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point ce dernier nom avant le XVIe siècle '. II n'y a, du Breviarium Alaricianum, qu'une seule édition séparée, donnée, en 1528, à Bâle, par Sichard. Il a été inséré, du reste, tantôt partiellement, tantôt en entier, dans les diverses éditions du Code théodosien.

Il est divisé en deux parties essentielles : 1° un texte ou extrait des sources du droit que je viens d'énumérer; 2o une interprétation. Les Institutes de Gaïus sont le seul ouvrage où l'interprétation et le texte soient fondus ensemble.

Le texte n'est que la reproduction de la législation originaire; elle n'y est pas toujours complète; toutes les constitutions impériales, par exemple, ne sont pas insérées dans le Breviarium; mais celles qu'il reproduit ne sont point mutilées; l'ancien droit y paraît dans sa pureté, indépendamment des changemens qu'avait dû y introduire la chute de l'empire. L'interprétation au contraire, rédigée du temps d'Alaric par les jurisconsultes, civils ou ecclésiastiques, qu'il avait chargés de ce travail, tient compte de ces changemens; elle explique, modifie, change quel

1 On lit, dans la leçon précédente, (page 382), qu'Alaric fit recueillir et publier, sous le nom de Breviarium, les lois de ses sujets romains. C'est une inadvertance de langage.

quefois positivement le texte pour l'adapter au nouvel état du gouvernement et de la société; elle est donc, pour l'étude des institutions et des lois romaines à cette époque, plus importante et plus curieuse que le texte même.

L'existence seule d'un tel livre est la preuve la plus claire et la plus concluante de la perpétuité du droit romain: on pourrait en vérité se dispenser de l'ouvrir. Ouvrons-le cependant : nous y trouverons partout la trace de la société romaine, de ses institutions, de ses magistrats, aussi bien que de sa législation civile.

Le régime municipal occupe dans l'interprétation du Breviarium une place immense; la curie et ses magistrats, les duumvirs, les défenseurs, etc., y reviennent à chaque instant, et attestent que la municipalité romaine subsiste et agit. Et non-seulement elle subsiste; mais elle a acquis plus d'importance et d'indépendance : à la chute de l'empire, les gouverneurs des provinces romaines, les præsides, les consulares, les correctores ont disparu; à leur place on aperçoit les comtes barbares. Mais toutes les attributions des gouverneurs romains n'ont point passé aux comtes; il s'en est fait une sorte de partage : les unes appartiennent aux comtes; ce sont en général celles où le pouvoir central est intéressé,

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comme la levée des impôts, des hommes, etc.; les autres, celles qui ne concernent que la vie ́ privée des citoyens, sont allées à la curie, aux magistrats municipaux. Je n'ai garde d'énumérer ici tous ces changemens; mais en voici quelques exemples puisés dans l'interprétation :

1o Ce qui se faisait auparavant par le préteur (alibi le président) doit se faire maintenant par les juges de la cité (Interp. Paul. 1, 7, § 2-Int. C. Th. 11, 4, 2.).

2° L'émancipation, qui avait coutume de se faire pardevant le président, doit se faire maintenant par-devant la curie. (Gaïus, 1, 6).

3. Les tuteurs étaient nommés à Constantinople par le préfet de la ville, dix sénateurs et le préteur. L'interprétation met à leur place « les premiers de la cité avec le » juge.» (probablement le duumvir). (Int. C. Th. ш, 17,3). »

4° Les testamens doivent être ouverts dans la curie. (Interp. C. Th. iv, 4, 4.)

Les cas de ce genre abondent, et ne permettent pas de douter que, loin de périr avec l'empire, le régime municipal n'eût acquis après l'invasion, dans la Gaule méridionale du moins, plus d'extension et de liberté.

Un second changement considérable s'y laisse aussi entrevoir. Dans l'ancienne municipalité romaine, les magistrats supérieurs, le Duumvir,

le Quinquennalis, etc., exerçaient leur juridiction comme un droit personnel, nullement par voie de délégation et en qualité de représentans de la curie; c'était à eux-mêmes, non au corps municipal, que le pouvoir appartenait. Le principe du régime municipal était plus aristocra tique que démocratique. Tel avait été le résultat des anciennes moeurs romaines, et spécialement de l'amalgame primitif des pouvoirs religieux et politiques dans les magistrats supérieurs.

Dans le Breviarium, l'aspect du régime municipal change; ce n'est plus en son propre nom, c'est au nom et comme délégué de la curie que le defensor exerce son pouvoir. A la curie en corps appartient la juridiction. Le principe de son organisation devient démocratique; et déjà se prépare ainsi la transformation qui fera, de la municipalité romaine, la commune du moyen âge.

Ce sont là, Messieurs, quant à la permanence du droit romain sous les Visigoths, les principaux résultats de l'ouvrage de M. de Savigny. Je ne sais s'il a bien mesuré la portée du dernier, et toutes ses conséquences dans l'histoire de la société moderne. Mais il l'a certainement entrevu, et en général ses idées sont aussi précises que son érudition est exacte et étendue. De tous les sa11. HIST. MOD., 1829

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vans allemands qui se sont occupés de ce sujet, c'est à coup sûr le plus exempt de tout préjugé germanique, celui qui se laisse le moins entraîner au désir d'amplifier la puissance des anciennes institutions ou des moeurs germaines dans la civilisation moderne, et qui fait à l'élément romain la meilleure part. Quelquefois cependant, la préoccupation de l'esprit national, si je puis m'exprimer ainsi, l'a encore trompé, et j'en citerai un singulier exemple. Il dit, à la fin du chapitre sur le régime municipal sous les Visigoths:

« Le texte du Code ordonne qu'à Rome, pour prononcer sur une accusation criminelle contre un sénateur, cinq sénateurs soient désignés par le sort: l'Interprétation rend cette règle générale, et exige cinq des principaux citoyens, du même rang que l'accusé, c'est-à-dire décurions ou plébéiens, selon la condition de l'accusé lui-même...... Ne pourrait-on conjecturer ici l'influence des Scabini germains? 1

Ainsi, M. de Savigny suppose que, selon l'interprétation du Breviarium, les juges tirés au sort, en matière criminelle, devaient, sous les Visigoths au VIe siècle, être de même condition que l'accusé, que tout homme devait être jugé

2. T. 1, p. 265.

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