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partie du dauphin, y furent morts de mille à onze cents hommes; entre lesquels mourut un vaillant chevalier, nommé Charles le Bouteillier, et avec lui messire Jean Yvorin, Garin de Fontaines, messire Jean de Passavant, messire Jean de Bresle, messire Jean Tôt-avant, et plusieurs autres notables et vaillants hommes jusques au nombre dessusdit. Et fut de ce jour en avant celle assemblée, nommée la bataille de Baugy. Pour la mort et déconfiture desquels Anglois tous les autres eurent au cœur très grand' tristesse, par espécial pour le duc de Clarence car moult étoit aimé entre eux pour sa prudence. Néanmoins iceux Anglois, qui étoient sous le gouvernement du comte de Salsebery, reconquirent le corps dudit duc, lequel depuis fut, par Rouen, mené et enterré à très grand' solennité en Angleterre.

CHAPITRE CCXLIX.

Comment lesdits Dauphinois allèrent devant Alençon, où derechef allèrent les Anglois ; et du mariage du duc d'Alençon, et autres matières.

Au commencement de cet an, après la mort du duc de Clarence, les Dauphinois, qui avoient eu victoire contre ledit duc, comme dit est dessus, s'assemblèrent en très grand nombre, et allèrent

pour assiéger Alençon; et, de fait, se logèrent assez près d'icelle, en la combattant à leur pouvoir. Mais les Anglois, qui en grand' tristesse portoient le dommage qu'ils avoient eu, se mirent ensemble, et assemblèrent derechef toutes leurs garnisons de Normandie; et, sous la conduite du comte de Salsebery, allèrent vers Alençon pour lever le siége et iceux combattre. Et adonc les dessusdits Dauphinois, pourvus et avisés, comme devant, de la venue de leurs ennemis, se mirent en ordonnance dehors leurs logis, et montrèrent semblant de grand' hardiesse. Et lors les dessusdits Anglois, voyant iceux en plus grand nombre qu'ils n'étoient, se retrahirent à l'abbaye du Becq. Toutefois, avant qu'ils y pussent être, ils perdirent de deux à trois cents de leurs hommes, tant pris comme morts par lesdits Dauphinois; et furent poursuivis jusques à ladite abbaye. Et pource qu'ils virent que dedans icelle ne les pourroient avoir sans grand' perte de leurs gens, se départirent dudit siége, et les laissèrent du tout, et retournèrent vers Dreux et vers Anjou. Et en ces propres jours, fut traité et parfait le mariage du duc d'Alençon et de la seule fille du duc d'Orléans, prisonnier en Angleterre. Et se firent les noces tant solennellement comme réalement en la ville de Blois. Duquel mariage faire et traiter furent les principaux, Charles, duc de Touraine, à qui elle étoit nièce ; et le duc de Bretagne, oncle dudit duc d'Alençon. Esquels jours aussi le roi Henri, qui en

core étoit en Angleterre, ouit les nouvelles de la mort de son frère, le duc de Clarence, et de la perte des autres princes dont grandement fut troublé. Et pour ce plus que par avant se hâta et prépara son armée pour retourner en France, afin de prendre vengeance des Dauphinois, qui ce deuil lui avoient mis au cœur.

CHAPITRE CCL.

Comment messire Jacques de Harcourt commença à faire guerre aux gens et pays du duc de Bourgogne; et des inconvénients qui sourdirent à cette cause.

EN ce temps, messire Jacques de Harcourt, qui se tenoit au Crotoy, et faisoit guerre aux Anglois, comme dit est dessus, s'abstint fort d'avoir hantise de communication avec le duc de Bourgogne, ni à ceux à lui favorables; et prit, au havre d'Etamples, un vaissel chargé de blé, qui étoit à messire Hémon de Bomber, lequel tenoit le parti dudit duc de Bourgogne. Et pour ce qu'il ne le voulut pas rendre, quand il en fut sommé et requis, s'émeut soudainement grand' guerre eutre eux ; laquelle en conclusion fut moult préjudiciable à tout le pays de Ponthieu et à l'environ car ledit messire Hémon, pour venger son courroux, s'en alla complaindre au lieutenant de Calais, c'est à

savoir messire Guillaume Ballesdo, lequel soudainement prit tous ses soudoyers anglois de la comté de Guynes et de Calais, et par navires les mena et conduisit emprès le Crotoy ; et là ardit et brûla tous les nefs et vaisseaux de mer qu'il y trouva, et après se retrahit audit lieu de Calais.

Pour laquelle entreprise venger, ledit messire Jacques de Harcourt entra à main-armée en aucunes des villes dudit messire Hémon, et les pilla tout au net, emmenant les proies et tous autres biens en ses garnisons de Noyelle et du Crotoy. Et bref ensuivant, ledit de Bomber, en rendant le pareil, courut les villes dudit messire Jacques, et fut du tout entre eux la guerre émue, non pas tant seulement à leur préjudice, mais à celui de tout le pays; car ledit messire Jacques, pour lui fortifier, attrahit à lui plusieurs hommes d'armes et gens de guerre de Compiègne et ailleurs. Et aussi s'allièrent derechef plusieurs nobles hommes du pays de Vimen et Ponthieu avecque le seigneur de Rambures et les autres dont dessus est faite mention, c'est à savoir Louis de Vaucourt, le Bon de Saveuse, Philippe de Neuf-Ville, Perceval de Houdent, Pierre Quieret, capitaine d'Araines, et moult d'autres. Si furent bref ensuivant mises en sa main la ville de Saint-Riquier, et auprès d'icelle, les forteresses de la Ferté et de Drongy, Lille et le châtel du Pont-de-Remy, et les forteresses d'Araines et de Aucourt et de Moreul; et à l'autre côté de SaintValery, Rambures, Gamaches et aucunes autres.

Dedans lesquelles, à la poursuite dudit messire Jacques, se boutèrent plusieurs Dauphinois, qui commencèrent à faire guerre ouverte aux pays du duc de Bourgogne et à ceux tenant son parti; et par ainsi furent les pays à l'environ moult fort travaillés. Toutefois ladite ville de Saint-Riquier ne se mit pas en l'obéissance dudit messire Jacques, jusques à tant que le roi d'Angleterre fût repassé à revenir en France, comme vous orrez ci-après.

CHAPITRE CCLI.

Comment Henri, roi d'Angleterre, retourna en France à grand' puissance , pour aller contre le dauphin qui avoit assiégé la ville de Chartres.

APRÈS que le dessusdit roi d'Angleterre eut ordonné ses besognes en son royaume, et que toute son armée fut prête autour de Cantorbie, et iceux payés de leur souldées pour huit mois, s'en vinrent à Douvres; et là et ès autres ports voisins, lui et toutes ses gens entrèrent en mer dedans leurs vaisseaux au point du jour, la vigile Sainte-Barbe. Et en ce même jour entrèrent et arrivèrent au hâvre de Calais, à deux heures après midi. Et adonc le roi issit de sa hurque (grand bateau), et se logea en son châtel audit lieu de Calais. Et semblablement tous les autres, issant de leurs vaisseaux, furent lo

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