Images de page
PDF
ePub

que

religieuse; il appartient nécessairement aux jours de sa plus grande force, de son plus puissant développement. Cependant, on le voit déjà poindre au Ve siècle, et poindre très-clairement. C'est déjà un principe reconnu, avoué de la société civile, comme il est proclamé par la société religieuse, la supériorité des intérêts spirituels sur les intérêts temporels, de la destinée du croyant sur celle du citoyen. Il en résulte que le langage des chefs de la société spirituelle, des prêtres, des évêques, naguères si modeste, est devenu confiant, fier, souvent même hautain, tandis que celui des chefs de la société civile, des empereurs eux-mêmes, malgré sa vieille pompe, est au fond modeste et soumis. A cette époque d'ailleurs le gouvernement temporel était en grande décadence; l'empire périssait; le pouvoir impérial tombait de jour en jour dans une ridicule nullité. Le pouvoir spirituel au contraire se fortifiait, grandissait, pénétrait de plus en plus dans la société civile; l'Église devenait plus riche; sa juridiction s'étendait; elle marchait visiblement à la domination. La chute complète de l'empire en Occident, et l'avénement des monarchies barbares contribuèrent beaucoup à élever ses prétentions et son pouvoir. L'Église avait été, sous les empereurs, obscure, faible, enfant, si je

puis me servir de cette expression; elle en avait contracté, avec eux, une sorte de réserve; elle était accoutumée à respecter leur pouvoir, leur nom. Peut-être, si l'empire avait subsisté, ne se serait-elle jamais complètement dégagée de cette habitude de sa première jeunesse. Ce qui donnerait lieu de le croire, c'est qu'il en est arrivé ainsi dans l'empire d'Orient; l'empire d'Orient a vécu douze siècles dans une décadence continuelle; le pouvoir impérial n'y était pas redoutable; cependant l'Église n'y est point arrivée, n'y a pas même prétendu à la souveraineté. L'église grecque est restée avec les empereurs d'Orient, à peu près dans la relation où était l'église romaine avec les empereurs romains. En Occident, l'empire est tombé; des rois couverts de fourrures ont succédé aux princes revêtus de la pourpre; l'Église n'a pas porté à ces nouveaux venus la même considération, le même respect. Elle a de plus été obligée, pour lutter contre leur barbarie, de tendre extrêmement le ressort du pouvoir spirituel; l'exaltation du sentiment des peuples à ce sujet a été son moyen d'action et de défense. Delà ce progrès si rapide de ses prétentions à la souveraineté qui n'apparaissent encore, au Ve siècle, que dans le lointain.

Quant au système de l'alliance entre les deux

sociétés distinctes et indépendantes, il n'est pas difficile à reconnaître à l'époque qui nous occupe, car c'était celui qui prévalait; rien n'était précis ni fixe dans les conditions de l'alliance; l'égalité ne devait pas être longue entre les deux pouvoirs; mais ils subsistaient chacun dans sa sphère, et traitaient ensemble toutes les fois qu'ils ve

naient à se rencontrer.

Nous trouvons donc, du ler au Ve siècle, tantôt dans leur plein développement, tantôt en germe, tous les systèmes selon lesquels peuvent être réglés les rapports de l'Église avec l'État; ils ont tous leur origine dans des faits voisins du berceau de la société religieuse. Passons à l'organisation intérieure de cette société, au gouvernement propre de l'Église; nous arriverons au même résultat.

Deux principes contraires, vous vous le rappelez, peuvent présider à cette organisation: ou la société religieuse se gouverne elle-même; ou la société ecclésiastique est seule constituée et possède seule le pouvoir.

Il est clair que cette dernière forme ne saurait être celle d'une église naissante: aucune association morale ne commence par l'inertie de la masse des associés, par la séparation du peuple et du gouvernement. Aussi est-il certain qu'à l'origine du christianisme, les fidèles prenaient part

à l'administration de la société. Le système presbytérien, c'est-à-dire le gouvernement de l'Église par ses chefs spirituels assistés des plus considérables d'entre les fidèles, tel a été le régime primitif. Beaucoup de questions peuvent s'élever sur les noms, les fonctions, les relations de ces chefs, ecclésiastiques et laïques, des congrégations naissantes; leur concours au gouvernement des affaires communes ne semble pas dou

teux.

Nul doute aussi qu'à cette époque, les sociétés séparées, les congrégations chrétiennes de chaque villene fussent beaucoup plus indépendantes l'une de l'autre qu'elles ne l'ont été depuis; nul doute qu'elles ne se gouvernassent, je ne dirai pas complètement, mais à beaucoup d'égards, chacune pour son compte et isolément. De là le système des Independans, qui veulent que la société religieuse n'ait point de gouvernement général, et que chaque congrégation locale soit une société complète et souveraine.

Nul doute enfin, que dans ces petites sociétés chrétiennes naissantes, éloignées les unes des autres, souvent dépourvues de moyens de prédication et d'instruction, nul doute qu'en l'absence d'un chef spirituel institué par les premiers

fondateurs de la foi, il ne soit souvent arrivé que, poussé par un élan intérieur, quelque homme, puissant par l'esprit et doué du don d'agir sur les hommes, un simple fidèle ne se soit levé, n'ait pris la parole, et n'ait prêché la petite association dont il faisait partie. De là le système des Quakers, le système de la prédication spontanée, individuelle, sans aucun ordre de prêtres, sans clergé légalement institué et permanent.

Voilà déjà quelques-uns des principes, quelquesunes des formes de la société religieuse qui se rencontrent dans le berceau de l'église chrétienne. Il en contenait bien d'autres peut-être même ceux-là n'étaient-ils pas les plus puissans.

Et d'abord il est incontestable que les premiers fondateurs, ou, pour mieux dire, les premiers instrumens de la fondation du christianisme, les apôtres se regardaient comme investis d'une mission spéciale, reçue d'en haut, et à leur tour transmettaient à leurs disciples, par l'imposition des mains ou sous toute autre forme, le droit d'enseigner et de prêcher. L'ordination est un fait primitif dans l'église chrétienne. De là un ordre de prêtres, un clergé distinct, permanent, investi de fonctions et de droits particuliers.

Autre fait primitif. Les congrégations particu

« PrécédentContinuer »