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qu'il avait avec lui; mais Théodebert, comme il l'avait tenu sur les fonts de baptême, ne voulut pas le faire périr. Il lui donna même à lire les lettres envoyées par son père : « Fuis, lui dit-il, car j'ai reçu de mon père « l'ordre de te tuer; lorsqu'il sera mort et que tu apprendras que je règne, tu reviendras à moi sans «< crainte. » Ce qu'ayant entendu, Giwald lui rendit grâces, lui dit adieu et s'en alla.

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Théodebert faisait alors le siége de la villes d'Arles, dont les Goths s'étaient emparés. Giwald s'enfuit dans cette ville; mais, ne s'y croyant pas fort en sûreté, il se rendit en Italie et y demeura. Tandis que ces choses se passaient, on vint annoncer à Théodebert que son père était dangereusement malade, que, s'il ne se hâtait pour le trouver encore en vie, il serait dépouillé par ses oncles, et qu'il ne fallait pas qu'il poussât plus avant. A ces nouvelles, Théodebert quitta tout, et partit pour aller vers son père, laissant en Auvergne Deutérie et sa fille. Théodoric mourut quelques jours après l'arrivée de son fils, dans la vingttroisième année de son règne; Childebert et Clotaire s'élevèrent contre Théodebert, et voulurent lui enlever son royaume, mais il les apaisa par des présens, et défendu par ses Leudes, il fut établi sur le trône. Il envoya ensuite en Auvergne pour en faire venir Deutérie, et s'unit à elle en mariage.

Childebert, voyant qu'il ne pouvait le vaincre, lui envoya une ambassade pour l'engager à venir le troului disant : «< Je n'ai pas de fils, je desire te prendre pour fils. » Et Théodebert étant venu, il l'enrichit de tant de présens que cela fit l'admiration de tout le

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monde, car il lui donna trois paires de chacune des choses utiles, tant armes que vêtemens et joyaux qui conviennent aux rois. Il en agit de même pour les chevaux et les colliers. Giwald, apprenant que Théodebert était entré en possession du royaume de son père, revint d'Italie le trouver; celui-ci se réjouissant et l'embrassant, lui donna la troisième partie des présens de son oncle, et ordonna qu'on lui rendît, des biens de son père Sigewald, tout ce qui en était entré dans le fisc. Affermi dans son royaume, Théodebert se rendit grand et remarquable en toutes sortes de vertus, car il gouvernait ses États avec justice, respectait les prêtres, enrichissait les églises, secourait les pauvres, et plein de compassion et de bonté, mit beaucoup de gens à leur aise, par un grand nombre de bienfaits. Il remit généreusement aux églises d'Auvergne tous les tributs dont elles étaient redevables à son fisc.

Deutérie voyant sa fille devenue adulte, et craignant qu'elle n'excitât les desirs du roi, et qu'il ne la prît pour lui, la mit dans un chariot attelé de bœufs indomptés, qui la précipitèrent du haut d'un pont, en sorte qu'elle périt dans un fleuve. Cela se passa près de la ville de Verdun.

Π y avait déjà sept ans que Théodebert avait été fiancé à Wisigarde, et à cause de Deutérie il n'avait pas voulu la prendre pour femme; mais les Francs le blâmaient unanimement de ce qu'il avait abandonné son épouse. Alors irrité de cette action, il quitta Deutérie dont il avait un fils enfant, nommé Théodebald, et épousa Wisigarde. Il ne la conserva pas long-temps, elle mourut, et il en épousa une autre, mais ne reprit jamais Deutérie.

Cependant Childebert et Théodebert mirent sur pied une armée, et se disposèrent à marcher contre Clotaire; celui-ci l'ayant appris, et jugeant qu'il n'était pas de force à se défendre contre eux, s'enfuit dans une forêt et y fit de grands abattis, plaçant toutes ses espérances en la miséricorde de Dieu. Mais la reine Clotilde ayant appris ces choses se rendit au tom→ beau du bienheureux Martin, s'y prosterna en oraison et passa toute la nuit à prier qu'il ne s'élevât pas une guerre civile entre ses fils. Ceux-ci, arrivant avec leur armée, assiégèrent Clotaire et pensaient le tuer le jour suivant ; mais le matin arrivé, une tempête s'éleva dans le lieu où ils étaient rassemblés, emporta les tentes, mit en désordre et bouleversa tout. A la foudre et au bruit du tonnerre se mêlaient des pierres qui tombaient sur eux. Ils se précipitaient le visage contre la terre couverte de grêle, et étaient grièvement blessés par la chute des pierres. Il ne leur restait rien pour s'en défendre que leur bouclier, et ce qu'ils craignaient de plus, c'était d'être réduits en cendres par le feu du ciel. Les chevaux furent aussi dispersés, et à peine les put-on retrouver à la distance de vingt stades; il y en eut même beaucoup qu'on ne retrouva pas. Prosternés, comme nous l'avons dit, la face contre terre, et blessés par les pierres, ils exprimaient leur repentir, et demandaient pardon à Dieu d'avoir entrepris la guerre contre leur propre sang; mais il ne tomba pas une seule goutte de pluie sur Clotaire, il n'entendit pas le moindre bruit de tonnerre, et au lieu où il était, il ne se fit pas sentir la moindre haleine de vent. Les autres, lui ayant envoyé des messagers, lui demandèrent de vivre en paix et en concorde, et

