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était complètement romaine. Dans l'histoire de l'Angleterre ou de l'Allemagne, Rome tient moins de place; leur civilisation, dans son origine, n'a pas été romaine, mais germanique; ce n'est guères que plus tard qu'elles ont vraiment subi l'influence des lois, des idées, des traditions de Rome. Il en est autrement de notre civilisation; elle est romaine dès ses premiers pas. Elle a de plus ce caractère particulier qu'elle a puisé aux deux sources de la civilisation européenne générale. La Gaule était située sur la limite du monde romain et du monde germanique. Le midi de la Gaule a été essentiellement romain, le nord essentiellement germanique; les mœurs, les institutions, les influences germaniques ont dominé dans le nord de la Gaule; les moeurs, les institutions, les influences romaines dans le midi. Nous retrouvons déjà ici ce caractère de la civilisation française, que j'ai essayé de faire ressortir à notre dernière réunion; c'est qu'elle est l'image la plus complète, la plus fidèle de la civilisation européenne dans son ensemble. La civilisation de l'Angleterre et de l'Allemagne est surtout germanique; celle de l'Espagne et de l'Italie surtout romaine; celle de la France est la seule qui participe presque également des deux origines, qui reproduise, dès son début, la com

plexité, la variété des élémens de la société moderne.

L'état social de la Gaule à la fin du IV et au commencement du Ve siècle, c'est donc là le premier objet de notre étude. Voici quels sont, d'un côté, les grands monumens originaux, de l'autre, les principaux ouvrages modernes que je vous engage à consulter.

Parmi les monumens originaux, le plus important est, sans contredit, le Code Théodosien. Montesquieu n'a pas dit formellement, mais il a eu l'air de croire (') que ce code était, au V siècle, toute la loi romaine, l'ensemble de la législation romaine. Il n'en est rien. Le Code Théodosien est un recueil des constitutions des empereurs depuis Constantin jusqu'à Théodose le jeune, publié par ce dernier en 438. Indépendamment de ces constitutions, les anciens sénatus-consultes, les anciens plébiscites, la loi des douze tables, les édits des préteurs, enfin les opinions des jurisconsultes faisaient partie du droit romain. Tout récemment même, et par une constitution de Valentimien III, en 426, cinq des grands jurisconsultes, Papinien, Ulpien, Paul, Gaïus et Modestin avaient reçu expressé

() Esprit des Lois, liv. xxvIII, chap. 4.

ment force de loi. Cependant il est vrai de dire que, sous le point de vue pratique, le Code Théodosien était la loi la plus importante de l'empire; c'est aussi le monument qui répand le plus de lumières sur cette époque (1).

Le second document original est la Notitia imperii romani, véritable almanach impérial du V siècle, qui contient le tableau de tous les fonctionnaires de l'empire, de toute l'administration, de tous les rapports du gouvernement avec les sujets (2). La notitia a été savamment commentée par le jurisconsulte Pancirole; nul ouvrage ne contient autant de faits singuliers et curieux sur l'état intérieur de cette société.

Enfin, je citerai comme troisième source originale, les grandes collections des actes des conciles. Il y en a deux; la collection des conciles tenus dans les Gaules, publiée par le père Sirmond (3), avec un volume de supplément de Lalande (^), et la collection générale des conciles, du père Labbe (5 ).

(1) Six vol. in-fol., avec les Commentaires de J. Godefroi. -Édit. de Ritter. Leipzig, 1738.

(2) La meilleure édition est celle qui se trouve dans le tome vii des Antiquités romaines de Grævius.

(3) Trois vol. in-fol.-Paris, 1629.

(4) Un vol. in-fol. Paris, 1660.

(5) Dix-huit vol. in-fol. Paris, 1672.

Quant aux travaux modernes, voici d'abord les ouvrages français que vous pouvez, je crois, consulter avec le plus de fruit :

1o La Théorie des lois politiques de la monarchie française, ouvrage assez peu connu, publié au commencement de la révolution (1), et composé par une femme, mademoiselle de Lézardière; ce n'est guère qu'un recueil des textes originaux, soit législatifs, soit historiques, sur l'état, les mœurs, les institutions gauloises et franques du IIIe au IXe siècle. Mais ces textes sont recueillis, mis en ordre, et traduits avec une science et une exactitude très-peu communes.

2o Je me permettrai de vous indiquer aussi les Essais que j'ai publiés sur l'histoire de France (1), et dans lesquels je me suis surtout appliqué à retracer, sous ses diverses faces, l'état de la société immédiatement avant et après la chute de l'empire romain.

Quant à l'histoire ecclésiastique, celle de Fleury me paraît la meilleure.

Ceux d'entre vous, Messieurs, qui savent l'allemand, feront bien de lire :

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1° L'Histoire du droit romain dans le moyen âge,

(1) En 1792; 8 vol. in-8. Paris.

(2) Un vol. in-8. Paris.

par M. de Savigny ('); ouvrage destiné à montrer que le droit romain n'a jamais péri en Europe, et se retrouve, du Ve au XIIIe siècle, dans une multitude d'institutions, de lois et de coutumes. L'état moral de la société n'y est pas toujours bien compris, ni représenté avec vérité; mais, quant aux faits, la science et la critique y sont supérieures.

2o L'histoire générale de l'église chrétienne, par M. Henke ('); ouvrage peu développé, et qui laisse beaucoup à désirer quant à l'intelligence et l'appréciation morale des faits, mais savant, judicieux, et écrit avec une indépendance d'esprit assez rare en pareille matière.

3o Le Manuel d'histoire ecclésiastique de M. Gieseler (); le dernier et le plus complet, en cette matière, de ces savans résumés, si répandus en Allemagne, et qui servent de guide lorsqu'on veut approfondir une étude.

Vous avez probablement déjà remarqué, Messieurs, que je vous indique ici deux sortes d'ouvrages, les uns relatifs à l'histoire civile, les autres à l'histoire ecclésiastique. C'est qu'en effet, il y

(1) Quatre vol. in-8. Il n'est pas encore terminé.
(*) Six vol. in-8, 4o édit. Brunswick. 1800.
(3) Trois vol. in-8. Bonn, 1827.

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