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médecins employèrent auprès de lui tout leur art; mais rien n'y servit, car Dieu avait résolu de l'appeler à lui. Ainsi donc, après avoir été malade long-temps, succombant à son mal, il rendit l'esprit. Les Francs avaient une grande haine contre Parthénius, parce que sous ledit roi il leur avait imposé des tributs, et ils commencèrent à le poursuivre. Se voyant en péril, il 's'enfuit de la ville, et supplia deux évêques de le ramener à Trèves, et de réprimer par leurs exhortations la sédition d'un peuple furieux. Ils y allèrent, et la nuit, pendant qu'il était dans son lit, tout à coup en dormant il commença à crier à haute voix, disant : << Hélas! hélas ! secourez-moi, vous qui êtes ici, venez « à l'aide d'un homme qui périt. » A ces cris, ceux qui étaient dans la chambre s'étant éveillés, lui demandèrent ce que c'était, et il répondit : « Ausanius, «< mon ami, et Papianilla, ma femme, que j'ai tués «< autrefois, m'appelaient en jugement, en disant : « Viens répondre, car nous t'accusons devant Dieu. » En effet, pressé par la jalousie, il avait, quelques années auparavant, tué injustement sa femme et son ami. Les évêques, étant arrivés à la ville, et voyant qu'ils ne pouvaient résister à la violente sédition du peuple, voulurent le cacher dans l'église. Ils le mirent dans un coffre et étendirent sur lui des vêtemens à l'usage de l'église. Le peuple étant entré, le chercha dans tous les coins; il se retirait irrité, lorsqu'un de la troupe conçut un soupçon, et dit : « Voilà un coffre << dans lequel nous n'avons pas cherché notre ennemi. >> Les gardiens leur dirent qu'il n'y avait rien dans ce coffre que des ornemens ecclésiastiques; mais ils demandèrent les clefs, disant : « Si vous ne l'ouvrez pas

»

«< sur-le-champ, nous le brisons. » Le coffre ayant donc été ouvert, et les linges écartés, ils y trouvèrent Parthénius et l'en tirèrent, s'applaudissant de leur découverte et disant : « Dieu a livré notre ennemi <«< entre nos mains. » Alors ils lui coupèrent les poings, lui crachèrent au visage ; et lui ayant lié les bras derrière le dos, ils le lapidèrent contre une colonne. Il avait été très-vorace; et, pour pouvoir plus promptement recommencer à manger, il prenait de l'aloès qui le faisait digérer très-vite : il laissait échapper en public le bruit de ses entrailles sans aucun respect pour ceux qui étaient présens. Sa vie se termina de cette manière.

Il y eut cette année un hiver très-rigoureux et plus âpre qu'à l'ordinaire; tellement que les torrens enchaînés par la gelée servaient de route aussi bien que la terre. Comme il y avait beaucoup de neige, les oiseaux, accablés de la rigueur du froid ou de la faim, se laissaient prendre à la main et sans qu'on eût besoin de leur tendre des piéges. On compte trente-sept ans de la mort de Clovis jusqu'à celle de Théodebert. Théodebert étant mort la quatorzième année de son règne', Théodebald son fils régna à sa place.

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LIVRE QUATRIÈME.

La reine Clotilde, pleine de jours et riche en bonnes

œuvres, mourut à Tours, du temps de l'évêque Injuriosus '; elle fut transportée à Paris, suivie d'un choeur nombreux qui chantait des cantiques sacrés, et ensevelie par ses fils, les rois Childebert et Clotaire, dans le sanctuaire de la basilique de saint Pierre, à côté du roi Clovis. Elle avait construit cette basilique où est ensevelie aussi la bienheureuse Geneviève.

Le roi Clotaire avait ordonné tout récemment que toutes les églises de son royaume paieraient au fisc le tiers de leurs revenus. Tous les évêques ayant, bien contre leur gré, consenti et souscrit ce décret, le bienheureux Injuriosus, s'en indignant, refusa courageusement de le souscrire, et il disait : « Si tu veux «ravir les biens de Dieu, le Seigneur te ravira promp<< tement ton royaume; car il est injuste que tu rem

plisses tes greniers de la récolte des pauvres que tu « devrais nourrir de tes propres greniers; » et irrité contre le roi, il se retira sans même lui dire adieu. Alors le roi, troublé et craignant la puissance de saint Martin, fit courir après lui avec des présens, lui demandant pardon, condamnant ce qu'il avait fait, et le suppliant d'invoquer en sa faveur la puissance du saint évêque Martin.

