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locale, formera une église indépendante, qui se gouvernera elle-même, dont les membres choisiront le chef spirituel selon leur croyance et leur dessein; 3° il n'y aura point de gouvernement spirituel distinct et permanent, point de clergé, point de prêtres; l'enseignement, la prédication, toutes les fonctions spirituelles seront exercées par les fidèles eux-mêmes, selon l'occasion, l'inspiration, en proie à une continuelle mobilité.

Je pourrais combiner entre elles ces formes diverses, en mêler les élémens dans des proportions différentes, en faire naître ainsi une foule d'autres diversités, je ne ferais rien qui ne fût déja

connu.

Et non-seulement, Messieurs, tous ces principes ont été professés, tous ces systèmes soutenus comme seuls vrais et légitimes, mais ils ont tous été appliqués; ils ont tous existé réellement. Qui ignore qu'aux XII et XIII° siècles le pouvoir spirituel a réclamé comme son droit, tantôt l'exercice direct, tantôt la domination indirecte du pouvoir temporel? Qui ne voit qu'en Angleterre, où le parlement a disposé de la foi comme de la couronne, l'Église est subordonnée à l'État? que sont la papauté, l'érastianisme, l'épiscopat, le

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Système dans lequel l'Église est gouvernée par l'État,

presbytérianisme, les indépendans, les quakers, sinon les applications des doctrines que je viens d'indiquer? toutes les doctrines se sont changées en faits; il y a des exemples de tous les systèmes et de leurs combinaisons si variées.

Et non-seulement tous les systèmes ont été réalisés, mais ils ont tous prétendu à la légitimité historique aussi bien qu'à la légitimitérationnelle; ils ont tous reporté leur origine aux premiers temps de l'église chrétienne; ils ont tous revendiqué des faits anciens, comme fondement et justification.

Messieurs, ni les uns ni les autres n'ont eu complètement tort: on trouve, dans les premiers siècles de l'Église, des faits auxquels ils peuvent tous se rattacher. Ce n'est pas à dire qu'ils soient tous également vrais rationnellement, également fondés historiquement, ni qu'ils représentent une série d'états divers par lesquels l'Église ait passé tour à tour. Mais il y a, dans chacun de ces systèmes, une part plus ou moins grande de vérité morale, de réalité historique. Ils ont tous joué un rôle, occupé une place dans l'histoire de la société religieuse moderne; ils ont tous, à des

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ainsi nommé d'Éraste, théologien et médecin allemand du XVIe siècle, qui, le premier, l'a soutenu avec éclat.

degrés inégaux, concouru au travail de sa formation.

Je vais les rechercher successivement dans les cinq premiers siècles de l'Église; nous n'aurons pas de peine à les y démêler.

Prenons d'abord tout ce qui se rapporte à la situation extérieure de l'Église, à ses relations avec la société civile.

Quant au système de l'Église indépendante, inaperçue dans l'État, existant, se gouvernant sans que le pouvoir temporel intervienne, c'est évidemment la situation primitive de l'Église chrétienne. Tant qu'elle a été renfermée dans un étroit espace, ou disséminée en petites congrégations isolées, obscures, le gouvernement romain l'a ignorée, l'a laissée vivre et se régir comme il lui convenait.

Cet état a cessé; l'empire romain a pris connaissance de la société chrétienne; je ne parle pas du moment où il en a pris connaissance pour la persécuter, mais de celui où le monde romain est devenu chrétien, où le christianisme est monté sur le trône avec Constantin. La situation

de l'Église envers l'État a grandement changé à cette époque. Il serait faux de dire qu'elle est tombée alors sous le gouvernement de l'État, que le système de sa subordination au pouvoir tem

porel a prévalu. En général les empereurs n'ont pas prétendu régler la foi ; ils ont accepté la doctrine de l'Église. La plupart des questions qui ont provoqué depuis la rivalité des deux pouvoirs ne s'élevaient pas encore à cette époque. Cependant on y rencontre un grand nombre de faits dans lesquels le système de la souveraineté de l'État sur l'Église a pu prendre et a pris en effet son origine. Vers la fin du III et au commencement du IV siècle, par exemple, les évêques avaient avec les empereurs un ton extrêmement humble et soumis; ils exaltaient sans cesse la majesté impériale. Si elle avait prétendu porter atteinte à l'indépendance de leur foi, ils se seraient défendus et se défendirent souvent en effet avec énergie; mais ils avaient grand besoin de sa protection; elle était nouvelle pour eux, à peine venaient-ils d'être reconnus et adoptés; ils traitaient le pouvoir temporel avec beaucoup d'égards et de ménagement. D'ailleurs ils ne pouvaient rien par euxmêmes; la société religieuse ou plutôt son gouvernement n'avait, à cette époque, aucun moyen de faire exécuter ses volontés; les institutions, les règles, les habitudes lui manquaient ; il était sans cesse obligé de recourir à l'intervention du gouvernement civil, seul ancien, seul organisé. Ce besoin continuel d'un aveu étranger donnait à la

société religieuse un air de subordination et de dépendance plus extérieure que réelle; au fond, l'indépendance et même la puissance étaient grandes; mais, dans presque toutes les affaires, pour tous les intérêts de l'Église, l'empereur intervenait; on invoquait son consentement et son action. Les conciles étaient ordinairement convoqués par son ordre ; et non-seulement il les convoquait, mais il y présidait, soit par luimême, soit par ses délégués; il décidait quelles matières y seraient traitées. Ainsi, Constantin assistait en personne au concile d'Arles en 314, au concile de Nicée en 325, et dirigeait, du moins en apparence, les délibérations. Je dis en apparence; car la présence même de l'empereur dans un concile était une conquête de l'Église, et prouvait sa victoire bien plus que sa soumission. Mais enfin les formes étaient celles d'une subordination respectueuse; l'Église se servait de la force de l'empire, se couvrait de sa majesté; et l'érastianisme, indépendamment des motifs rationels dont il se prévaut, a trouvé, dans l'histoire de cette époque, des faits qui lui ont pu servir de justification.

Quant au système contraire, la souveraineté générale et absolue de l'Église, il est clair qu'il ne saurait se rencontrer dans le berceau d'une société

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