l'ayant obtenu, ils s'en retournèrent chez eux. Il n'est permis à personne de douter que ce soit un miracle du bienheureux saint Martin, obtenu par l'intercession de la reine.

Ensuite le roi Childebert alla en Espagne, et, y étant entré avec Clotaire, ils entourèrent et assiégèrent avec leur armée la ville de Saragosse'. Mais les habitans se tournèrent vers Dieu avec une grande humilité, et, revêtus de cilices, s'abstenant de manger et de boire, se mirent à faire le tour des murs en chantant les psaumes et portant la tunique du bienheureux Vincent martyr. Les femmes les suivaient en pleurant, enveloppées de manteaux noirs, les cheveux épars et couverts de cendres, si bien qu'on eût dit qu'elles assistaient aux funérailles de leurs maris; et toute la ville avait tellement mis en Dieu toutes ses espérances, qu'elle paraissait célébrer un jeûne semblable à celui de Ninive, et les habitans ne croyaient pas qu'ils pussent avoir autre chose à faire que de fléchir par leurs prières la miséricorde divine. Les assiégeans, qui voyaient les assiégés tourner sans cesse en dedans des murs, ne sachant ce qu'ils faisaient, crurent qu'ils exerçaient quelque maléfice, et, ayant pris un paysan du lieu, ils lui demandèrent ce qu'on faisait. Il leur répondit: << Ils portent la tunique du bienheureux Vin«< cent, et le prient de demander à Dieu d'avoir pitié « d'eux. » Les assiégeans en ressentirent de la crainte et s'éloignèrent de la ville. Cependant ils conquirent la plus grande partie de l'Espagne et s'en retournèrent dans les Gaules avec une grande quantité de dépouilles.

En 542.

Après Amalaric, Théodat fut nommé roi en Espagne. Celui-ci ayant été tué, on éleva à la royauté Theudégisile. Il était un jour à souper, faisant festin avec ses amis et fort gai, quand tout à coup, la lumière ayant été éteinte, il fut frappé par ses ennemis à coups d'épée, et mourut. Après lui, la royauté passa à Agila, car les Goths avaient pris cette détestable habitude, lorsqu'un de leurs rois ne leur plaisait pas, de l'assaillir à main armée et d'élire roi à sa place celui qui leur convenait.

Théodoric, roi d'Italie, qui avait eu en mariage une sœur du roi Clovis, était mort laissant sa femme avec une fille encore enfant. Celle-ci, devenue adulte, repoussant, par légèreté d'esprit, les conseils de sa mère qui l'avait voulu pourvoir d'un fils de roi, prit son serviteur, nommé Traguilan, et s'enfuit avec lui dans une ville où elle espérait pouvoir se défendre. Sa mère, vivement irritée contre elle, lui demanda de ne pas déshonorer sa race, jusqu'alors si noble, mais de renvoyer son serviteur et de prendre un homme comme elle de race royale et que sa mère lui avait choisi. Mais elle n'y voulut en aucune façor consentir. Alors sa mère, en colère, fit marcher contre elle une troupe de gens armés, qui allèrent les attaquer. Traguilan périt par le glaive, et la fille fut ramenée avec des coups à la maison de sa mère. Elles vivaient toutes deux dans la secte arienne où il est d'usage, lorsqu'on se présente à l'autel, que les rois aient un calice à part pour communier, et le peuple un autre. La fille donc mit du poison dans le calice où sa mère devait communier; dès qu'elle l'eut pris, elle mourut aussitôt, et il est impossible de douter que cette mort n'ait été l'œuvre

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