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point ne vécurent jusques en âge compétent; pourquoi ses terres et seigneuries retournèrent à son frère le seigneur de l'Aigle.

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CHAPITRE CCXLVI.

Comment les Dauphinois prirent derechef Ville-Neuve-le-Roi ; et la ville et forteresse de Château-Thierry, fut rendue aux gens du duc de Bourgogne.

Au mois de février, reprirent les Dauphinois Villeneuve-le-Roi; mais assez bref ensuivant, se logèrent ès villages à l'environ, par manière de siége, le seigneur de l'Ile-Adam, et autres capitaines tenant la partie du duc de Bourgogne. Si y furent certaine espace, et enfin se délogèrent sans mettre ladite ville en obéissance; pourquoi le le par pays refut moyen d'iceux en grand' tribulation; et depuis, fut traité avec le capitaine dudit lieu, qu'il laisseroit passer vivres à aller à Paris, parmi certains tributs qu'il en devoit avoir pour sa part. Auquel temps fut livrée au seigneur de Châtillon, la ville et forteresse de Château-Thierry, que tenoient les Dauphinois. Et y entra par le moyen d'aucuns bourgeois et habitants de la ville à lui favorables. Si y fut pris la Hire, et plusieurs de ses gens, qui depuis furent délivrés par finance. Et entre temps les dessusdits Dauphinois, qui se

tenoient à Meaux en Brie, à Compiégne, à Pierrefons, et en la comté de Valois, dégâtoient moult fort par leurs courses les pays à l'environ d'eux; et par spécial, Beauvoisis, Vermandois et Santerre. Et pareillement faisoient ceux de la comté de Guise en Thiérasche et gâtoient le pays de Hainaut et de Cambrésis, et autres lieux près de leurs marches.

Durant lesquelles besognes, depuis l'an mille quatre cent et quinze jusques à ce présent an mille quatre cents et vingt, les monnoies de France étoient moult grandement affoiblies, et tant qu'en conclusion devant le rétablissement d'icelles, valut un écu d'or de la forge du roi de France, la somme de vingt-neuf sols, monnoie coursable, jà-soit-ce qu'il n'eût été forgé que pour dix-huit sols parisis. Parle moyen duque l'affoiblissement desdites monnoies, plusieurs seigneurs et autres gens à qui rentes d'argent étoient dues, furent fort intéressés. Et à cette cause s'en émurent plusieurs procès entre les parties; et lors de la monnoie dessusdite, valoit une chevalée de blé sept ou huit francs.

CHAPITRE CCXLVII.

Comment le duc de Touraine, dauphin, fut appelé à la table de marbre; et de la prise du seigneur de l'Ile-Adam dedans Paris, par le duc d'Exeter.

EN cet an, Henri, roi d'Angleterre, devant qu'il partît de Paris pour repasser la mer, fit convoquer et appeler Charles, duc de Touraine, dauphin, à la table de marbre : et après que furent faites toutes les solennités accoutumées, contre lui en ce cas et ses complices, pour le cas et crime fait en la personne du duc Jean de Bourgogne, et pour tant qu'auxdites appellations n'ala ni envoya, fut par le conseil et parlement, banni et exilé du royaume, et jugé indigne de succéder à toutes seigneuries venues et à venir, et mêmement de la succession et attente qu'il avoit à la couronne de France, nonobstant que d'icelle fût vrai héritier après le trépas du roi Charles, son père, selon les coutumes anciennes de ce noble royaume. Duquel déboutement et bannissement plusieurs Parisiens furent très joyeux, car moult le doutoient. En après, le duc d'Excestre, qui étoit capitaine de Paris, pour certaines causes qui à ce le murent, fit prendre en icelle ville le seigneur de l'Ile-Adam, par aucuns de ses An

glois. Pour laquelle prise s'assemblèrent jusques à mille hommes ou plus, du commun de Paris, pour le rescourre à ceux qui le menoient en la bastille Saint-Antoine. Mais tantôt ledit duc d'Excestre, atout six vingt combattants, dont il y avoit la plus grand' partie archers, alla frapper en eux, et faire tirer les dessusdits archers au travers desdites communes. Pourquoi, tant par la cremeur dudit trait, comme par le commandement qu'il leur fit de par le roi, se retrahirent assez bref en leurs maisons; et ledit seigneur de l'ile - Adam fut, comme dit est, mis prisonnier, et y demeura durant la vie du roi Henri d'Angleterre ; lequel l'eût fait mourir, si ce n'eût été la requête du duc de Bourgogne.

CHAPITRE CCXLVIII

Comment le duc de Clarence fut déconfit emprès Baugy par les Dauphinois; et y furent morts grand nombre de nobles et gentilshommes des deux parties.

EN la fin de cet an, droit la nuit de Pâques, le duc de Clarence, qui étoit capitaine général de Normandie, après le partement du roi Henri son frère, avoit mené son ost vers le pays d'Anjou, où étoient assemblés en très grand nombre les Dauphinois; c'est à savoir le comte de Bosqueaux,

connétable du dauphin, et le seigneur de La Fayette, avec plusieurs autres capitaines pour iceux combattre et subjuger. Advint que cedit jour ledit duc de Clarence ouït certaines nouvelles que ses ennemis étoient assez près de lui en une ville nommée, Baugy en Anjou. Et pour tant, incontinent ledit duc qui moult étoit renommé et preux en armes, prit sans délai une partie de ses gens, et par espécial à peu près tous ses capitaines, atout lesquels moult âprement alla envahir ses ennemis, et commencèrent dure et âpre bataille, et moult ensanglantée. Et entre temps la grand' tourbe de son ost le suivoit de loin à très grand' peine et danger, pour les mauvais pas d'une rivière qu'ils avoient à passer.

Et d'autre côté, les Dauphinois dessusdits, qui étoient pourvus et avisés de la venue de leurs ennemis, commencèrent à batailler très vaillamment les dessusdits Anglois ; et tant que contre des deux parties y eut très dure, âpre et cruelle bataille. Mais en conclusion, les Dauphinois obtinrent et eurent la victoire contre les Anglois. Et furent morts sur la place le dessusdit duc de Clarence, le comte de Kyme, le seigneur de Ros, maréchal d'Angleterre, et généralement la fleur de la chevalerie et écuyerie dudit duc, avec de deux à trois mille desdits Anglois. Et avec ce furent pris audit lieu le comte de Sombresset (Sommerset), le comte de Hautiton (Huntingdon) et le comte du Perche, avec deux autres cents de leurs gens ou environ. Et de la

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