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un de Childebert II, en 595, renouvellent cette injonction et empruntent au droit romain quelques-unes de ses dispositions. Les monumens législatifs des Francs attestent donc sa perpétuité.

2o Un autre genre de monumens non moins authentiques la prouve également; à coup sûr, plusieurs d'entre vous connaissent les formules ou modèles des formes suivant lesquelles se rédigeaient, du VIo au X° siècle, les principaux actes de la vie civile, les testamens, les donations, les affranchissemens, les ventes, etc. Le principal recueil de formules est celui que publia le moine Marculf, vers la fin, à ce qu'il paraît, du VIIe siècle. Plusieurs érudits, Mabillon, Bignon, Sirmond, Lindenbrog, en ont retrouvé d'autres dans de vieux manuscrits. Un grand nombre de ces formules reproduisent, dans les mêmes termes, les anciennes formes du droit romain sur les affranchissemens d'esclaves', sur les donations, les testamens, la prescription, etc., et prouvent ainsi qu'il était toujours d'une application habituelle.

3° Tous les monumens de cette époque, dans les pays occupés par les Francs, sont pleins des noms du régime municipal romain, duumvirs, défenseurs, curie, curiales; et présentent ces institutions comme toujours en vigueur.

4° Beaucoup d'actes civils subsistent en effet, des testamens, des donations, des ventes, etc. qui sont passés suivant les formes du droit romain, dans la curie, et inscrits sur ses registres.

5° Enfin, les chroniqueurs du temps parlent souvent d'hommes versés dans la connaissance de la loi romaine et qui en font une étude attentive. Au VIe siècle, l'Auvergnat. Andarchius « était très-savant dans les oeuvres de Virgile, les livres de la loi théodosienne et l'art du calcul'. » A la fin du VIIe siècle, saint Bonet, évêque de Clermont, << était imbu des principes des grammairiens, et savant dans les décrets de Théodose. >> Saint Didier, évêque de Cahors, de 629 à 654, « s'appliqua, dit sa vie manuscrite, à l'étude des lois romaines. >>

Ce n'étaient point là, à coup sûr, des érudits; il n'y avait alors point d'académie des inscriptions, et on u'étudiait pas le droit romain par curiosité.

Il n'y a donc pas moyen de douter que, chez les Francs comme chez les Bourguignons et les Visigoths, il continua d'être en vigueur, surtout dans la législation civile et le régime municipal.

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Ceux d'entre vous, Messieurs, qui voudraient rechercher les preuves de détail, les textes originaux sur lesquels se fondent les résultats que je viens d'exposer, en trouveront un grand nombre dans l'ouvrage de M. de Savigny (t. 1, p. 267273; t. 2, p. 101-118), et plus encore dans l'Histoire du Régime municipal en France, que vient de publier M. Raynouard', ouvrage plein de recherches curieuses et si complètes, sur certaines questions, qu'en vérité on ne peut les taxer que de surabondance.

Vous le voyez, Messieurs, le fait que je me proposais de mettre en lumière est indubitable: les monumens de tout genre nous le montrent, à des degrés inégaux, sans doute, chez les différens peuples, mais partout réel et permanent. Son importance est grande, car il annonçait à la Gaule un état social tout différent de celui où elle avait vécu jusqu'alors. Il n'y avait guères plus de cinq siècles qu'elle était tombée au pouvoir des Romains; et déjà il n'y restait plus presque aucune trace de l'ancienne société gauloise. La civilisation romaine a eu cette terrible puissance d'extirper les lois, les moeurs, la langue, la reli

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2 vol. in-8°. Paris, chez Sautelet, rue de Richelieu, n° 14, et chez Alexandre Mcsnier, place de la Bourse.

gion nationales, de s'assimiler pleinement ses conquêtes. Toutes les expressions absolues sont exagérées; cependant, à considérer les choses en général, au VI° siècle, tout, en Gaule était romain. Le fait contraire accompagne la conquête barbare; les Germains laissent à la population vaincue, ses lois, ses institutions locales, sa langue, sa religion. Une invincible unité marchait à la suite des Romains; ici, la diversité s'établit par le fait même et de l'aveu des conquérans. Nous avons reconnu que l'empire de la personnalité, de l'indépendance individuelle, ce caractère de la civilisation moderne, était d'origine germanique; nous en retrouvons ici l'influence; l'idée de la personnalité préside aux lois comme aux actions; l'individualité des peuples, bien que soumis à la même domination politique, est proclamée comme celle des hommes. Il faudra des siècles pour que la notion du territoire l'emporte sur celle de la race, pour que la législation, de personnelle, redevienne réelle, pour qu'une nouvelle unité nationale résulte de la fusion lente et laborieuse des élémens divers.

Cela convenu, Messieurs, et la perpétuité de la législation romaine bien établie, que ce mot cependant ne vous fasse pas illusion on s'y est beaucoup trompé; parce qu'on a vu le droit

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romain continuer, parce qu'on a rencontré les mêmes noms, les mêmes formes, on en a conclu que les principes, que l'esprit des lois étaient aussi restés les mêmes : on a parlé du droit romain du Xe siècle comme de celui de l'empire. Langage plein d'erreur: quand Alaric et Sigismond ordonnèrent un nouveau recueil des lois romaines à l'usage de leurs sujets romains, ils firent exactement ce que firent ailleurs Théoderic et Dagobert, en faisant rédiger pour leurs sujets francs les lois barbares. Comme les lois salique et ripuaire écrivaient d'anciennes coutumes, déjà mal adaptées au nouvel état des peuples germains, de même le Breviarium d'Alaric et le Papiani Responsum recueillirent des lois déjà vieillies et en partie inapplicables. Par la chute de l'empire et l'invasion, tout l'ordre social devait changer; les relations des hommes étaient différentes, un autre régime de la propriété commençait; les institutions politiques romaines ne pouvaient subsister; les faits de tout genre se renouvelaient sur toute la face du territoire. Et quelles lois donne-t-on à cette société naissante, désordonnée mais féconde? Deux lois anciennes; les anciennes coutumes barbares et l'ancienne législation romaine. Evidemment ni les unes ni les autres ne pouvaient lui convenir; les unes et

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