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par ses pairs, car c'est ainsi qu'on rédige commu-. nément le principe de l'institution du jury selon les moeurs germaines. Voici la phrase latine sur laquelle se fonde cette induction :

« Cùm pro objecto crimine aliquis audiendus » est, quinque nobilissimi viri judices, de reliquis » sibi similibus, missis sortibus eligantur. »?

C'est-à-dire :

Si quelqu'un est traduit en justice pour accusation de crime, que cinq nobles hommes soient désignés par le sort, entre leurs pareils, pour être juges.

Ces mots de reliquis sibi similibus signifient évidemment que les cinq juges seront tirés au sort entre leurs pareils, et non entre les pareils de l'accusé. Il n'y a donc là aucune trace de cette idée que les juges doivent être de même rang et de même condition que l'accusé. Les mots nobilissimi viri auraient dû en convaincre M. de Savigny et prévenir son erreur; comment Jes appliquer en effet à des juges plébeïens?

Passons des Visigoths aux Bourguignons, et

Inter. Cod. Th. II, 1, 12.

recherchons quel a été, chez ces derniers, l'état de la législation romaine à la même époque.

La préface de leur loi barbare contient, vous vous le rappelez, cette phrase:

t

Nous ordonnons, comme l'ont fait nos ancêtres, de juger entre Romains suivant les lois romaines; et que ceux-ci sachent qu'ils recevront, par écrit, la forme et la teneur des lois suivant lesquelles ils doivent juger, afin que personne ne se puisse excuser sur l'ignorance'.

Le Bourguignon Sigismond avait donc, en 517, l'intention de faire ce que le Visigoth Alaric avait fait onze ans auparavant, de recueillir les lois romaines pour ses sujets romains.

En 1566, Cujas trouva dans un manuscrit un ouvrage de droit qu'il publia sous le titre de Papiani responsum ou liber responsorum, et qui n'a pas cessé de porter ce nom. Il est divisé en 47 ou 48 titres, et offre les caractères suivans:

1o L'ordre et l'intitulé des titres correspond presque minutieusement à l'ordre et à l'intitulé des titres de la loi barbare des Bourguignons; le titre 2 de homicidiis au titre 2 de homicidiis; le titre 3 de libertatibus au titre 3 de libertatibus

Voyez la leçon précédente, p. 374.

servorum nostrorum, et ainsi de suite. M. de Savigny a dressé le tableau comparatif des deux lois', et la corrélation est évidente.

2° On lit dans le titre 2 de cet ouvrage, de homicidiis:

Et comme il est bien clair que la loi romaine n'a rien réglé sur le prix des hommes tués, notre Seigneur a ordonné que, selon la qualité de l'esclave, le meurtrier aurait à payer à son maître les prix suivans, savoir:

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roi.

Il faut que ceci soit observé selon l'ordre du seigneur

Ce sont l'énumération et la composition réglées, au titre correspondant, par la loi des Bourguignons.

3o Enfin deux titres du premier supplément de cette loi (tit. 1 et 19) sont textuellement empruntés au Papiani responsum, publié par Cujas.

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Il est évident que cet ouvrage n'est autre que la loi annoncée par Sigismond à ses sujets romains, au moment où il publiait la loi de ses sujets barbares.

D'où vient le titre de cette loi? Pourquoi s'appelle-t-elle Papiani responsum? Ne serait-elle en effet que la répétition d'un ouvrage de Papinien, souvent appelé Papien par les manuscrits? Rien n'est moins probable. M. de Savigny a fort ingénieusement résolu cette question. Il conjecture que Cujas a trouvé le manuscrit de la loi romaine des Bourguignons à la suite d'un manuscrit du Breviarium d'Alaric, sans que rien marquât la séparation des deux ouvrages; et que le Breviarium finissant par un passage du Liber responsorum de Papinien, Cujas a, par inadvertance, attribué ce passage et donné ce titre à l'ouvrage suivant. L'examen de plusieurs manuscrits confirme cette conjecture, et Cujas luimême s'était douté de l'erreur.

Comme le Breviarium d'Alaric précéda de quelques années seulement la loi des RomainsBourguignons, et la suggéra peut-être, quelques personnes ont supposé qu'elle n'en était qu'un extrait. C'est une erreur: beaucoup plus court et plus incomplet que le Breviarium, le Papiani responsum, puisque ce nom lui est resté, a cepen

dant puisé plus d'une fois aux sources du droit romain, et fournit, à ce sujet, d'importantes indications.

Il tomba probablement en désuétude lorsque le royaume des Bourguignons fut tombé sous le joug des Francs; tout indique que le Breviarium d'Alaric, plus étendu et qui satisfaisait mieux aux divers besoins de la vie civile, le remplaça progressivement, et devint la loi des Romains dans toutes les contrées de la Gaule qu'avaient possé dées les Bourguignons comme les Visigoths.

Restent les Francs. Quand ils eurent conquis, ou à peu près toute la Gaule, le Breviarium, et quelque temps aussi le Papien continuèrent d'être en vigueur dans les contrées où ils régnaient auparavant. Mais au nord et au nord-est de la Gaule, dans les premiers établissemens des Francs, la situation est différente : on ne trouve là point de nouveau code romain, aucune tentative de recueillir et de rédiger la loi romaine pour les anciens habitans. Il est certain cependant qu'elle a continué de les régir; voici les principaux faits qui ne permettent pas d'en douter. 1o Les lois salique et ripuaire répètent continuellement que les Romains seront jugés selon la loi romaine. Plusieurs décrets des rois Francs,

entre autres un décret de Clotaire Ier, en 560, et

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