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avec elle; lesquels de ce faire lui désenhortèrent. Néanmoins elle issit brièvement hors de Tours, et les mena avec elle à ladite église; et tôt après les dessusdits seigneurs allèrent devers icelle église, et envoyèrent devers la reine Hector de Saveuse atout soixante combattants. Et lors les dessusdits gouverneurs vinrent tantôt devers elle, où elle oyoit la messe, et lui dirent : « Dame, veci grand'

compagnie de Bourguignons ou Anglois. » Et elle, qui rien ne doutoit, leur dit qu'ils se tinssent près d'elle, et adonc ledit Hector de Saveuse entra et la salua de par son seigneur le duc de Bourgogne; laquelle demanda où il étoit, et il lui répondit qu'il venoit tantôt vers elle. Après lesquelles paroles elle commanda audit Hector, que les dessusdits Torel, Picard et maître Laurent du Puis, étant emprès elle, fussent pris. Lequel maître Laurent elle avoit en grand' haine; car il parloit à elle irrévéremment, sans mettre la main à son chapperon, et sans lui faire autre révérence; et ne pouvoit ladite reine rien besogner ni accorder que ce ne fût par le consentement du dessusdit maître Laurent.

Et pour ce qu'il vit que pas ne pouvoit issir pour lui sauver, il entra en une petite nef par derrière l'église pour passer l'eau ; mais il se noya, tant eut grand' hâte, et les autres furent pris.

Et fut cette assemblée environ neuf heures du matin; et ledit duc de Bourgogne vint environ onze heures devers la reine, à laquelle il fit grand'

révérence, comme il appartenoit, et elle à lui, disant: « Très cher cousin, outre tous les hommes

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du royaume vous dois aimer, quand à mon man>> dement avez tout laissé et m'êtes venu délivrer » de prison; pour quoi, mon très cher cousin, » jamais je ne vous faudrai, car bien vois que toujours avez aimé monseigneur, sa généra» tion, son royaume, et la chose publique.,

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Après ils dînèrent ensemble en ladite église en grand' liesse; et après dînée, la reine manda à ceux de Tours, qu'elle et son cousin le duc de Bourgogne vouloient entrer dedans la ville; mais, par l'enhort (conseil) du capitaine d'icelle, ceux de Tours tardèrent un petit. Toutefois en la fin ils accordèrent ce qu'elle demandoit ; et ledit capitaine se retrahit dedans le châtel, et ladite reine, et le duc de Bourgogne, atout leurs gens, entrèrent en la ville. Auquel lieu fut faite grand' chère au duc et grand honneur. Et après, la reine mauda le capitaine par sauf-conduit; auquel elle requit et commanda qu'il lui rendît la forteresse; laquelle chose il fit, mais très enuis (avec peine) ce fut.

Et après que le duc eut séjourné trois jours avec la reine, il commit capitaine de la ville et du châtel Charles Labbe, atout deux cents combattants, lequel fit serment de la bien garder pour et au nom dudit duc de Bourgogne. Lequel serment il ne tint ni garda, car dedans l'an ensuivant il rendit ladite ville et forteresse en l'obéissance du dauphin, et en demeura lui-même capitaine, faisant à icelui

le serment. Et la reine et le duc de Bourgogne firent publier dedans la ville de Tours, que nul ne payât gabelles, impositions ni autres subsides, sinon le sel. Et après, tous ensemble de là se départirent, et allèrent à Vendôme, où ils firent publier, comme ils avoient fait à Tours, que nul ne payât nuls subsides; et de là, par Bonneval, allèrent à Chartres, où ils arrivèrent le neuvième jour de novembre.

Et avoit la reine en sa compagnie quatre charriots qui menoient vingt femmes ; et si avoit seulement avec elle un chevalier nommé messire Robert de Cyne, duquel elle étoit très contente pour sa prud'hommie.

CHAPITRE CLXXXVI.

Comment ladite reine, venue à Chartres, écrivit à plusieurs bonnes villes du royaume, et furent faites aucunes nouvelles ordonnances pour le gouvernement dudit royaume.

APRÈS que la reine de France fut venue en la ville de Chartres, comme dit est, fut ordonné et conclu qu'elle écriroit lettres en son nom à toutes les bonnes villes étant en l'obéissance du duc de Bourgogne; desquelles la copie s'ensuit de celles qui vinrent à Amiens.

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« Très chers et bien amés, vous savez comment, par la coulpe et iniquité causée par la damnable convoitise d'aucunes gens de petit état qui ont pris le gouvernement de la personne de monseigneur et de son royaume, maux innumérables et inconvénients s'en sont ensuivis, tant de la molestation de ceux du de mondit seigneur et d'autres comme de la perdition de la grand' partie de sa domination; et mêmement ès duchés d'Aquitaine et de Normandie, a duré et encore dure ledit gouvernement, sans ce que les dessusdits gouverneurs veuillent entendre à quelconque bien et bonne gouverne à être mise en ce royaume; mais ont conclu mortelle haine contre tous preux et loyaux ; et ravissent leurs biens; et plusieurs exécutent à mort. Et en continuant en leur mauvaiseté, quand ils aperçurent que voulions entendre à labourer à la réparation et au bien de la paix de ce royaume, comme à nous compète, qui par la grâce de Dieu sommes. compagne et épouse de mondit seigneur, comme il avoit été encommencé par notre fils et cousin de Hainaut, desquels Dieu ait l'ame! ils trouvèrent moyen d'eux éloigner de sa personne, afin que ne fût sue leur iniquité et demeurassent en leurs états et offices. Et par ce moyen ils ont appliqué et appliquent chacun jour à leur singulier profit toutes les finances de mondit seigneur, sans ce qu'aucune chose en soit employée pour le bien de mondit seigneur ou de sondit royaume ; et faussement et déloyalement nous ont dépouillée et dérobée ; et

que

ont tant fait que mondit seigneur, nous et notredit fils le dauphin n'avons de quoi maintenir nos états et payer nos dépens: car, comme dit est, ils ont tenu et tiennent notredit seigneur et notre fils le dauphin, tellement qu'il convient qu'ils fassent ce qu'ils veulent et commandent, et à ce pourvoir, la domination de mondit seigneur vienne ès mains d'étranges, que Dieu ne veuille! Après ce que notre très cher et très amé cousin de Bourgogne a fait cesser lesdits inconvénients, il veut et offre paix à tous ceux qui avecque lui la voudront avoir, par ses lettres-patentes, publiées en plusieurs lieux de ce royaume. A laquelle les dessusdits non voulant entendre, icelui notre cousin se mit en armes à très grand' compagnie de chevaliers et écuyers, en intention d'ôter icelui mauvais gouvernement. Pour auquel résister et qu'il n'eut pas approchement à la personne de mondit seigneur, lesdits gouverneurs mandèrent et appelèrent à Paris toutes leurs garnisons, et abandonnèrent l'héritage de mondit seigneur aux Anglois, anciens ennemis de ce royaume. Et en ce faisant ils démontrèrent leur mauvaise intention; mais la plus grand' partie des nobles de ce royaume et aucune grand' quantité des prélats et bonnes villes, sachant ce que dit est, s'adjoindirent avecque lui pour le bien de mondit seigneur, comme de raison, lequel est triste et dolent, en acquittant sa loyauté, de l'escandale et déshonneur que lesdits gouverneurs ont fait à mondit seigneur, à nous, à notre génération et à la noble mesgnie (maison) de

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