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France, et à ceux qui y ont affinité ou alliance par mariage ou autrement, et non sans cause; car vraiment la chose lui touche grandement ; car il laissa son siége devant Corbeil, et vint à nous pour nous mettre en franchise et ôter de la sujétion desdits gouverneurs ; et aussi à nous mettre à la compagnie de mondit seigneur, comme il est de raison. Et vinmes à la ville de Chartres; et notredit cousin avecque nous alla aviser et ordonner ce qui est à faire de nécessité pour la conservation de la domination de mondit seigneur et la récupération d'icelui, que brièvement entendons à faire nous et notredit cousin par le conseil et avis de bons prud'hommes, vassaux et sujets de mondit seigneur, sans plus dissimuler.

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Pourquoi, très chers et bons amis, nous qui devons avoir le gouvernement de ce royaume ès besognes de mondit seigneur par le conseil de ceux de son sang, et de ce nous avons lettres-patentes de lui irrévocables, passées par son grand conseil, présents tous les grands seigneurs de son sang, comme sont oncles, cousins-germains et autres; et nous, qui avons entière et certaine connoissance de vos bonnes et loyales intentions au regard de la seigneurie de mondit seigneur, et mêmement parce que pour le bien d'icelui vous êtes enclins avecque notredit cousin à vous employer de corps et de pouvoir, sans épargner, jusques à la mort, pour parvenir plus brièvement à la conclusion désirée et nécessaire, vous sommons, requérons et néan

moins de par mondit seigneur et de nous, expressément vous mandons, que vous maintenez en sain propos à l'intention de notredit cousin, sans aucunement obtempérer ou entendre à quelques lettres ou mandement qu'au nom de mondit seigneur et mon fils le dauphin vous seroient envoyés au contraire. Et ne souffrez qu'iceux gouverneurs dorénavant aient de vous aucunes pécunes, par quelque manière ou couleur que ce soit et que puisse être, et sur la loyauté et obéissance que devez à mondit seigneur, et sur toutes les choses que pourriez forfaire et être notés de rebellion et inobéissance envers lui et nous : car en ce faisant, vous ferez votre honneur et devoir; et vous aiderons, secourrons et défendrons de tout notre pouvoir contre tous qui pour cette cause et occasion s'efforceroient de vous nuire, gréver et dommager. Très chers seigneurs et bien amés, de vous soit garde Notre-Seigneur. » Écrit audit lieu de Chartres, le douzième jour de novembre. »

Et après ce, fut ordonné par le conseil de ladite reine et du duc de Bourgogne, que maître Philippe de Morvilliers iroit en la ville d'Amiens, accompagné d'aucuns notables clercs, déclarés parledit conseil, avecque un greffier juré; et là feroient, de la reine, la souveraine cour de justice, au par lieu de celle qui étoit en parlement à Paris, afin que ne fût besoin d'aller à la chancellerie du roi pour impétrer mandements, ni pour quelque autre cause qui pût advenir ès bailliages d'Amiens, Ver

man dois, Tournai et sénéchaussées de Ponthieu, avecque les ressorts et enclavement des dessusdits pays. Auquel maître Philippe fut baillé un scel ou étoit gravé l'image de la reine, étant droite, ayant les deux bras tendant vers terre; et au droit lez étoit un écu des armes de France, et au sénestre avoit un écu parti des armes de France et de Bavière, et si étoit écrit autour: « C'est le scel des » causes, souverainetés et appellations pour le roi.»>

Et fut ordonné par icelui conseil, que dudit scel on scelleroit de cire vermeille, et que les lettres et mandements se feroient au nom de la reine par la manière qui s'ensuit :

«Ysabelle, par la grâce de Dieu, reine de France; ayant, pour l'occupation de monseigneur le roi, le gouvernement et administration de ce royaume, par l'octroi irrévocable à nous sur ce fait par mondit seigneur et son conseil.»

Par le moyen duquel scel et mandement devant dit, ledit maître Philippe assembla grand nombre de pécunes ; et pareillement fut ordonné, outre l'eau de Seine , pour les pays obéissant à la reine et au duc de Bourgogne, un autre chancelier.

CHAPITRE CLXXXVII.

Comment messire Élyon de Jacqueville fut tiré hors de l'église NotreDame de Chartres, par Hector de Saveuse et ses complices qui le navrèrent à mort.

EN ces jours, le duc de Bourgogne étant dedans Chartres, en son hôtel, derrière Notre-Dame, se mut dissension entre messire Élyon de Jacqueville, chevalier, et Hector de Saveuse, et tant qu'en la présence dudit duc iceux dirent l'un à l'autre plusieurs hautaines paroles. Pourquoi ledit Hector, de ce non content, dedans brefs jours ensuivant, assembla aucuns de ses amis jusques à douze ou à seize hommes de fait, entre lesquels étoient son cousin-germain, c'est à savoir le seigneur de Crevecœur et son frère le Bon de Saveuse, Hues de Bours et un haussaire nommé Jean de Vaux; par lequel, et en la plus grand' partie, les deux dessusdits étoient en haine l'un contre l'autre ; car par avant ledit Jacqueville avoit détroussé icelui Jean, lequel étoit parent audit Hector; et avecque eux aucuns autres, jusques au nombre dessusdit, qui tous ensemble un certain jour vinrent de fait appensé (prémédité) dedans l'église Notre-Dame de Chartres; auquel lieu ils rencontrèrent et trouvèrent ledit Jacqueville, qui venoit de l'hôtel dudit duc de Bourgogne.

Et incontinent parla ledit Hector et ses gens, en disant « Jacqueville, tu m'as autrefois injurié et >> fait déplaisir, dont tu seras puni? » Et sans délai fut pris par iceux et porté hors et traîné hors de ladite église ; et très inhumainement fut battu et découpé, jà-soit-ce qu'en ce faisant pria moult de fois et piteusement merci audit Hector, en lui offrant grand' somme de pécunes. Mais ce rien n'y valut, car ils le laissèrent comme mort; et sans délai se départirent de ladite ville et s'en allèrent en un village oû les gens dudit Hector étoient logés, à deux lieues de la ville de Chartres.

Et après le département d'icelui Hector, Jacqueville, en tel état qu'il étoit, se fit porter par ses gens devant ledit duc de Bourgogne, auquel il fit piteuse complainte, disant que pour le bien et loyaument servir, il étoit mis en ce point; et adonc lui voyant ce, eut au cœur si grand' tristesse que plus ne pouvoit. Pour quoi soudainement s'arma et monta à cheval, accompagné de ses gens en petit nombre, et chevaucha par la ville, cuidant trouver ledit Hector et ses complices; mais il fut tantôt averti qu'ils étoient partis de la ville.

Et aussi assez tôt vinrent devers ledit duc plusieurs seigneurs, lesquels le rapaisèrent au mieux qu'ils purent; c'est à savoir, nessire Jean de Luxembourg, le sire de Fosseux, le maréchal de Bourgogne et plusieurs autres. Toutefois il fit prendre et arrêten aucunes bagues et chevaux dudit Hector, et après s'en retourna en son hôtel; et là,

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