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pontife, avant de descendre pour dire Vigile, demanda à boire un serviteur vint, et lui apporta aussitôt la boisson. Dès qu'il eut bu, il rendit l'esprit ; d'où l'on a soupçonné qu'il avait été tué par le poison. Après sa mort, Injuriosus, citoyen de la ville, fut élevé à la chaire pontificale : ce fut le quinzième évêque après saint Martin.

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Tandis que la reine Clotilde habitait Paris, Childebert, voyant que sa mère avait porté toute son affection sur les fils de Clodomir, dont nous avons parlé plus haut, conçut de l'envie; et, craignant que, par la faveur de la reine, ils n'eussent part au royaume, il envoya secrètement vers son frère le roi Clotaire, et lui fit dire : « Notre mère garde avec elle les fils « de notre frère, et veut leur donner le royaume ; il faut que tu viennes promptement à Paris, et que, « réunis tous deux en conseil, nous déterminions ce << que nous devons faire d'eux, savoir si on leur cou<< pera les cheveux, comme au reste du peuple, ou << si, les ayant tués, nous partagerons également entre « nous le royaume de notre frère. » Fort réjoui de ces paroles, Clotaire vint à Paris. Childebert avait déjà répandu dans le peuple que les deux rois étaient d'accord d'élever ces enfans au trône : ils envoyèrent donc, au nom de tous deux, à la reine qui demeurait dans la même ville, et lui dirent : « Envoie-nous « les enfans, que nous les élevions au trône. » Elle, remplie de joie, et ne sachant pas leur artifice, après avoir fait boire et manger les enfans, les envoya, en disant : « Je croirai n'avoir pas perdu mon fils, si je vous vois succéder à son royaume. Les enfans

1 Vers l'an 533.

étant allés, furent pris aussitôt, et séparés de leurs serviteurs et de leurs gouverneurs ; et on les enferma à part, d'un côté les serviteurs, et de l'autre les enfans. Alors Childebert et Clotaire envoyèrent à la reine Arcadius, dont nous avons déjà parlé, portant des ciseaux et une épée nue. Quand il fut arrivé près de la reine, il les lui montra, disant : « Tes fils nos (( seigneurs, ô très-glorieuse reine, attendent que tu « leur fasses savoir ta volonté sur la manière dont il <«< faut traiter ces enfans; ordonne qu'ils vivent les «< cheveux coupés, ou qu'ils soient égorgés. » Consternée à ce message, et en même temps émue d'une grande colère, en voyant cette épée nue et ces ciseaux, elle se laissa transporter par son indignation, et, ne sachant, dans sa douleur, ce qu'elle disait, elle répondit imprudemment : « Si on ne les élève pas sur « le trône, j'aime mieux les voir morts que tondus. >> Mais Arcadius, s'inquiétant peu de sa douleur, et ne cherchant pas à pénétrer ce qu'elle penserait ensuite plus réellement, revint en diligence près de ceux qui l'avaient envoyé, et leur dit : «Vous pouvez continuer << avec l'approbation de la reine ce que vous avez «< commencé, car elle veut que vous accomplissiez << votre projet. » Aussitôt Clotaire, prenant par bras l'aîné des enfans, le jeta à terre, et, lui enfoncant son couteau dans l'aisselle, le tua cruellement. A ses cris, son frère se prosterna aux pieds de Childebert, et, lui saisissant les genoux, lui disait avec larmes : « Secours-moi, mon très-bon père, afin que « je ne meure pas comme mon frère. » Alors Childebert, le visage couvert de larmes, lui dit : « Je << te prie, mon très-cher frère, aie la générosité de

le

<< m'accorder sa vie; et, si tu veux ne pas le tuer, « je te donnerai, pour le racheter, ce que tu vou« dras. » Mais Clotaire, après l'avoir accablé d'injures, lui dit : « Repousse-le loin de toi, ou tu mour<< ras, certainement à sa place; c'est toi qui m'as ex« cité à cette affaire, et tu es si prompt à reprendre <<< ta foi! » Childebert, à ces paroles, repoussa l'enfant, et le jeta à Clotaire, qui, le recevant, lui enfonça son couteau dans le côté, et le tua, comme il avait fait à son frère. Ils tuèrent ensuite les serviteurs. et les gouverneurs; et après qu'ils furent morts, Clotaire, montant à cheval, s'en alla, sans se troubler aucunement du meurtre de ses neveux, et se rendit, avec Childebert, dans les faubourgs. La reine, ayant fait poser ces petits corps sur un brancard, les conduisit, avec beaucoup de chants pieux et une immense douleur, à l'église de Saint-Pierre, où on les enterra tous deux de la même manière. L'un des deux avait dix ans, et l'autre sept.

