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rait l'opinion précédente, que la loi salique ne contient pas toute la législation, tout le droit des Francs Saliens. On trouve en effet, dans les monumens des IX, X et XI° siècles, un certain nombre de cas qui sont dits réglés secundum legem salicam, et dont le texte de cette loi ne fait aucune mention. Certaines formes de mariage, certaines règles des fiançailles, sont expressément appelées secundum legem salicam, et n'y figurent aucunement. D'où on pourrait conclure qu'un grand nombre de coutumes des Francs Saliens n'avaient jamais été écrites, et ne font point partie du texte que nous possédons.

Voilà bien des détails, Messieurs, et j'en ai supprimé bien davantage; je ne vous ai donné que le résultat des controverses dont l'histoire seule de la loi salique a été l'objet. C'est pour ne s'en être pas rendu compte, pour n'avoir pas scruté avec soin les origines et les vicissitudes de cette loi qu'on s'est si étrangement mépris sur sa nature. Entrons à présent dans l'examen de la législation elle-même, et tâchons d'y apporter une critique un peu précise, car ici encore on est étrangement tombé dans le vague et la déclamation.

Les deux textes sont d'étendue inégale : le texte mêlé de mots germaniques contient So titres 9. HIST. MOD., 1829.

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et 420 articles ou paragraphes; le texte purement latin n'a que 70, 71, 72 titres, selon les différens manuscrits, et 406, 407 ou 408 articles. Un manuscrit, celui dejWolfenbüttel, très-confus à la vérité, va même au-delà.

Au premier aspect, il est impossible de n'être pas frappé du chaos de la loi. Elle traite de toutes choses, du droit politique, du droit civil, du droit criminel, de la procédure civile, de la procédure criminelle, de la police rurale; et de toutes choses pêle-mêle, sans aucune distinction ni classification. Si on écrivait, chacun à part, les articles de nos divers Codes, et qu'après les avoir mêlés dans une urne, on les en tirât successivement, l'ordre que mettrait le hasard entre les matières et les dispositions ne différerait guère ⚫ de leur arrangement dans la loi salique.

Quand on regarde de plus près au contenu de cette loi, on s'aperçoit que c'est essentiellement une loi pénale, que le droit criminel y tient la première place, presque toute la place. Le droit politique n'y apparaît qu'indirectement et par allusion à des institutions, à des faits qui sont regardés comme établis, et que la loi n'a aucun dessein de fonder ni même d'énoncer. Sur le droit civil, elle renferme quelques dispositions plus précises, vraiment impératives, finsérées

avec intention. Il en est de même quant à la procédure civile. En matière de procédure criminelle, la loi salique suppose à peu près toutes choses connues, instituées; elle ne fait que remplir quelques lacunes, spécifier en certains cas les obligations des juges, des témoins, etc. C'est la pénalité qui y domine; elle a évidemment pour but de réprimer des délits et d'infliger des peines. C'est un Code pénal. On y compte 345 articles de pénalité et 65 seulement sur tous les autres sujets.

peu

Tel est le caractère de toutes les législations naissantes; c'est par les lois pénales que les ples font le premier pas visible, le premier pas écrit, si je puis ainsi parler, hors de la barbarie. Ils ne songent point à écrire le droit politique; les pouvoirs qui les gouvernent, les formes de leur exercice sont des faits certains, convenus : ce n'est pas le temps où l'on discute les constitutions. Le droit civil subsiste également comme un fait; les conventions et les relations des hommes sont livrées aux règles de l'équité naturelle, ou s'accomplissent selon certains principes, certaines formules généralement acceptées; la détermination légale de cette portion du droit n'arrive qu'avec un plus grand développement de l'état social. Tantôt sous une forme religieusé,

tantôt sous une forme purement humaine, le droit pénal apparaît le premier dans la carrière législative des nations; leur premier effort vers le perfectionnement de la vie civile consiste à opposer d'avance des barrières, à dénoncer d'avance des peines aux excès de la liberté individuelle. La loi salique appartient à cette époque de l'histoire de notre société.

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Pour la connaître avec quelque précision. pour sortir des assertions et des discussions si vagues dont elle a été l'objet, essayons de la considérer: 1° dans l'énumération et la définition des délits; 2° dans l'application des peines; 3° dans la procédure criminelle. Ce sont là les trois élémens essentiels de toute législation pénale.

I. Les délits prévus dans la loi salique se classent presque tous sous deux chefs, le vol et la violence contre les personnes. Sur 343 articles de droit pénal, 150 se rapportent à des cas de vol; et dans ce nombre, 74 articles prévoyent et punissent les vols d'animaux, savoir: 20, les vols de cochons; 16, les vols de chevaux; 13, les vols de taureaux, boeufs ou vaches; 7, les vols de brebis et de chèvres; 4, les vols de chiens; 7, les vols d'oiseaux, et 7, les vols d'abeilles. La loi entre à ce sujet dans les plus minutieux détails; le délit et la peine varient selon

l'âge, le sexe, le nombre des animaux volés, le lieu et l'époque du vol, etc.

Les cas de violence contre les personnes fournissent 113 articles; dont 30 pour le seul fait de mutilation, également prévu dans toutes ses variétés; 24 pour violences envers les femmes, etc.

Je ne pousserai pas plus loin cette énumération des délits : deux caractères de la loi y sont clairement empreints. 1° Elle appartient à une société peu avancée, peu compliquée. Ouvrez les codes criminels d'un autre âge; les genres de délits y sont beaucoup plus divers; et dans chaque genre, la spécification des cas est beaucoup moindre; on reconnaît à la fois des faits plus variés et des idées plus générales. Il n'y a guères ici que les délits qui doivent se produire dès que les hommes commencent à se rapprocher, quelque simples que soient leurs relations, quelque monotone que soit leur vie. 2° C'est-là aussi évidemment une société très-grossière, très-brutale, où le désordre des volontés et des forces individuelles est extrême, où nulle puissance publique n'en prévient les excès, où la sûreté des personnes et des propriétés est à chaque instant en péril. Cette absence de toute généralisation, de tout travail pour ramener les délits à des caractères simples et communs, atteste en même temps le

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