1 Vers 545.

Le roi Clotaire eut sept fils de ses diverses femmes, savoir d'Ingunde il eut Gonthaire, Childéric, Charibert, Gontran, Sigebert, et une fille, nommé Clotsinde; d'Aregunde, sœur d'Ingunde, il eut Chilpéric; et de Chunsène, il eut Chramne. Je dirai pourquoi il avait pris la sœur de sa femme. Comme il était déjà marié à Ingunde, et l'aimait d'unique amour, il reçut d'elle une prière, en ces termes : « Mon Seigneur a « fait de sa servante ce qui lui a plu, et il m'a appelée à son lit maintenant, pour compléter le bienfait, << que mon seigneur roi écoute ce que lui demande « sa servante. Je vous prie de daigner procurer un << mari puissant et riche à ma sœur, votre servante; « de telle sorte que rien ne m'humilie, et qu'au con« traire, élevée par une nouvelle faveur, je puisse vous << servir encore plus fidèlement. » A ces paroles, le roi, qui était trop adonné à la luxure, s'enflamma d'amour pour Aregunde, alla à la maison de campagne. où elle habitait, et se l'unit en mariage. L'ayant ainsi prise, il retourna vers Ingunde, et lui dit : « J'ai songé « à t'accorder la grâce que ta douceur m'a demandée, «< et cherchant un homme riche et sage que je pusse « unir à ta sœur, je n'ai rien trouvé de mieux que «< moi-même. Ainsi sache que je l'ai prise pour femme, « ce qui, j'espère, ne te déplaira pas. » Alors elle lui dit : « Que ce qui paraît bon à mon seigneur soit ainsi << fait; seulement que ta servante vive toujours avec la << faveur du Roi. »

Gonthaire, Chramne et Childéric moururent du vivant de leur père. Nous raconterons dans la suite la mort de Chramne. Alboin, roi des Lombards, reçut pour femme Clotsinde, fille du roi Clotaire. L'évêque

Injuriosus mourut dans la dix-septième année de son épiscopat. Il eut pour successeur Baudin, qui avait été domestique du roi Clotaire. Ce fut le seizième évêque depuis la mort de saint Martin.

Conan, comte des Bretons, tua ses trois frères. Voulant aussi tuer Mâlo, il le fit prendre et charger de chaînes, et le retenait dans une prison. Mais celui-ci fut arraché à la mort par Félix, évêque de Nantes. Il jura à son frère qu'il lui serait fidèle; mais je ne sais à quelle occasion il voulut rompre son serment, et Conan, en étant informé, recommença à le poursuivre. Mâlo, voyant qu'il ne pouvait échapper, s'enfuit chez un autre comte de ce pays, nommé Chonomor. Celuici apprenant que les gens qui le poursuivaient s'approchaient, le fit cacher sous terre dans un petit réduit, et il fit construire au-dessus un tombeau selon l'usage, lui réservant une ouverture, afin qu'il pût respirer. Il dit ensuite aux hommes, lorsqu'ils furent arrivés : « Voici, Mâlo est mort et enseveli. » Sur ce les hommes, se réjouissant, se mirent à boire sur le tombeau, et allèrent annoncer à Conan que son frère était mort; à cette nouvelle, Conan s'empara de tout le royaume. Les Bretons, depuis la mort du roi Clovis, ont toujours été sous la puissance des rois des Francs, et ils avaient des comtes, non des rois 1. Mais Mâlo, sortant de dessous terre, se rendit dans la cité de Vannes, où il fut tonsuré et ordonné évêque. Conan étant mort, il apostasia, et ayant laissé croître ses cheveux, il prit, avec le royaume de son frère, la

'La Bretagne n'était point soumise aux rois Francs; sculement quelques-uns des ducs ou comtes qui y régnaient leur payaient des tributs, et leur reconnaissaient une sorte de souveraineté.

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