Ils ne purent prendre le troisième, Clodoald, qui fut sauvé par le secours de braves guerriers; dédaignant un royaume terrestre, il se consacra à Dieu, et s'étant coupé les cheveux de sa propre main, il fut fait clerc. Il persista dans les bonnes œuvres, et mourut prêtre.

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Les deux rois partagèrent entre eux également le royaume de Clodomir. La reine Clotilde déploya tant et de si grandes vertus qu'elle se fit honorer de tous. On la vit toujours assidue à l'aumône, traverser les nuits de ses veilles, et demeurer pure par sa chasteté et sa fidélité à toutes les choses honnêtes; elle pourvut les domaines des églises, les monastères et tous

les lieux saints de ce qui leur était nécessaire, distribuant ses largesses avec générosité, en sorte que dans le temps, on ne la considérait pas comme une reine, mais comme une servante spéciale du Seigneur, dévouée à son assidu service. Ni la royauté de ses fils, ni l'ambition du siècle, ni le pouvoir, ne l'entraînèrent à sa ruine, mais son humilité la conduisit à la grâce.

Le bienheureux Grégoire, prêtre renommé du Seigneur, était alors, dans la ville de Langres, illustre par ses vertus et ses miracles. Puisque nous parlons de ce pontife, il sera, je pense, agréable que nous donnions ici la description de Dijon, où il vivait habituellement. C'est un château bâti de murs très-solides, au milieu d'une plaine très-riante, dont les terres sont fertiles et si fécondes qu'en même temps que la charrue sillonne les champs, on y jette la semence et qu'il en sort de très-riches moissons; au midi est la rivière d'Ouche, abondante en poissons; il vient du nord une autre petite rivière qui entre par une porte, passe sous un pont, ressort par une autre porte et entoure les remparts de son onde paisible. Elle fait, devant la porte, tourner plusieurs moulins avec une singulière rapidité. Dijon a quatre portes, situées vers les quatre points du monde. Toute cette bâtisse est ornée en totalité de trente-trois tours; les murs sont, jusqu'à la hauteur de vingt pieds, construits en pierres carrées, et ensuite en pierres plus petites. Ils ont en tout trente pieds de haut et quinze pieds d'épaisseur. J'ignore pourquoi ce lieu n'a pas le nom de ville: il a dans son territoire des sources abondantes; du côté de l'occident sont des montagnes très-fertiles, cou

vertes de vignes, qui fournissent aux habitans un si noble Falerne qu'ils dédaignent le vin de Châlons. Les anciens disent que ce château fut bâti par l'empereur Aurélien.

Théodoric avait fiancé son fils Théodebert à Wisigarde, fille d'un roi 1.

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Après la mort de Clovis, les Goths avaient envahi une partie de ses conquêtes. Théodoric envoya donc Théodebert, et Clotaire envoya Gonthaire, l'aîné de ses fils, pour les recouvrer. Mais Gonthaire, arrivé à Rhodez, s'en retourna, je ne sais pourquoi. Théodebert, poursuivant sa route jusqu'à la ville de Béziers, prit le château de Dion, et en enleva du butin. Il envoya ensuite vers un autre château, nommé Cabrières, des messagers chargés de dire de sa part que, si on ne se soumettait pas, il brûlerait le château et emmenerait les habitans en captivité.

Il se trouvait en ce lieu une matrone, nommée Deutérie, dont le mari était venu habiter auprès de Béziers. Elle envoya au roi des messagers qui lui dirent : « Personne, ô très-pieux seigneur! ne peut «te résister, nous te reconnaissons pour notre maître; << viens, et qu'il en soit fait ainsi qu'il te paraîtra agréa« ble. » Théodebert vint au château, et y fut reçu pacifiquement, et voyant que les gens se soumettaient à lui, il ne fit aucun mal. Deutérie vint à sa rencontre, et la voyant belle, épris d'amour pour elle, il la fit entrer dans son lit.

En ces jours-là, Théodoric fit périr par le glaive son parent Sigewald, et envoya secrètement vers Théodebert, pour qu'il fît mourir Giwald, fils de Sigewald,

' De Waccon, roi des Lombards.

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