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au Ve siècle quant au pouvoir des évêques dans leur siége, et au gouvernement général de l'Eglise. Dans l'intérieur du diocèse, l'évêque ne gouvernait pas seul; il agissait avec le concours et l'assentiment de son clergé. Ce n'était pas là une véritable institution; le fait n'était pas réglé d'une manière fixe, ni selon des formes permanentes; mais il est évident toutes les fois qu'il s'agit de l'administration urbaine ou diocésaine. Les mots cum assensu clericorum reviennent sans cesse dans les monumens du temps. S'agit-il au contraire du gouvernement général, soit de la province ecclésiastique, soit de l'Église toute entière? Les choses changent; les évêques vont seuls aux conciles investis de ce gouvernement; et quand de simples prêtres y paraissent, c'est comme délégués de leur évêque. Le gouvernement général de l'Eglise, à cette époque, est entièrement épiscopal.

N'attachez cependant pas à ces mots le sens qu'ils ont emporté plus tard : ne croyez pas que chaque évêque allât aux conciles, uniquement pour son propre compte, en vertu de son propre droit. Il y allait comme représentant de son clergé. L'idée que l'évêque, chef naturel de ses prêtres, parlait et agissait partout pour leur compte et en leur nom, était alors dans tous les

esprits, dans celui des évêques eux-mêmes, et limitait leur pouvoir tout en leur servant d'échelon pour monter plus haut et s'affranchir.

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Une autre cause, encore plus décisive peutêtre, bornait les conciles aux seuls évêques; c'était le petit nombre des prêtres et l'embarras de leur fréquent déplacement. A en juger par le grand rôle qu'ils jouent, et, passez-moi cette expression, par le bruit qu'ils font au Ve siècle, on est tenté de croire les prêtres fort nombreux. Il n'en était rien : quelques indications positives, quelques témoignages historiques le prouvent directement. Au commencement du V siècle, par exemple, il est question du nombre des prêtres à Rome; et on dit, comme une grande richesse, que Rome a vingt-quatre églises et soixanteseize prêtres. Les preuves indirectes fournissent les mêmes conclusions; les actes des conciles du IV et du Ve siècles sont pleins de canons qui défendent à un simple clerc d'aller se faire ordonner dans un autre diocèse que le sien; à un prêtre de quitter son diocèse pour aller servir ailleurs, ou même de voyager sans le consentement de son évêque. On s'applique, par

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Voyez les canons des conciles d'Arles en 314, de Turin en 397, d'Arles en 450, de Tours en 461.

toutes sortes de moyens, à fixer les prêtres dans le lieu où ils sont; on les garde, on les retient avec un soin extrême, tant ils sont rares, tant les évêques pourraient être tentés de se les enlever réciproquement. Après l'établissement des monarchies barbares, les rois Francs ou Bourguignons, tous les chefs richés et fameux travaillaient sans cesse à se débaucher mutuellement ces compagnons, ces Leudes, ces Antrustions, qui faisaient leur cortège et leur force; la législation barbare abonde en dispositions destinées à réprimer ces tentatives; les rois se promettent dans les traités, qu'ils n'attireront point, qu'ils ne recevront même pas leurs Leudes réciproques. La législation ecclésiastique des IV et V° siècles contient, quant aux prêtres, des dispositions analogues, prises, à coup sûr, par les mêmes motifs.

C'était donc pour un prêtre une assez grande affaire que de quitter, pour une mission lointaine, l'église à laquelle il était attaché; il y était difficilement remplacé; le service religieux souffrait de son absence. L'établissement du système représentatif, dans l'Église comme dans l'État, suppose un assez grand nombre d'hommes qui se puissent déplacer aisément, sans inconvénient pour eux-mêmes et pour la société. Il n'en était point ainsi au V° siècle, et pour remplir les con

ciles de simples prêtres, peut-être eût-il fallu des indemnités et des dispositions coercitives, comme il en a fallu long-temps en Angleterre pour faire venir les bourgeois au parlement. Tout tendait donc à faire passer le gouvernement de l'Église entre les mains des évêques, et au V⚫ siècle le système épiscopal avait presque complètement prévalu.

Quant au système de la monarchie pure, le seul dont nous n'ayons encore rien dit parce que les faits ne nous l'ont pas encore montré, il était fort loin de dominer à cette époque, de prétendre même à dominer; et la sagacité la plus exercée, l'ardeur même de l'ambition personnelle n'eût pu pressentir ses futures destinées. Cependant on voyait déjà croître de jour en jour la considération et l'influence de la papauté; il est impossible de consulter avec impartialité les monumens du temps sans reconnaître que, detoutes les parties de l'Europe, on s'adresse à l'évêque de Rome pour avoir son opinion, sa décision même en matière de foi, de discipline, dans les procès des évêques, en un mot dans toutes les grandes occasions où l'Église est intéressée. Souvent ce n'est qu'un avis qu'on lui demande, et quand il l'a donné, ceux à qui l'avis déplaît ne s'y soumettent pas; mais un parti puissant s'y range

toujours; et, d'affaire en affaire, sa prépondérance devient plus marquée. Deux causes y contribuaient surtout alors: d'une part, le' système du patriarchat était encore puissant dans l'Église ; au-dessus des évêques et des archevêques, avec des priviléges plus nominaux qu'efficaces, mais généralement avoués, un patriarche présidait à une grande contrée. L'Orient avait eu et avait encore plusieurs patriarches, celui de Jérusalem, celui d'Antioche, celui de Constantinople, celui d'Alexandrie. En Occident, l'évêque de Rome l'était seul; et cette circonstance aida beaucoup à l'élévation exclusive de la papauté. La tradition d'ailleurs que saint Pierre avait été évêque de Rome, et l'idée que les papes étaient ses successeurs, étaient déjà fort répandues parmi les chrétiens d'Occident.

Ainsi, Messieurs, on aperçoit clairement dans les cinq premiers siècles, le fondement historique de tous les systèmes qui ont été soutenus ou appliqués, tant sur l'organisation intérieure que sur la situation extérieure de la société religieuse. Il s'en faut bien qu'ils soient tous au même rang; les uns n'ont paru qu'en passant et comme des accidens ou des transitions; les autres n'ont existé pendant long-temps qu'en germe et ne se sont développés qu'avec lenteur; ils sont

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