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que la date de la loi ; elle en révèle le caractère, et la distingue nettement, dès l'abord, des deux lois barbares dont nous venons de nous occuper; j'ai besoin de vous la lire toute entière :

Le très-glorieux roi des Bourguignons Gondébaud, après avoir, pour l'intérêt et le repos de nos peuples, réfléchi mûrement à nos constitutions et à celles de nos ancêtres, et à ce qui, dans chaque matière et chaque affaire, convient le mieux à l'honnêteté, la règle, la raison et la justice, nous avons pesé tout cela, avec nos grands convoqués; et tant de notre avis que du leur, nous avons ordonné d'écrire les statuts suivans, afin que les lois demeurent éternelle

ment.

Au nom de Dieu, la seconde année du règne de notre très-glorieux seigneur le roi Sigismond, le livre des ordonnances touchant le maintien éternel des lois passées et présentes, a été fait à Lyon, le quatrième jour des calendes d'avril.

Par amour de la justice, au moyen duquel on se rend Dieu favorable, et on acquiert le pouvoir sur la terre, ayant d'abord tenu conseil, avec nos comtes et nos grands, nous, nous sommes appliqués à régler toutes choses de manière à ce que l'intégrité et la justice dans les jugemens repoussent tout présent, toute voie de corruption. Tous ceux qui sont en pouvoir doivent, à compter de ce jour, juger entre le Bourguignon et le Romain selon la teneur de nos lois, composées et amendées d'un commun accord; de telle sorte que personne n'espère, ni n'ose, dans un jugement ou une affaire, recevoir quelque chose de l'une des parties à titre de don ou d'avantage, mais

que la partie qui a la justice de son côté l'obtienne, et que pour cela l'intégrité du juge suffise. Nous croyons devoir nous imposer à nous-même cette condition, afin que personne, dans quelque cause que ce soit, n'ose tenter notre intégrité par des sollicitations ou des présens, repoussant ainsi loin de nous d'abord, par amour de la justice, ce que, dans tout notre royaume, nous interdisons à tous les juges. Notre fisc ne doit pas non plus prétendre davantage que la levée de l'amende, telle qu'on la trouve établie dans les lois. Que les grands, les comtes, les conseillers, les domestiques et les maires de notre maison, les chanceliers et les comtes des cités et des campagnes, tant Bourguignons que Romains, ainsi que tous les juges-députés, même en cas de guerre, sachent donc qu'ils ne doivent rien recevoir pour les causes traitées ou jugées devant eux, et qu'ils ne doivent pas non plus rien demander aux parties à titre de promesse ou de récompense. Les parties ne doivent pas non plus être forcées à composer avec le juge, de manière à ce qu'il en reçoive quelque chose. Que si quelqu'un des juges sus-nommés se laisse corrompre, et malgré nos lois, est convaincu d'avoir reçu une récompense pour une affaire ou un jugement, eût-il jugé justement, que, pour l'exemple de tous, si le crime est prouvé, il soit puni de mort; de telle sorte cependant que la faute de celui qui est convaincu de vénalité ayant été punie sur lui-même, n'enlève pas son bien à ses enfans ou héritiers légitimes. Quant aux secrétaires des juges-députés, nous pensons que, pour leur droit sur les jugemens, un tiers d'as doit leur suffire dans les affaires au-dessus de dix solidi; au-dessous de cette somme, ils doivent demander un moindre droit. Le crime de vénalité étant interdit sous les mêmes peines, 10. HIST. MOD., 1829. 29

