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TROISIÈME LEÇON.

Objet de la Leçon. -Variété des principes et des formes de la société religieuse en Europe. - Classification des divers systèmes ' quant aux rapports de l'Église avec l'État; 2° quant à la constitution intérieure de l'Église. -Tous ces systèmes prétendent remonter à l'Église primitive.-Examen historique de ces prétentions.-Elles ont toutes une certaine mesure de légitimité.-Fluctuation et complexité de la situation extérieure et du régime intérieur de la société chrétienne du Ier au Ve siècle. Tendances dominantes. Faits qui avaient prévalu au Ve siècle.-Causes de liberté dans l'Église à cette époque. -De l'Élection des évêques - Des conciles. Comparaison de la société religieuse et de la société civile.—De la vie des chefs de ces deux sociétés.-Lettres de Sidoine Apollinaire.

MESSIEURS,

C'est de l'état de la société religieuse au V siècle que nous avons à nous occuper aujour d'hui. Je n'ai pas besoin de vous rappeler la grandeur du rôle qu'elle a joué dans l'histoire de 3. HIST. MOD, 1828

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la civilisation moderne; c'est un fait évident et convenu. Ce n'est pas la première fois que ce fait s'est produit; il y a eu dans le monde plus d'un éclatant exemple de la puissance de la société religieuse, de ses idées, de ses institutions, de son gouvernement. Mais une différence fondamentale est à remarquer. En Asie, en Afrique, dans l'antiquité, partout avant notre Europe, la société religieuse se présente sous une forme générale et unique; un système y prévaut, un principe y domine; tantôt elle est subordonnée; c'est le pouvoir temporel qui exerce les fonctions spirituelles, et gouverne le culte et même les croyances; tantôt elle occupe la première place; c'est le pouvoir spirituel qui règne sur l'ordre civil. Dans l'un et l'autre cas, la situation et l'organisation de la société religieuse sont simples, claires, stables. Dans l'Europe moderne, au contraire, elle a été le théâtre des systèmes les plus divers; on y rencontre tous les principes; elle renferme en quelque sorte des exemples, des échantillons de toutes les formes sous lesquelles elle a paru ailleurs.

Essayons, pour plus de clarté, de démêler et de classer les différens principes, les différens systèmes qui ont été soutenus ou appliqués dans la

société religieuse européenne, les constitutions diverses qu'elle a subies.

Deux grandes questions se présentent : d'une part, la situation pour ainsi dire extérieure de la société religieuse, sa manière d'être envers la société civile, les relations de l'Église avec l'État; d'autre part, l'organisation intérieure, le gouvernement propre de la société religieuse elle

même.

A l'une ou à l'autre de ces questions se rattachent toutes les modifications dont elle a été l'objet.

Je m'occupe d'abord de sa situation extérieure, de ses rapports avec l'État.

Quatre systèmes essentiellement différens ont été soutenus à ce sujet :

1° L'État est subordonné à l'Église sous le point de vue moral, dans l'ordre chronologique même, l'Église précède l'État; l'Église est la société première, supérieure, éternelle; la société civile n'est qu'une conséquence, une application de ses maximes; c'est au pouvoir spirituel qu'appartient la souveraineté ; le pouvoir temporel ne doit être que son instrument.

2o Ce n'est pas l'État qui est dans l'Église, mais l'Église dans l'État : c'est l'État qui règle le territoire, fait la guerre, perçoit les impôts, gou

que

verne toute la destinée extérieure des citoyens. C'est à lui de donner, à la société religieuse, la forme, les institutions qui conviennent le mieux à la société générale. Dès les croyances ces sent d'être individuelles, dès qu'elles donnent naissance à des associations, celles ci tombent sous l'atteinte du pouvoir temporel, seul véritable pouvoir.

3° L'Église doit être, dans l'État, indépendante, inaperçue; l'État n'a rien à démêler avec elle; le pouvoir temporel ne doit prendre, des croyances religieuses, aucune connaissance; qu'il les laisse se rapprocher, se séparer, vivre et se gouverner comme il leur convient; il n'a, pour intervenir dans leurs affaires, ni droit, ni bon motif.

4° L'État et l'Église sont des sociétés distinctes, il est vrai, mais contiguës, engagées l'une dans l'autre; qu'elles vivent séparées, mais non étrangères; qu'elles s'allient à certaines conditions, et subsistent chacune pour son compte, en se faisant de mutuels sacrifices, en se prêtant un mutuel appui.

Quant à l'organisation intérieure de la société religieuse elle-même, la diversité des principes et des formes est encore plus grande.

Et d'abord, deux grands systèmes se distin

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guent : dans l'un, le pouvoir est concentré aux mains du clergé; les prêtres seuls forment un corps constitué; c'est la société ecclésiastique qui gouverne la société religieuse : dans l'autre, la société religieuse se gouverne elle-même, intervient du moins dans son gouvernement; l'organisation sociale embrasse les fidèles aussi bien

prêtres.

que les Le gouvernement appartient-il à la société ecclésiastique seule? Elle peut être constituée selon les modes les plus divers: 1° Sous la forme de la monarchie pure; l'histoire du monde en a offert plus d'un exemple; 2° sous une forme aristocratique; tel est le régime où des évêques, soit chacun dans son diocèse, soit réunis en assemblées, gouvernent l'Église de leur propre droit, et sans le concours du clergé inférieur; 3° sous une forme démocratique, lorsque, par exemple, le gouvernement de l'Église appartient à tout le clergé, à des assemblées de prêtres égaux entre

eux.

La société religieuse se gouverne-t-elle elle même? la variété n'y sera pas moins grande: 1o Les fidèles, les laïques siégeront avec les prêtres dans les assemblées chargées du gouvernement de l'Église; 2° il n'y aura point de gouvernement général de l'Église; chaque congrégation particulière,

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