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et puis, à l'issue du mois de septembre, vint loger de sa personne à Lagny-sur-Marne, et ses gens se logèrent en la plus grand' partie des villages à l'environ. Auquel lieu de Lagny fit icelui roi charpenter et habiller plusieurs engins et instruments nécessaires à mettre siége, pour mener à Meaux en Brie; et si envoya le duc d'Excestre (Exeter ), son oncle, atout quatre mille combattants, très hâtivement loger ès faubourgs de ladite ville de Meaux, afin que ceux de dedans n'y boutassent les feux. Et après que le roi dessusdit eut apprêté toutes ses besognes en ladite ville de Lagny, se partit de là à toute sa puissance, où il avoit bien vingt mille combattants. Et le sixième jour d'octobre, se logea tout à l'environ de la ville et marché de Meaux ; et brefs jours ensuivant, fit fermer son ost de haies et de fossés, afin que de ses ennemis ne pût être surpris; et avec ce, fit dresser plusieurs engins contre les portes et murailles de la ville, pour l'abattre et démolir; et en ce, par grand' diligence, fit continuer. Dedans laquelle ville et marché étoient, pour le dauphin, le bâtard de Vaulru, général capitaine de toute la place, Denis de Vaulru, son frère, Pierron de Luppel, Guichard de Chisay, messire Philippe Mallet, messire Louis Gast, le Borgne de Caucun, Jean d'Aunay, Tromagon, Bernard de Méreville, Philippe de Gamache, et autres, jusques à mille combattants, gens élus et éprouvés en armes, sans les bourgeois et communautés. Si commencèrent à résister très vaillam

ment aux assauts et entreprises dudit roi d'Angleterre, et en ce continuèrent par longue espace de temps, comme vous verrez ci-après.

Lesquels jours aussi fut ordonné à Paris, par le conseil royal, que les florettes, qui avoient cours pour quatre deniers, seroient remises à deux; et l'écu d'or, qui avoit couru pour dix-neuf sols, fut mis à dix-huit sous parisis. Pour lesquelles inutations en ensuivant, telles dont dessus est faite mention, furent moult de gens troublés, voyants que leurs chevances, qu'ils avoient ès monnoies dessusdites, étoient diminuées la huitième partie. Et pour avoir provision d'autre monnoie nouvelle, qui fût de valeur, furent forgés salus d'or, qui eurent cours pour vingt-cinq sous tournois la pièce; et y avoit en iceux deux écus, l'un de France et l'autre d'Angleterre. Et au regard de la blanchemonnoie, on forgea doubles, qui eurent cours pour deux deniers tournois; et enfin, en commun langage, furent nommés niquets; et furent en règne environ trois ans tant seulement.

CHAPITRE CCLX.

Comment le duc de Bourgogne fit traité avec ses prisonniers pour la rendition de Saint-Riquier, à quoi entendit le seigneur d'Offemont, capitaine d'icelle ville.

Au mois de novembre, le duc de Bourgogne, qui étoit moult désirant de bouter hors les Dauphinois de la ville de Saint-Riquier, lesquels moult détruisoient les pays à l'environ, fit un certain jour appeler aucuns de ses prisonniers, qui étoient au châtel de Lille, c'est à savoir des capitaines qui avoient été pris à la journée de Mons en Vimeu, sur leur rançon et appointement de la ville dessusdite, non pas tant seulement une fois, mais plusieurs. Finablement, la matière fut tant pourparlée, que les deux parties entendirent ouïr traité lequel, en conclusion, fut fait entre le duc de Bourgogne d'une part, et le seigneur d'Offemont, et ses capitaines étant à Saint-Riquier d'autre part. Par lequel traité fut ordonné que ledit duc mettroit à pleine délivrance tous les prisonniers que lui et ses gens avoient pris depuis qu'ils étoient venus à Saint-Riquier, et acquitteroit de leurs finances; c'est à savoir messire Edmond de Bomber, messire Jean Blondel, Ferry de Mailly, Jean de Beaurevoir, Jean de Crèvecœur, et aucuns autres ; et

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avec ce rendroient en la main dudit duc la dessusdite ville de Saint-Riquier. Après lequel traité ainsi fait et conclu, mourut bref ensuivant audit lieu de Saint-Riquier, de maladie langoureuse, messire Edmond de Bomber; pour la mort duquel ledit duc de Bourgogne fut très mal content, et eut volonté de rompre ledit traité, mais il fut apaisé par ses conseillers.

Et enfin envoya ses prisonniers, sous bonne garde, de Lille à Hesdin; et de là, par sauf-conduit, allèrent à Saint-Riquier, devers le dessusdit seigneur d'Offemont, qui délivra, comme promis l'avoit, ses prisonniers qu'il tenoit ; et rendit la ville ès mains des seigneurs de Roubaix et de Croy, à ce commis de par ledit duc de Bourgogne. Et le seigneur d'Offemont, partant de Saint-Riquier, atout ses gens, alla passer l'eau de Somme, à la Blanche-Tacque ; et par Vimeu, s'en retourna a Pierrefons, à Crespy en Valois, et autres forteresses à lui obéissants. Et lesdits de Roubaix et de Croy, après qu'ils eurent visité ladite ville, et reçu les serments des habitants, ils ils y commirent capitaine le Borgne de Fosseux, chevalier, maître Nicole de Mailly, et son frère Ferry, Nicaise de Boufflers, Jean d'Encourt, et aucuns autres, chacun atout leurs gens, pour tenir frontière contre messire Jacques de Harcourt.

CHAPITRE CCLXI.

Comment ledit duc de Bourgogne fit grand' assemblée de gens d'armes pour aller en Bourgogne; et plusieurs autres matières advenues en ce temps.

En après, durant le temps dessusdit, tant par le mandement du duc Philippe de Bourgogne comme par l'ordonnance de la duchesse sa mère, douaigière, s'assemblèrent en armes en très grand nombre les seigneurs de Bourgogne, pour venir quérir ledit duc ès pays de Picardie, et le mener devers elle au pays de Bourgogne, où elle étoit pour avoir avis et conclusion sur leurs affaires et besognes qui étoient moult grands. Et eux assemblés, jusques à six mille chevaux, se mirent à chemin, sous la conduite du prince d'Orange, des seigneurs de Saint-George et de Château-Vilain, de messire Jean Cotte-Brune, maréchal de Bourgogne, et autres seigneurs et capitaines ; et s'en vinrent, en traversant pays par la Champagne, jusques emprès Lille en Fiandre, où ils laissèrent ès villages leurs gens dessusdits, et allèrent lesdits seigneurs devers le duc, audit lieu de Lille, , qui les reçut joyeusement. Et pour ce qu'il n'étoit pas encore prêt, fut requis à aucuns des capitaines dessusdits, par messire Jean de Luxembourg, qu'ils

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