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» Item, rendront ou feront rendre toutes personnes qu'ils ont prisonniers à cause de la guerre, et leur quitteront leur foi ; et aussi quitteront tous ceux qu'ils ont reçus, sur leur foi ou autrement, vant le siége mis.

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Item, pour la sûreté des choses dessusdites, bailleront en ôtage douze nobles hommes des plus notables, après les capitaines, et six bourgeois de la ville.

» Item, que messire Fordun, chevalier anglois ou écossois, et tous les Anglois et Écossois, demeureront en la volonté du roi d'Angleterre. »

Ce traité lors accordé et parfourni, comme dit est, entre les parties, furent tôt ouvertes les portes desdites villes et châtel, et mises en la puissance desdits rois; et là, furent commis pour recevoir et avoir l'administration des choses dessusdites, les gens du roi d'Angleterre et un nomme Pierre le Verrault, lequel, par les deux rois, y fut commis capitaine. Et après l'accomplissement d'icelle besogne, tous les gens d'armes Dauphinois, desquels étoient les principaux, messire Pierre de Bourbon, seigneur de Préaux, et Barbasan, avec de cinq à six cents nobles hommes et gentils femmes, et grand' partie des plus notables et plus puissants bourgeois de ladite ville, furent menés par le commandement du roi d'Angleterre, régent de France, à force de gens d'armes, à Paris, et là emprisonnés en Châtelet, en la maison du Temple, en la Bastille et ailleurs.

que

« Item, fut défendu, de par les deux rois, nul n'entrât dedans lesdites villes et châtel, sur peine d'être décapité, sinon ceux qui étoient à ce commis.

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Item, entre les autres qui furent décapités en ladite ville, le furent deux moines de Joy en Brie; c'est à savoir le célérier dudit lieu, et dam Symon, jadis moine du Gart, avecque aucuns autres dessusdits. Et entre temps que les traités dessusdits se faisoient, y eut un gentilhomme de l'hôtel du roi d'Angleterre, nommé Bertrand de Chaumont, qui à la bataille d'Azincourt., le propre jour, étant François se rendit Anglois, pour tant qu'en Guienne tenoit sa terre dudit roi d'Angleterre, et pour sa vaillance étoit de lui moult aimé. Mais, comme dit est, durant le traité de Melun, icelui Bertrand, comme mal conseillé, par convoitise de pécune qu'il eut, aida à sauver et soustraire, hors de ladite ville, Amerion du Lau, qui avoit été, comme on disoit, coupable de la mort du duc Jean de Bourgogne; laquelle chose vint à clarté et à la connoissance du roi d'Angleterre, dont grandement il fut troublé. Et pour ce même fait audit Bertrand fit couper la tête, assez bref ensuivant, nonobstant que son frère le duc de Clarence et le duc de Bourgogne le priassent d'avoir pardon pour le dessusdit. Auxquels il fit

1. Pour dom, de Dominus.

réponse que plus n'en parlassent, et que de son su ne vouloit avoir nuls traitres en son ost. Et néanmoins qu'il fit cette justice pour montrer exemple aux autres, si voudroit-il qu'il lui eût coûté cinquante mille nobles, et ledit Bertrand n'eût oncques fait cette déloyauté contre lui.

CHAPITRE CCXL.

Comment, après le siége de Melun, les deux rois, les reines leurs femmes, et plusieurs princes et grands seigueurs allèrent à Paris en noble appareil.

APRÈS les besognes dessusdites conclues, comme dit est, le roi d'Angleterre et le duc de Bourgogne congédièrent premier aucuns de leurs gens, et se partirent atout (avec) leur ost de devant Melun, et prirent leur chemin à Corbeil, où étoit le roi de France et les deux reines, c'est à savoir de France et d'Angleterre, qui tous ensemble allèrent de la ville de Corbeil à Paris, c'est à savoir les deux rois, et avecque eux les dues de Clarence, de Bourgogne, de Bedfort et d'Écestre (Exeter), les comtes de Warwick, de Salsebery (Salisbury), et plusieurs grands seigneurs. Au-devant desquels rois et princes allèrent à l'encontre les bourgeois de Paris en grand nombre et en moult belle ordonnance. Et lors étoient les rues couvertes et parées

parmi Paris, en plusieurs lieux, de draps de parement moult riches. A l'entrée desquels fut crié : Noël! par le peuple, de carrefour en carrefour, partout où ils passoient. Et chevauchoient les deux rois moult noblement de front l'un d'emprès l'autre, le roi de France au dextre côté. Et après eux étoient les ducs de Clarence et de Bedfort, frères du roi d'Angleterre. Et à l'autre côté de la rue, à la main sénestre, chevanchoit le duc de Bourgogne, vêtu de noir; et après lui étoient les chevaliers et écuyers de son hôtel; et les autres princes et chevaliers suivoient les deux rois assez près. Et ainsi chevauchant parmi lesdites rues, encontrèrent les gens d'église à pied en procession, arrêtés par les carrefours où ils devoient passer. Et adonc ful présenté aux deux rois à baiser les saintes reliques que portoient iceux gens d'église; et premier au roi de France, lequel se retourna devers le roi d'Angleterre, en lui faisant signe qu'il baisât premier. Et ledit roi d'Angleterre, en mettant la nain à son chaperon, faisant révérence au roi de France, lui dit qu'il baisât; et ce faisant, baisa ledit roi de France, et après lui le roi d'Angleterre. Et fut cette manière tenue par eux tout du long de la ville jusques à l'église Notre-Dame, en laquelle les deux rois et les princes dessusdits entrèrent, et firent leur oraison devant le grand autel. Et après remontèrent à cheval et s'en allèrent chacun en son logis : c'est à savoir le roi de France, et avecque lui le duc de Bourgogne, en son hôtel de St.-Pol.

Et de là ledit duc de Bourgogne, après qu'il eut reconvoyé le roi de France, alla loger en son hôtel d'Artois. Et le roi d'Angleterre et ses deux frères se logèrent au châtel du Louvre; et leurs gens en plusieurs lieux par la ville, sinon aucuns de gens d'armes qui se logèrent ès villages autour de Paris.

Et le lendemain, vinrent dedans Paris les deux reines de France et d'Angleterre, à l'encontre desquelles allèrent le duc de Bourgogne et plusieurs seigneurs d'Angleterre, et aussi les bourgeois de Paris en pareille ordonnance qu'ils avoient été le jour devant. Et fut derechef faite toute joie dedans Paris à la venue desdites reines. Quant est à parler des dons et présents qui furent faits dedans Paris aux dessusdits rois, et par espécial au roi d'Angleterre et à sa femme la reine, il seroit trop long à raconter chacun à part soi. Et par espécial, tout ce jour et toute la nuit, découroit vin en aucuns carrefours abondamment en robinets, détroits et autres conduits faits ingénieusement, afin que chacun, en prensît (prît) pleinement à sa volonté.

En outre, par toute la ville de Paris généralement fut faite grand' liesse pour la paix finale des deux rois, plus que la langue ne pourroit raconter. En après, les dessusdits rois de France et d'Angleterre, et leurs princes, venus audit lieu de Paris, aucuns peu de jours ensuivant, fut faite grand' plainte et clameur par le duc Philippe de Bourgogne et le procureur de la duchesse sa mère, de

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