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« eux avec l'aide de Dieu. » Eux, ayant entendu ces paroles, indignés de tant de crimes, demandèrent, d'une voix et d'une volonté unanimes, à marcher contre les Thuringiens. Théodoric, prenant avec lui, pour le seconder, son frère Clotaire et son fils Théodebert, partit avec une armée. Cependant les Thuringiens avaient préparé des embûches aux Francs : ils avaient creusé dans le champ où devait se livrer le combat, des fosses dont ils avaient caché l'ouverture au moyen d'un gazon épais, en sorte que la plaine paraissait unie. Lorsqu'on commença donc à combattre, plusieurs des chevaux des Francs tombèrent dans ces fosses, ce qui leur causa beaucoup d'embarras; mais lorsqu'ils se furent aperçus de la fraude, ils commencèrent à y prendre garde. Enfin, les Thuringiens, voyant qu'on faisait parmi eux un grand carnage, et que leur roi Hermanfried avait pris la fuite, tournèrent le dos, et arrivèrent au bord du fleuve de l'Unstrut; et là, il y eut un tel massacre des Thuringiens que le lit de la rivière fut rempli par les cadavres amoncelés, et que les Francs s'en servirent comme de pont pour passer sur l'autre bord. Après cette victoire, ils prirent le pays, et le réduisirent sous leur puissance. Clotaire, en revenant, emmena captive avec lui Radegonde, fille du roi Berthaire, et la prit en mariage; il fit depuis tuer injustement son frère par des scélérats. Elle, se tournant vers Dieu, prit l'habit, et se bâtit un monastère dans la ville de Poitiers. Elle s'y rendit tellement excellente dans l'oraison, les jeûnes, les veilles, les aumônes, qu'elle acquit un grand crédit parmi les peuples.

Tandis que les rois francs étaient en Thuringe,

Théodoric voulut tuer Clotaire, son frère; et ayant disposé en secret des hommes armés, il le manda vers lui, comme pour conférer de quelque chose en particulier; et, ayant fait étendre dans sa maison une toile d'un mur à l'autre, il ordonna à ses hommes armés de se tenir derrière mais, comme la toile était trop courte, les pieds des hommes armés parurent au-dessous à découvert; ce qu'ayant vu Clotaire, il entra dans la maison, armé, et avec les siens. Théodoric comprit alors que son projet était connu : il inventa une fable, et l'on parla de choses et d'autres. Mais, ne sachant de quoi s'aviser pour faire passer sa trahison, il donna à Clotaire, dans cette vue, un grand plat d'argent. Clotaire lui ayant dit adieu, et l'ayant remercié de ce présent, retourna dans son logis. Mais Théodoric se plaignit aux siens d'avoir perdu son plat sans aucun motif, et dit à son fils Théodebert: << Va trouver ton oncle, et prie-le de vouloir te céder « le présent que je lui ai fait. » Il y alla, et obtint ce qu'il demandait. Théodoric était très-habile en de telles ruses.

Lorsqu'il fut revenu chez lui, il engagea Hermanfried à venir le trouver, en lui donnant sa foi qu'il ne courrait aucun danger; et il l'enrichit de présens trèshonorables. Mais un jour qu'ils causaient sur les murs de la ville de Tolbiac, Hermanfried, poussé par je ne sais qui, tomba du haut du mur, et rendit l'esprit. Nous ignorons par qui il fut jeté en bas ; mais plusieurs assurent qu'on reconnut clairement que cette trahison venait de Théodoric.

Pendant que Théodoric était en Thuringe, le bruit courut en Auvergne qu'il avait été tué. Arcadius, un

des sénateurs d'Auvergne, invita Childebert à venir s'emparer de ce pays. Celui-ci se rendit sans retard en Auvergne. Il faisait ces jours-là un brouillard si épais qu'on ne pouvait discerner à la fois plus d'un demiarpent. Le roi disait : « Je voudrais bien pouvoir re«< connaître par mes yeux cette Limagne d'Auvergne qu'on dit si riante. » Mais Dieu ne lui accorda pas cette grâce. Les portes de la ville étant fermées, en sorte qu'il ne trouvait aucune issue pour y entrer, Arcadius brisa la serrure de l'une de ces portes, et l'introduisit dans les murs: mais au moment où cela se passait, on apprit que Théodoric était revenu vivant de Thuringe.

