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de cette condition; il l'a faite trop belle, trop fixe, trop puissante; il n'en a nullement fait pressentir la faiblesse et la chute prochaine.

Le même défaut paraît, quoiqu'à un moindre degré, dans son histoire même du droit romain du Vo au XII° siècle : elle est complète et exacte en tant que recueil de faits; mais les faits y sont tous placés, pour ainsi dire, sur le même plan; on n'assiste point à leurs modifications successives; on ne voit point le droit romain se transformer à mesure que la nouvelle société se développe. Aucun enchaînement moral ne lie ces détails si savamment, si ingénieusement rétablis. La dissection anatomique, en un mot, est le caractère dominant de l'ouvrage; l'organisation interne et la vie extérieure y manquent également.

Réduit à sa vraie nature, comme critique des faits matériels, le livre de M. de Savigny est original et excellent; il doit servir de base à toutes les études qui ont cette époque pour objet, car il met hors de doute la perpétuité du droit romain du V au XIIe siècle, et résout ainsi pleinement le problème que l'auteur s'est proposé.

Maintenant qu'il est résolu, on s'étonne que ce problème se soit jamais élevé, et qu'on ait jamais pu douter de la permanence du droit romain

après la chute de l'empire. Non-seulement les lois barbares font partout mention des lois romaines; mais il n'y a presque aucun document, aucun acte de cette époque, qui n'atteste, directement ou indirectement, leur application quotidierne. Peut-être l'erreur qu'a combattue M. de Savigny n'a-t-elle pas été aussi générale ni aussi absolue qu'il semble le supposer, et qu'on le répète communément. Ce furent les Pandectes qui reparurent au XIIe siècle, et quand on a célébré la résurrection du droit romain à cette époque, c'est surtout de la législation de Justinien qu'on a voulu parler. En y regardant de plus près, on s'apercevrait, je crois, que la perpétuité en Occident des autres portions du droit romain, du Code théodosien, par exemple, et de tous les recueils auxquels il servit de base, n'a pas été aussi complètement méconnue que le donne à croire l'ouvrage de M. de Savigny. Mais peu importe: plus ou moins étendue, l'erreur à ce sujet a été réelle, et M. de Savigny, en la dissipant, a fait faire à la science un immense progrès.

Je vais mettre sous vos yeux les principaux résultats de son travail, mais dans un ordre contraire à celui que nous avons suivi en étudiant les lois germaniques. Nous avons commencé par les plus barbares, pour finir par celles où l'esprit

romain avait pénétré le plus avant. Nous étudierons au contraire d'abord les pays où le droit romain a conservé le plus d'empire, pour le suivre dans les divers degrés de son affaiblis

sement.

C'est dire que le royaume des Visigoths est le premier dont nous ayons à nous occuper. Ce fut, vous vous le rappelez, de l'an 466 à l'an 484, que le Roi Euric, qui résidait à Toulouse, fit écrire, pour la première fois, les coutumes des Goths. En 506, son successeur, Alaric II, fit recueillir et publier, sous une nouvelle forme, les lois de ses sujets romains. On lit, en tête de quelquesuns des manuscrits de ce recueil, la préface suivante :

En ce volume sont contenues les lois ou décisions de droit, choisies dans le code théodosien et autres livres, et expliquées ainsi que cela a été ordonné, le seigneur roi Alaric étant à la vingt-deuxième année de son règne, l'illustre comte Goiaric présidant à ce travail. Exemplaire du décret lettre d'avis à Timothée V. S. comte.

ce

Avec l'aide de Dieu, occupé des intérêts de notre peuple, nous avons corrigé, après mûre délibération, qui semblait inique dans les lois, de telle sorte que par le travail des prêtres et autres nobles hommes, toute obscurité des lois romaines et du droit antique soit dissipée, et qu'une plus grande clarté s'y répande, afin que rien ne demeure ambigu et ne soit pour les plaideurs un sujet de

longues controverses. Toutes ces lois donc étant expliquées et réunies en un seul livre par le choix d'hommes sages, l'assentiment des vénérables évêques et de nos sujets provinciaux, élus à cet effet, a confirmé ledit recueil, auquel est jointe une claire interprétation. Notre clémence a donc ordonné que le livre soussigné....., fût remis au comte Goiaric pour la décision des affaires, afin que désormais tous les procès soient terminés selon ses dispositions, et qu'il ne soit permis à personne de mettre en avant aucune loi, ni règle de droit, si ce n'est ce que contient le présent livre, souscrit, comme nous l'avons ordonné, de la main de l'honorable homme Anianus. Il convient

donc que tu prennes garde à ce que, dans ton ressort, aucune autre loi ou formule de droit ne soit alléguée ni admise. Que si par hasard telle chose arrivait, sache que ce serait au péril de ta tête ou aux dépens de ta fortune. Nous ordonnons que cette prescription soit jointe au livre que nous t'envoyons, afin que la règle de notre volonté et la crainte de la peine contiennent tous nos sujets.

Moi, Anianus, homme honorable, d'après l'ordre du très-glorieux roi Alaric, j'ai mis au jour et souscrit ce volume des lois théodosiennes, décisions de droit et autres livres, recueilli à Aire, la vingt-deuxième année de son règne. Nous avons collationné. Donné le quatrième jour des nones de février, la vingt-deuxième année du roi Alaric, à Toulouse.

Cette préface contient tout ce que nous savons sur l'histoire de la rédaction de ce code. J'ai peu

d'explications à y ajouter. Goiaric était le comte du palais, chargé de veiller à son exécution dans tout le royaume; Anianus, en qualité de référendaire, devait en souscrire les diverses copies, et les expédier aux comtes provinciaux; Timothée est un de ces comtes. La plupart des manuscrits, n'étant que des copies faites dans un intérêt privé, ne donnent ni la préface, ni aucune lettre d'envoi.

Le recueil d'Alaric contient : 1° le Code théodosien, (16 livres); 2° les Novelles des empereurs Théodose, Valentinien, Marcien, Majorien et Sévère; 3° les Institutes du jurisconsulte Gaïus; 4° cinq livres du jurisconsulte Paul, intitulés, Receptæ sententiæ; 5° le code Grégorien, (13 titres); 6° le code Hermogénien, (2 titres); 7o enfin, un passage de l'ouvrage de Papinien, intitulé Liber responsorum.

Les Constitutions et les Novelles des empereurs sont appelées Leges; les travaux des jurisconsultes, y compris les codes Grégorien et Hermogénien, qui n'étaient point émanés d'un pouvoir public et officiel, portent simplement le nom de Jus. C'est la distinction de la loi et de la jurisprudence.

Le recueil, dans son ensemble, était appelé lex romana, et non Breviarium; on ne rencontre

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