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plus politique qu'elle n'avait été jusque-là, c'est-à-dire qu'elle revêt davantage le caractère de la royauté impériale. C'est là, si je ne m'abuse, le premier grand fait du travail qui devait enfanter la société nouvelle; fait encore peu apparent, facile cependant à entrevoir.

Le second est la naissance de l'aristocratie territoriale. La propriété apparaît, long-temps encore après l'établissement des barbares, incertaine, mobile, désordonnée, passant d'une main à l'autre avec une prodigieuse rapidité. Cependant il est clair qu'elle se dispose à se fixer dans les mêmes mains et à se régler. La tendance des bénéfices est de devenir héréditaires; et, malgré les obstacles qui la repoussent, l'hérédité y prévaut en effet de plus en plus. En même temps on voit commencer, entre les possesseurs de bénéfices, cette organisation hiérarchique qui devint plus tard le régime féodal. Il ne faut pas transporter aux VI et VIIe siècles la féodalité du XIII rien de semblable n'existait; le désordre des propriétés et des relations personnelles était infiniment plus grand; cependant toutes choses concouraient d'une part, à ce que la propriété se fixát, de l'autre, à ce que la société des propriétaires se constituât suivant une certaine hiérarchie. De même qu'on voit poindre, dès la

fin du VI' siècle, la royauté moderne, de même on voit poindre la féodalité.

Enfin un troisième fait se développait aussi à cette époque. Je vous ai entretenus de l'état de l'Église; vous avez vu quelle était sa puissance, et comment elle était, pour ainsi dire, le seul reste vivant de la société romaine. Quand les Barbares se furent établis, voici dans quelle situation se trouva l'Église, au moins ce qu'elle devint bientôt. Les évêques étaient, vous le savez, les chefs naturels des villes; ils administraient le peuple dans l'intérieur de chaque cité; ils le représentaient auprès des barbares; ils étaient ses magistrats au dedans, ses protecteurs au dehors. Le clergé avait donc dans le régime municipal, c'est-à-dire dans ce qui restait de la société romaine, de profondes racines. Il en poussa bientôt ailleurs : les évêques devinrent les conseillers des rois barbares. Ils les conseillèrent sur la conduite qu'ils avaient à tenir avec les peuples vaincus, sur ce qu'ils devaient faire pour devenir les héritiers des empereurs romains. Ils avaient beaucoup plus d'expérience et d'intelligence politique que les barbares à peine sortis de Germanie; ils avaient le goût du pouvoir; ils étaient accoutumés à le servir et à en profiter. Ils furent donc les conseillers de la royauté naissante, en

restant les magistrats et les patrons de la municipalité encore debout.

Les voilà établis d'une part, auprès du peuple, de l'autre, auprès des trônes. Ce n'est pas tout; une troisième situation commence bientôt pour eux; ils deviennent de grands propriétaires; ils entrent dans cette organisation hierarchique de la propriété foncière, qui n'existait pas encore, mais tendait à se former; ils travaillent et réussissent très-promptement à y occuper une grande place. En sorte qu'à cette époque, dans les premiers rudimens de la société nouvelle, déjà l'Église tient à tout, est partout accréditée et puissante; symptôme assuré qu'elle atteindra la première à la domination. Ce fut, en effet, ce qui

arriva.

Tels étaient, Messieurs, à la fin du VI et au commencement du VII siècle, les trois grands faits, encore cachés, visibles pourtant, par lesquels s'annonçait le nouvel ordre social. Il est, je crois, impossible de les méconnaître; mais, en les reconnaissant, sachez bien qu'aucun n'avait encore pris la place ni la forme qu'il devait garder. Toutes choses étaient encore mêlées et confondues à tel point qu'il eût été impossible à l'œil le plus clairvoyant de discerner quelques traits de l'avenir. J'ai déjà eu occasion de le dire,

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et, dans vos lectures, vous avez pu vous en convaincre; il n'y a aucun système, aucune prétention moderne qui n'ait trouvé, dans ces origines de notre société, de quoi se légitimer. La royauté s'y est vue souveraine, unique héritière de l'empire romain. L'aristocratie féodale a dit que dès-lors elle possédait le pays tout entier hommes et terres; les villes, qu'elles avaient succédé à tous les droits des municipalités romaines; le clergé, qu'il avait partagé tous les pouvoirs. Cette singulière époque s'est prêtée à tous les besoins de l'esprit de parti, à toutes les hypothèses de la science; elle a fourni des argumens et des armes aux peuples, aux rois, aux grands, aux prêtres, à la liberté comme à l'aristocratie, à l'aristocratie comme à la royauté.

C'est qu'en effet, Messieurs, elle portait dans son sein toutes choses, la théocratie, la monarchie, l'oligarchie, la république, les constitutions mixtes; et toutes choses dans un état de confusion qui a permis à chacun d'y voir tout ce qui lui convenait. La fermentation obscure et déréglée des débris de l'ancienne société, tant germaine que romaine, et le premier travail de leur transformation en élémens de la société nouvelle, tel est le véritable état de la Gaule aux VI® et VIIa siècles, le seul caractère qu'on puisse lui assigner.

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salique.

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l'explication de la loi salique.

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De l'ouvrage de M. Wiarda sur l'histoire et Préfaces jointes aux manuscrits. Valeur des traditions nationales sur l'origine et la rédaction de la loi salique.-De ses dispositions. -Elle est essentiellement un Code pénal.—1° De l'énumération et de la définition des délits dans la loi salique; 2o des peines; 3° de la procédure criminelle.-Caractère transitoire de cette législation.

MESSIEURS,

Nous avons à nous occuper aujourd'hui des lois barbares et spécialement de la loi salique. Je vous demande pardon d'avance de quelques minutieux détails, indispensables, je crois, pour faire bien connaître le caractère de cette loi et l'état socia! qui s'y révèle. On s'y est grandement 9. HIST. MOD., 1829.

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