nous ordonnons, comme l'ont fait nos ancêtres, de juger entre Romains suivant les lois romaines; et que ceux-ci sachent qu'ils recevront, par écrit, la forme et la teneur des lois suivant lesquelles ils doivent juger, afin que personne ne se puisse excuser sur l'ignorance. Quant à ce qui aura été mal jugé autrefois, la teneur de l'ancienne loi sera conservée. Nous ajoutons ceci que, si un juge accusé de corruption ne peut être convaincu d'aucune manière, l'accusateur sera soumis à la peine que nous avions ordonné d'infliger au juge prévaricateur. Si quelque point ne se trouve pas réglé dans nos lois, nous ordonnons qu'on en réfère à notre jugement sur ce point seulement. Si quelque juge, tant Barbare que Romain, par simplicité ou négligence, ne juge pas les affaires sur lesquelles a statué notre loi, et qu'il soit exempt de corruption, qu'il sache qu'il paiera trente solidi romains, et que, les parties interrogées, la cause sera jugée de nouveau. Nous ajoutons que, si après en avoir été sommés trois fois, les juges n'ont pas jugé, et si celui qui a l'affaire croit devoir en référer à nous, et qu'il prouve qu'il a sommé trois fois ses juges, et n'a pas été entendu, le juge sera condamné à une amende de douze solidi. Mais si quelqu'un, dans une cause quelconque, ayant négligé de sommer trois fois les juges, comme nous l'avons prescrit ci-dessus, ose s'adresser à nous, il paiera l'amende que nous avons établie pour le juge retardataire. Et pour qu'aucune affaire ne soit retardée par l'absence des juges délégués, qu'aucun comte romain ou bourguignon ne s'arroge de juger une cause en l'absence du juge dont elle relève, afin que ceux qui ont recours à la loi ne puissent être incertains sur la juridiction. Il nous a plu

de confirmer cette série de nos ordonnances par la subscription des comtes, afin que la règle qui a été écrite par notre volonté et celle de tous, gardée par la postérité, ait la solidité d'un pacte éternel. (Suivent les signatures de trente-deux comtes).

Sans aller plus avant, Messieurs, d'après cette préface seule, la différence des trois lois est évidente: celle-ci n'est plus un simple recueil de coutumes, rédigé on ne sait bien par qui, ni à quelle époque, ni dans quelle intention; c'est une œuvre de législation, émanée d'un pouvoir régulier, dans un but d'ordre public, qui offre, en un mot, quelques caractères vraiment politiques, et révèle un gouvernement, le dessein. du moins d'un gouvernement.

Entrons dans l'intérieur même de la loi; il ne dément point la préface.

Elle contient 1 10 titres et 354 articles, savoir: 142 articles de droit civil, 30 de procédure civile ou criminelle, et 182 de droit pénal. Le droit pénal se divise en 76 articles pour délits contre les personnes, 62 pour délits contre les propriétés, et 44 pour délits divers.

Voici les principaux résultats où conduit l'examen des dispositions ainsi classées :

1° La condition du Bourguignon et du Romain est la même; toute diversité légale a disparu; en

matière civile ou criminelle, comme offensés ou offenseurs, ils sont placés sur un pied d'égalité. Les textes abondent en preuves. Je choisis quelques-uns des plus saillans.

1° Que le Bourguignon et le Romain soient soumis à la même condition (tit. x, S i ). si).

2° Si une jeune fille romaine s'est unie à un Bourguignon sans l'aveu ou à l'insu de ses parens, qu'elle sache qu'elle ne recueillera rien du bien de ses parens (tit. XII, $ 5).

3. Si quelque homme libre bourguignon est entré dans une maison pour quelque querelle, qu'il paie six solidi au maître de la maison, et douze solidi à titre d'amende. Nous voulons qu'en ceci la même condition soit imposée aux Romains et aux Bourguignons (tit. xv, § 1).

4° Si quelque homme, voyageant pour ses affaires privées, arrive à la maison d'un Bourguignon, et lui demande l'hospitalité, et si le Bourguignon lui indique la maison d'un Romain, et que cela se puisse prouver, que le Bourguignon paie trois solidi à celui dont il aura indiqué la maison, et trois solidi à titre d'amende (tit. xxxvII, § 6).

Ce sont là, à coup sûr, des soins minutieux pour maintenir les deux peuples sur le même niveau. Aussi lit-on dans Grégoire de Tours: « Le roi Gondebaud institua, dans le pays qu'on nomme actuellement la Bourgogne, des lois

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