Childebert ayant appris cette nouvelle avec certitude, quitta l'Auvergne, et se dirigea vers l'Espagne, à cause de sa sœur Clotilde '. La fidélité de celle-ci à la religion catholique l'exposait à beaucoup d'embûches de la part de son mari Amalaric; car plusieurs fois, comme elle se rendait à la sainte église, il avait ordonné qu'on jetât sur elle de l'ordure et d'autres puanteurs; et l'on dit que sa cruauté contre elle se porta à de telles extrémités, qu'elle envoya à son frère un mouchoir teint de son propre sang; en sorte que, vivement irrité, il se rendit en Espagne. Amalaric, apprenant son arrivée, prépara des vaisseaux pour s'enfuir. Childebert arrivait déjà, lorsqu'au moment de monter sur son vaisseau, Amalaric se rappela une grande quantité de pierres précieuses qu'il avait lais

En 531.

Ce ne fut pas en Espagne, mais en Languedoc près de Narbonne, que Childebert rencontra l'armée d'Amalaric qui venait à sa rencontre; il la battit, et Amalaric s'enfuit à Barcelonne où il fut tué. Le Languedoc ou Septimanie appartenait alors aux rois Visigoths.

sées dans son trésor il retourna à la ville pour les chercher; mais ensuite l'armée l'empêcha de regagner le port. Voyant qu'il ne pouvait s'échapper, il voulut se réfugier dans l'église des chrétiens; mais, avant qu'il en eût pu atteindre le seuil sacré, un de ceux qui le poursuivaient poussa contre lui sa lance, et le frappa d'un coup mortel : il tomba sur le lieu même, et rendit l'esprit. Alors Childebert reprit sa sœur avec de grands trésors, et il comptait la ramener; mais elle mourut en route je ne sais comment, et fut portée à Paris, où on l'ensevelit près de son père Clovis. Childebert choisit dans ces trésors des choses trèsprécieuses, et les consacra au service de la sainte église; car il avait apporté soixante calices, quinze patènes, et vingt coffres destinés à renfermer les Évangiles, le tout en or pur, et orné de pierres précieuses; et il ne souffrit pas que ces choses fussent brisées, mais il les distribua entre les églises et les basiliques des Saints, et les consacra au service divin.

Ensuite de cela, Clotaire et Childebert firent le projet de marcher en Bourgogne; Théodoric, qu'ils avaient appelé à leur secours, ne voulut pas y aller. Cependant les Francs qui marchaient avec lui lui dirent : « Si tu ne veux pas aller en Bourgogne avec tes « frères, nous te quitterons, et nous les suivrons à ta « place. » Mais lui, pensant que les gens d'Auvergne lui avaient manqué de foi, dit aux Francs : « Suivez« moi en Auvergne, et je vous conduirai dans un pays « où vous prendrez de l'or et de l'argent autant que « vous en pourrez desirer, d'où vous enleverez des <«< troupeaux, des esclaves et des vêtemens en abon<< dance seulement ne suivez pas ceux-ci. » Séduits

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par ces promesses, ils s'engagèrent à faire ce qu'il voudrait. Il se prépara donc au départ, et promit, à plusieurs reprises, à ses hommes qu'il leur permettrait de ramener dans leur pays tout le butin et tous les prisonniers qu'ils feraient dans l'Auvergne. Cependant Clotaire et Childebert marchèrent en Bourgogne, assiégèrent Autun; et, ayant mis en fuite Gondemar, occupèrent toute la Bourgogne'.

Théodoric étant entré en Auvergne avec son armée dévasta et ruina tout le pays. Arcadius, auteur du crime, et dont la lâcheté avait causé la dévastation de cette contrée, se réfugia dans la ville de Bourges, qui faisait alors partie du royaume de Childebert; mais sa mère Placidine, et Alchime, sœur de son père, ayant été prises, furent condamnées à l'exil, et on prit les biens qu'elles avaient dans la ville de Cahors. Le roi Théodoric étant donc arrivé à la cité d'Auvergne, établit son camp dans les bourgs environnans. Le bienheureux Quintien était en ces jourslà évêque de la ville. Cependant l'armée parcourait toute cette malheureuse contrée, pillant et ravageant tout. Plusieurs des gens de guerre arrivèrent à la basilique de Saint-Julien, brisèrent les portes, enlevèrent les serrures, pillèrent ce qu'on y avait rassemblé du bien des pauvres, et firent en ces lieux beaucoup de mal. Mais les auteurs de ces crimes, saisis de l'esprit immonde, se déchirèrent de leurs propres dents, poussant de grands cris et disant : « Pourquoi, saint << martyr, nous tourmentes-tu de cette manière ? »

! De 532 à 534.

2 Clermont.

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