Images de page
PDF
ePub

convertir en loi, c'est-à-dire de la rendre fixe et générale symptôme assuré d'une date plus moderne, d'une société un peu plus avancée.

II y a d'ailleurs, entre les deux lois, d'autres différences qui prouvent incontestablement ce résultat.

1° Vous avez pu voir, par la simple énumération des articles, que le droit civil tient, dans la loi ripuaire, plus de place que dans la loi salique. Le droit pénal y domine toujours; cependant la loi est moins exclusivement un code pénal; la procédure, les témoignages, l'état des personnes, la propriété et ses divers modes de transmission, en un mot, toutes les parties de la législation étrangère à la pénalité y sont au moins indiquées, et quelquefois avec assez de précision.

2° De plus, et ceci est un fait important, la royauté apparaît bien davantage dans la loi ripuaire que dans l'autre. Elle n'y apparaît guère sous un rapport politique; il n'est point question du pouvoir royal, ni de la manière dont il s'exerce; mais il est question du roi, comme d'un individu plus considérable sous tous les rapports, et dont la loi doit s'occuper spéciale ment. Elle le considère surtout comme propriétaire ou patron, comme ayant de vastes do

maines, et sur ces domaines des colons qui les exploitent, des hommes engagés à son service ou placés sous sa protection; et, à ce titre, elle lui accorde, à lui-même ou aux siens, de nombreux et assez importans priviléges. Je vous en indiquerai quelques-uns :

1° Si quelqu'un a enlevé par violence un objet quelconque appartenant à un homme du roi, ou à un homme attaché à une église, il paiera une composition triple de celle qui aurait dû être payée si le crime eût été commis envers un autre ripuaire (tit. XI, § 4).

2o Si le crime a été commis par un homme attaché à une église ou à un, des domaines du roi, il paiera la moitié de la composition qu'aurait payée un autre Franc. En cas de dénégation, il devra se justifier en se présentant au serment avec trente-six co-jurans (tit. XVIII, $5).

3o Un homme attaché aux domaines du roi, romain ou affranchi tabulaire, appelé en justice, ne pourra y être interpellé, ni être l'objet d'une accusation capitale (tit. LX, $ 22).

4o S'il est assigné à paraître en jugement, il fera connaître sa condition par une déclaration qu'il affirmera sur les autels; après quoi, il sera procédé à son égard autrement qu'il n'est procédé à l'égard des Ripuaires. (Ibid. § 23).

5o Les esclaves appartenant au roi ou à une église ne plaident point par l'organe d'un défenseur; mais ils se défendent eux-mêmes, et sont admis à se justifier par serment sans pouvoir être astreints à répondre aux interpellations qui leur seraient adressées (Ibid. § 24).

S

6° Si quelqu'un entreprend de renverser une charte royale, sans pouvoir en produire une autre qui ait abrogé la première, il paiera de sa vie cet attentat (tit. LXII, § 7).

7° Quiconque se rendra coupable de trahison envers le roi, paiera de sa vie cet attentat, et tous ses biens seront confisqués (tit. LXXI, § 1).

La loi salique ne dit rien de semblable; ici la royauté a fait évidemment un assez grand progrès.

3° La même différence existe entre les deux lois, quant à l'Église : les articles que je viens de lire le prouvent tous; l'Église est partout assimilée au roi; les mêmes priviléges sont accordés à ses terres et à ses colons.

4° On démêle aussi, dans la loi ripuaire, une influence un peu plus marquée de la loi romaine; elle ne se borne pas à la mentionner pour dire que les Romains vivent sous son empire; elle en accepte quelques dispositions. Ainsi en réglant les formalités de l'affranchissement, elle dit:

<< Nous voulons que tout franc ripuaire, ou affranchi tabulaire qui, pour le bien de son âme, ou moyennant une rétribution, voudra affranchir son esclave dans les formes indiquées par la loi romaine, se présente à l'église devant les prêtres, les diacres, tout le clergé et le peuple....... (Suivent les formalités de l'affranchissement), (tit. LX, S1).

C'est encore là une marque faible, sans doute,

mais réelle, d'une société un peu plus avancée.

on

5° Enfin, quand on lit avec attention la loi ripuaire dans son ensemble, on est frappé d'un caractère moins barbare que celui de la loi salique : les dispositions sont plus précises, plus étendues; y démêle plus d'intentions, et des intentions plus réfléchies, plus politiques, inspirées par des vues plus générales. Ce ne sont pas toujours de simples coutumes qu'on rédige; le législateur dit quelquefois : « Nous établissons, nous ordonnons'. » Tout indique enfin que cette législation, sinon dans sa forme, du moins dans les idées et les mœurs qui en sont le fond, appartient à une époque postérieure, à un état un peu moins barbare, et révèle un pas nouveau dans la transition de la société germaine à la société romaine, et de ces deux sociétés à la société nouvelle que leur amalgame devait enfanter.

De la loi des Ripuaires passons à celle des Bourguignons, et voyons si nous y trouverons ce même fait.

La rédaction de la loi des Bourguignons flotte entre l'année 467 ou 468, la seconde du règne de Gondebaud, et l'année 534, époque de la

[blocks in formation]

chute de ce royaume sous les armes des Francs. Trois parties, de dates probablement diverses, composent cette loi : la première, qui comprend les 41 premiers titres, appartient évidemment au roi Gondebaud, et paraît avoir été publiée avant l'an 501. A partir du 42. titre, le caractère de la législation change: les lois nouvelles ne sont guère que des modifications des précédentes; elles expliquent, réforment, complètent, et l'annoncent quelquefois expressément. Par le rapprochement de plusieurs faits dans le détail desquels je n'ai garde d'entrer ici, on est fondé à croire que cette seconde partie a été rédigée et publiée vers l'an 517 par le roi Sigismond, successeur de Gondebaud. Enfin, deux supplémens forment une troisième partie, ajoutée à la loi sous le nom positif d'additamenta, probablement aussi par Sigismond, mort en 523.

La préface, placée en tête du texte, confirme ces conjectures; elle est évidemment composée de deux préfaces d'époque diverse; l'une vient du roi Gondebaud, l'autre du roi Sigismond. Quelques manuscrits attribuent également celleci à Gondebaud; mais ceux qui la donnent à Sigismond méritent certainement la préférence.

Cette préface, Messieurs, répand beaucoup de jour sur des questions bien plus importantes

« PrécédentContinuer »