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dames et de damoiselles ; et y séjournèrent environ un mois, étant logés en une maison qu'avoit fait faire ledit roi d'Angleterre, toute propice emprès ses tentes, qui étoient loin de la ville, afin que des canons ne pussent être travaillées. Et là, devant la tente dudit roi, de nuit sonnoient moult mélodieusement par l'espace d'une heure ou environ, à jour faillant et au point du jour, huit ou dix clairons d'Angleterre, et autres divers instruments. Et pour vrai, icelui roi d'Angleterre étoit alors plus grandement accompagné à icelui siége; qu'il n'avoit été en nul autre durant son règne, et avec ce de sa personne, faisoit merveilleuse diligence pour achever son entreprise.

Et entre temps que ces besognes se faisoient, Pierre de Luxembourg, comte de Conversan, retournant dudit siége de Melun, pour aller en sa comté de Brienne, accompagné de soixante hommes ou environ, fut rencontré des Dauphinois, qui se tenoient à Meaux en Brie, c'est à savoir Pierron de Luppel et aucuns autres; lesquels, pource qu'ils étoient en trop grand nombre au regard de lui, l'emmenèrent, avecque toute sa gent, audit lieu de Meaux, où il fut longue espace, jusques à tant que le roi d'Angleterre l'assiégea, comme vous orrez ci-après.

En après, en ces propres jours, la reine de Sicile, veuve du roi Louis de bonne mémoire, donna congé à Louis, son fils aîné, non pas sans soupirer de cœur, d'aller à Rome, afin que de la main de notre saint Père le pape il fût couronné à roi. Et le bailla

aux Florentins et aux Génevois sur leur loyauté; lesquels étoient entrés, atout (avec) quinze galées d'armes, au port de Marseille, qui est de la terre de ladite reine. Mais elle retint devers elle en ôtage, pour son fils, huit des plus nobles barons du royaume de Naples, et de ses pays environs, qui l'étoient venu quérir de par les cités et bonnes villes, et les plus grands seigneurs dudit royaume. Et ce firent par la haine qu'ils avoient à leur reine, femme de messire Jacques de Bourbon, comte de La Marche: laquelle tenoit sondit mari en prison pour discord qu'elle avoit à lui et à ses gouverneurs; et ainsi ledit Louis, nageant par mer et galées dessusdites, entra à Rome; et reçut solennellement sondit royaume par la main de notre saint père le pape, jà-soit-ce que pour lors ne fut pas couronné. Et fut, de ce jour en avant, nominé roi Louis, comme avoit été paravant son feu père.

CHAPITRE CCXXXVII.

Comment plusieurs forteresses environ Paris furent mises en la main du roi Henri, où il mit capitaines; et les mandements royaux qui furent envoyés à sa requête.

DURANT ledit siége de Melun, furent mises en la main du roi d'Angleterre, par le commandement du roi de France, et par le consentement du duc

de Bourgogne et des Parisiens, les forteresses ciaprès déclarées ; c'est à savoir la bastille Saint-Antoine, le Louvre, la maison de Nesle et le bois de Vincennes. Pour lesquels fut envoyé dudit roi d'Angleterre son frère, le duc de Clarence, lequel fut constitué capitaine de Paris. Et avec ce mit ès forteresses dessusdites garnison d'Anglois, en déboutant hors tous les François, qui paravant les avoient eu en garde. Et fut aussi ôté de ladite capitainerie de Paris, le comte de Saint-Pol, qui tantôt, de par le roi de France, fut envoyé comme ambassadeur d'icelui roi ès marches de Picardie, accompagné de maître Pierre de Marigny et aucuns autres, pour recevoir les serments des trois états et bonnes villes d'icelui pays, afin que la paix naguères faite entre les deux rois voulsissent du tout entretenir et observer; et que, dorénavant, obéissent libéralement au roi d'Angleterre, comme régent et héritier de France; et que, desdits serments, les ambassadeurs prissent lettres scellées et signées des dessusdits trois états et bonnes villes. Desquelles lettres et pouvoir d'iceux ambassadeurs à eux donné, de par le roi, la copie s'ensuit: Charles, par la grâce de Dieu, roi de France, à nos très chers et aimés cousins le comte de Saint-Pol, l'évêque de Thérouenne et Jean de Luxembourg, et à nos très chers et bien-aimés l'évêque d'Arras, le vidame d'Amiens, le seigneur de la Viefville, les gouverneurs d'Arras et de Lille, maître Pierre de Marigny, notre avocat en parle

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ment, et maître Georges d'Ostende, notre secrétaire, salut et dilection.

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Comme naguères avons fait paix finale et perpétuelle pour le très grand bien et évident profit de nous et de la chose publique de notre royaume, et par l'avis et mûre délibération de notre très chère compagne la reine et de notre très cher et très aimé fils le duc Philippe de Bourgogne, des prélats et autres gens d'église, des nobles et communautés dudit royaume, entre notre très cher fils le roi Henri d'Angleterre, régent et héritier de France, pour nous et pour lui, et pour les royaumes de France et d'Angleterre ; et icelle paix, nous, notredite compagne, notre fils de Bourgogne, les nobles, barons et communautés dessusdits, avons juré solennellement et en outre avons conclu et ordonné que tous les prélats, gens d'église, barons et les communautés de notredit royaume, qui ne l'ont juré, le jureront semblablement. Et pour tant, nous confiant de vos loyautés, grand' prudence et bonne diligence, et de chacun de vous, vous mandons et commandons, en commettant par ces présentes que vous vous transportiez en toutes les cités, bonnes villes, forteresses et lieux notables des bailliages d'Amiens, Tournay, Lille, Douai, Arras, et en la comté de Ponthieu, ressorts et enclavements d'iceux pays et environ; et là mandez ceux que desdits lieux bon vous semblera, et faites venir devant vous pour et en votre nom : c'est à savoir, prélats, capitaines,

doyens et autres nobles gens d'église, bourgeois et communautés : et en leurs présence faites lire les lettres de ladite paix et publier solennellement, en eux faisant de par nous, exprès et espécial commandement, sur peine d'être réputés rebelles et désobéissants à nous, qu'en votre présence ils jurent sur les saintes évangiles de Dieu, tenir fermement, et inviolablement garder ladíte paix, selon la forme contenue sur ce, de laquelle la teneur s'ensuit :

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Premièrement, vous jurez qu'à très haut et très puissant prince Henri, roi d'Angleterre, comme à gouverneur et régent du royaume de France et de la chose publique dudit royaume, vous obéirez loyaument et diligemment à ses commandements et mandements, en toutes choses conservant et gardant le régime et gouvernement de la chose publique, maintenant sujette à très haut et très puissant prince Charles, roi de France, notre souverain seigneur.

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:

Item, et qu'incontinent après le décès de notre sire le roi Charles, en ensuivant le traité de paix par lui fait et confirmé, vous serez loyaux hommes, liges et vrais sujets au dessusdit très haut et puissant prince Henri, roi d'Angleterre, et à ses hoirs et le honorerez et recevrez sans opposition, contredit ou difficulté aucune, comme votre derrain seigneur et vrai roi de France, et obéirez à lui comme tel ; et promettez que dès maintenant, jusques à jamais n'obéirez à nul autre comme roi de France, sinon à notre derrain et souverain seigneur le roi Charles.

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