Images de page
PDF
ePub

lières étaient, il est vrai, assez isolées; mais elles tendaient à se réunir, à vivre sous une foi, sous une discipline commune; c'est l'effort naturel de toute société qui se forme; c'est la condition nécessaire de son extension, de son affermissement. Le rapprochement, l'assimilation des élémens divers, le mouvement vers l'unité, tel est le cours de la création. Les premiers propagateurs du christianisme, les apôtres ou leurs disciples, conservaient d'ailleurs, sur les congrégations même dont ils s'éloignaient, une certaine autorité, une surveillance lointaine, mais efficace. Ils avaient soin de former, ou de maintenir, entre les églises particulières, des liens non-seulement de fraternité morale, mais d'organisation. Delà une tendance constante vers un gouvernement général de l'Église, une constitution identique et

permanente.

que,

Il me paraît enfin hors de doute dans les idées des premiers chrétiens, dans leur sentiment simple et commun, les apôtres étaient regardés comme supérieurs à leurs disciples, les disciples immédiats des apôtres comme supérieurs à leurs successeurs: supériorité purement morale, point légale ni établie comme une institution, mais réelle et avouée. De là le premier germe, germe religieux du système épiscopal,

le

Il est aussi venu d'une autre source. Les villes où pénétrait le christianisme étaient très-iné, gales en population, en richesse, en importance; et non-seulement il y avait entr'elles de telles inégalités matérielles, mais une grande inégalité de développement intellectuel, de pouvoir moral. L'influence se distribua donc inégalement entre les chefs 'spirituels des congrégations. Les chefs des villes les plus considérables, les plus éclairées, prirent naturellement de l'ascendant, exercèrent une véritable autorité, d'abord morale, ensuite réglée, sur les congrégations environnantes. C'est là le germe politique du système épiscopal.

Ainsi, Messieurs, en même temps que vous reconnaissez, dans l'état primitif de la société religieuse, l'association des laïques aux prêtres dans le gouvernement, c'est-à-dire, le système presbytérien ; l'isolement des congrégations particulières, c'est-à-dire le système des Indépendans; la prédication libre, spontanée, accidentelle, c'est-à-dire le système des Quakers; en même temps vous y voyez naître, contre le système des Quakers, un ordre de prêtres, un clergé permanent; contre le système des Indépendans, un gouvernement général de l'Église; contre le système presbytérien, un régime d'iné3. HIST. MOD., 1828.

8

galité entre les prêtres mêmes, le régime épis copal.

Comment se sont développés ces principes si divers et quelquefois si contraires? quelles causes ont abaissé les uns, élevé les autres? Et d'abord comment s'est accomplie la transition du gouvernement partagé par les fidèles au gouvernement du clergé seul? Comment la société religieuse a-t-elle passé sous l'empire de la société ecclésiastique?

On a fait, dans cette révolution, Messieurs, une large part à l'ambition du clergé, aux intérêts personnels, aux passions humaines. Je ne prétends point la réduire; il est vrai, toutes ces causes ont contribué au résultat qui nous occupe; et pourtant s'il n'y avait eu que de telles causes, c'est-à-dire des causes illégitimes, jamais ce résultat ne serait arrivé. J'ai déjà eu occasion de le dire, et je saisis toutes les occasions de le répéter; aucun grand événement n'arrive par des causes complètement illégitimes; soit à côté, soit au-dessous de celles-là, il y a toujours des causes légitimes, de bonnes et justes raisons pour qu'un fait important s'accomplisse. Nous en rencontrons ici un nouvel exemple.

C'est, je crois, un principe certain et maintenant établi dans un grand nombre d'esprits,

que la participation au pouvoir suppose la capacité morale de l'exercer; où la capacité manque réellement, la participation au pouvoir périt naturellement. Le droit continue de résider virtuellement dans la nature humaine; mais il sommeillé, ou plutôt il n'existe qu'en germe, en perspective, attendant que la capacité se développe pour se développer avec elle et paraître au jour.

Rappelez-vous, Messieurs, ce que j'ai eu l'honneur de vous dire, dans notre dernière réunion, sur l'état de la société civile romaine au Ve siècle: j'ai essayé de vous peindre sa profonde décadence; vous avez vu que les classes aristocratiques périssaient, prodigieusement réduites en nombre, sans influence, sans vertu. Quiconque, dans leur sein, possédait quelque énergie, quelque activité morale, entrait dans le clergé chrétien. Il ne restait réellement que le menu peuple, plebs romana, qui se ralliait autour des prêtres et des évêques, et formait le peuple chrétien.

Entre ce peuple et ses nouveaux chefs, entre la société religieuse et la société ecclésiastique, l'inégalité était grande: inégalité non-seulement de richesse, d'influence, de situation sociale, mais de lumières, de développement intellectuel et moral, Et plus le christianisme, par le seul fait

de sa durée, se développait, s'étendait, s'élevait, plus cette inégalité croissait et éclatait. Les questions de foi, de doctrine, devenaient, d'année en année, plus complexes et plus difficiles; les règles de la discipline de l'Église,, ses relations avec la société civile, s'étendaient, s'embarrassaient également; en sorte que pour prendre part à l'administration de ses affaires, il fallait, d'époque en époque, un plus grand développement d'esprit, de science, de caractère, en un mot des conditions morales plus élevées et plus rares. Et cependant tels étaient le trouble général de la société et le malheur des temps que l'état moral du peuple, au lieu de s'améliorer et de s'élever, s'abaissait de jour en jour.

C'est là, Messieurs, quand on a fait la part de toutes les passions humaines, de tous les intérêts personnels, c'est là la véritable cause qui a fait passer la société religieuse sous l'empire de la société ecclésiastique, qui a exclu du pouvoir les fidèles pour le livrer au seul clergé.

Comment s'opéra la seconde révolution dont nous avons déja saisi l'origine? Comment, dans le sein même de la société ecclésiastique, le pouvoir passa-t-il du corps des prêtres aux évêques? Ici, Messieurs, une distinction importante est à faire : l'état des choses n'était point le même

« PrécédentContinuer »