O plût au ciel que je fusse entrée dans la porte << de la mort avant d'avoir goûté le lait ! Plût au ciel << que les baisers de mes douces nourrices ne m'eus« sent été donnés que dans un cercueil ! Les pompes « de la terre me font horreur, car je me représente << les mains du Rédempteur, percées pour sauver le << monde ! Je ne puis voir les diadêmes resplendis<< sans de pierres brillantes lorsque je porte le regard << de ma pensée sur sa couronne d'épines. Je méprise << les vastes espaces de la terre, car je souhaite ardem<«<ment les douceurs du Paradis! Tes palais élevés << me font pitié lorsque je regarde le Seigneur élevé «< au-dessus des astres! » A ces paroles prononcées avec des torrens de larmes, le jeune homme, touché de pitié, lui dit : « Nous sommes les enfans uniques « des pères les plus nobles de l'Auvergne, et ils ont « voulu nous unir pour propager leur race, de peur «< qu'à leur sortie du monde un héritier étranger ne «< vînt à leur succéder. » Elle lui dit : « Le monde << n'est rien, les richesses ne sont rien, la pompe de <«< cette terre n'est rien; la vie même dont nous jouis<< sons n'est rien. Il vaut bien mieux rechercher cette «< vie que la mort même ne termine point, qu'aucun << accident, aucun malheur ne peut interrompre ni << finir; où l'homme, plongé dans la béatitude éternelle, s'abreuve d'une lumière qui ne se couche point;

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