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plus douces afin qu'on n'opprimát pas les Ro

» mains ',»

2o Le droit pénal des Bourguignons n'est plus le même celui des Francs. La composition y que

subsiste toujours, mais ce n'est plus la seule peine; les peines corporelles apparaissent; on rencontre aussi certaines peines morales; le législateur essaie de se servir de la souffrance, de la honte. Déjà même il invente des peines étranges, comme on en trouve si souvent dans les législations du moyen âge. Si, par exemple, un épervier de chasse a été volé, le voleur est condamné à se laisser manger sur le corps, par l'épervier, six onces de chair, ou à payer six solidi. Ce n'est là qu'une bizarrerie sauvage; mais elle indique des essais de pénalité très-différens des anciennes coutumes germaines. La différence se manifeste aussi à d'autres symptômes les délits sont beaucoup plus variés, il y en a moins contre les personnes, et on en voit naître qui tiennent à des relations sociales plus régulières et plus compliquées.

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3° Aussi le droit civil et la procédure occupent

Tom. I, pag. 96 de ma Collection des Mémoires relatifs à l'Histoire de France.

2

Voyez le premier supplément, tit. 10.

ils dans la loi des Bourguignons plus de place que dans les deux précédentes. Ils sont à peu près l'objet de la moitié des articles; dans la loi des Ripuaires, ils n'en prenaient que les deux cinquièmes, et seulement le sixième dans la loi salique. Il suffit d'ouvrir les lois de Gondebaud et de Sigismond pour y apercevoir une multitude de dispositions sur les successions, les testamens, les donations, les mariages, les contrats, etc.

:

4° On y rencontre même quelques emprunts positifs à la loi romaine. A peine avons-nous pu, tout à l'heure, démêler, dans la loi ripuaire, quelques traces d'un tel fait : ici, il est évident, surtout en ce qui concerne le droit civil rien de plus simple; le droit civil était rare et faible dans les lois barbares; dès que le progrès des relations sociales en fournit, pour ainsi dire, la matière, ce fut à la législation romaine qu'on en dut emprunter la forme. Voici deux dispositions où l'imitation est certaine :

« Si quelque femme bourguignonne, après la mort de son mari, passe, comme il arrive, à de secondes ou à de troisièmes noces, et si elle a des fils de chaque mariage, qu'elle possède en usufruit,

« Que personne n'ignore que, si les femmes, le temps légitime écoulé, passent à de secondes noces, en ayant des enfans du précédent mariage, elles doivent conserver, leur vie durant, l'usufruit de ce

tant qu'elle vivra ' la donation nuptiale; mais qu'après sa mort, chacun de ses fils retrouve ce que son père avait donné à sa mère; et qu'ainsi la femme n'ait aucun droit de donner, vendre ou aliéner rien de ce qu'elle a reçu en donation nuptiale. » (Tit. 24,

S1).

qu'elles ont reçu au temps de leurs noces, la propriété demeurant entière à leurs enfans, à qui les lois les plus sacrées en réservent le droit après leur mort. » (Cod. Theod., liv. 3, tit. 8, l. 3). (Ibid. 1. 2).

2

« Les donations et les tes- << Dans les codiciles que ne tamens faits parmi notre peu-précède pas un testament, ple seront valables, lorsque comme dans les testamens, cinq ou sept témoins y au- l'intervention de cinq ou de ront apposé, comme ils le sept témoins ne doit jamais sauront faire, leur sceau ou manquer.» (Cod. Theod., souscription. » (Tit. 43, § 1 ). | liv. 4, tit. 4, l. 1).

1 Dum advivit usufructu possi- 1 Dum advixerit in usufructa possideat. (Interpret.).

deat.

Je pourrais indiquer encore quelques analogies semblables.

5° Enfin, la loi des Bourguignons montre clairement que la royauté avait fait, chez ce peuple, de grands progrès. Ce n'est pas qu'il en soit question là plus qu'ailleurs; il n'en est même nullement question sous le point de vue politique; la loi des Bourguignons est la moins politique des lois barbares, celle qui se renferme le plus exclusivement dans le droit pénal et le

droit civil, et contient le moins d'allusions att gouvernement général. Mais, par l'ensemble de cette loi, par sa préface, par le ton et l'esprit de sa rédaction, on est à chaque instant averti que le roi n'est plus un simple chef de guerriers, ou seulement un grand propriétaire; et que la royauté est sortie de sa condition barbare, pour devenir un pouvoir public.

Vous le voyez, Messieurs; tout ceci révèle une société plus développée, plus régulière; l'élément romain prévaut de plus en plus sur l'élément barbare; nous avançons visiblement dans la transition de l'un à l'autre, ou plutôt dans le travail de fusion qui doit les combiner ensemble. Ce que les Bourguignons paraissent avoir surtout emprunté au monde romain, indépendamment de quelques traits de droit civil, c'est l'idée de l'ordre public, du gouvernement proprement dit : à peine entrevoit-on encore quelque trace des anciennes assemblées germaniques; l'influence du clergé ne paraît point dominante; c'est la royauté qui prévaut, et s'efforce de reproduire le pouvoir impérial. Les rois bourguignons sont ceux qui semblent avoir le plus complètement hérité des empereurs et régné sur leur modèle. Peut-être faut-il en chercher la cause dans la date de leur royaume, fondé l'un des premiers, et pendant que l'orga

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nisation de l'empire subsistait encore, ou à peu près; peut-être aussi leur établissement, resserré dans de plus étroites limites que celui des Visigoths ou des Francs, a-t-il pu revêtir promptement une forme plus régulière. Quoi qu'il soit, le fait est certain et caractérise ce peuple et sa législation.

Elle continua d'être en vigueur après que les Bourguignons eurent passé sous le joug des Francs; les formules de Marculfet les capitulaires de Charlemagne en font foi'. On la retrouve même encore formellement mentionnée au IX siècle, par les évêques Agobard et, Hincmar mais peu d'hommes, disent-ils, vivent maintenant sous cette loi.

III. La destinée de la loi des Visigoths a été plus grande et plus longue. Elle forme un recueil considérable, intitulé Forum judicum, et a été successivement rédigée, de l'an 466, époque de l'avènement du roi Euric, qui résidait à Toulouse, à l'an 701, époque de la mort du roi Égica ou Égiza, qui résidait à Tolède. Cette seule indication annonce que, dans cet intervalle, de grands changemens ont eu lieu dans la situation du peuple pour qui la loi était faite.

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Marculf. L. 1, f. 8; capit. 2 a 813. - Baluze, 1,505.

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