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pour iceux rencontrer, et le lendemain ouïrent nouvelles de leurs ennemis, qui étoient logés à deux lieues près d'Auxerre, dedans un fort moûtier, nommé Etampes Saint-Germain. Pourquoi les capitaines dessusdits, sachant icelles nouvelles, au plus tôt qu'ils purent, allèrent iceux assiéger dedans le moûtier, et mandèrent secours de vivres arbalêtriers, et autres choses à eux duisables, à Avallon, à Auxerre, lequel secours leur fut envoyé. Et en conclusion, après que les parties eurent livré l'un à l'autre plusieurs escarmouches, en la fin de dix-huit jours se rendirent iceux assiégés à iceux capitaines, par si qu'ils auroient leurs vies sauves et demeureroient prisonniers tant qu'ils auroient payé finances chacun selon son état. Après lequel traité ainsi fait, fut icelui moûtier, c'est à savoir la fortification, désolée et abattue; et après, lesdits capitaines retournèrent à Troyes, atout (avec) leurs gens, devers le duc Philippe de Bourgogne leur maître et seigneur.

CHAPITRE CCXXXIII.

Comment Henri, roi d'Angleterre, atout (avec) sa puissance, vint à Troyes en Champagne, pour lui marier, et parconclure la paix finale avec le roi de France.

EN ce même temps, Henri, roi d'Angleterre, accompagné de ses deux frères, c'est à savoir des ducs de Clarence, et des comtes de Hautiton (Huntingdon, de Warwick et de Kime, avec plusieurs autres grands seigneurs d'Angleterre, et seize cents combattants, ou environ, dont il avoit la plus grand' partie archers, se partit de Rouen, et vint à Pontoise, et de là à Saint-Denis, et après au pont à Charenton, où il laissa de ses gens pour garder le passage. Et puis par Provins s'en alla à Troyes. Au-devant duquel, pour lui faire honneur et révérence, issirent le duc de Bourgogne, et plusieurs seigneurs, qui le convoyèrent jusques à son hôtel dedans icelle ville, où il se logea, et ses princes avecque lui, et ses gens d'armes se logèrent ès villages à l'environ. Et tôt après sa venue, alla voir le roi, la reine, dame Catherine, sa fille; si s'entrefirent très grands honneurs l'un à l'autre ; et après, furent assemblés de grands conseils entre eux, pour parclorre la paix finale et alliance, dont par avant est faite mention, et enfin furent d'accord.

Et en ce qui par avant avoit été traité, et qui n'étoit agréable audit roi d'Angleterre, fut lors corrigé grand' partie à sa volonté.

Finablement, après ledit accord parfait, selon la coutume de France, la dessusdite dame Catherine fiança, et le lendemain du jour de la Trinité épousa icelui roi en l'église paroissiale, dessous laquelle il étoit logé; si furent faites ce jour par lui et ses princes anglois, grands pompes et bobants, comme si présentement dût être roi de tout le monde.

Et là étoit, de la partie du roi de France, Philippe duc de Bourgogne, par le moyen et à l'instance duquel tous les traités et alliances dessusdites se faisoient. Si étoient avecque lui Pierre de Luxembourg, comte de Luxembourg et Conversan; messire Jean de Luxembourg, son frère; le princed'Orange', le seigneur de Jonvelle, le seigneur de Château-Vilain, le seigneur de Montagu, messire Régnier Pot, le seigneur de Chastellus, le Veau de Bar, bailli d'Auxois, messire Jacques de Courtejambe, messire Jean de Cotte-Brune, maréchal de Bourgogne et de Picardie; le seigneur de Croy, le seigneur de Longueval, messire Athis de Brimeu, et messire David, son frère; le seigneur de Roubaix, le seigneur de Humbercourt, bailli d'Amiens; messire Hue de Launois, et son frère, mes

1. Jean de Châlons, seigneur d'Arlay, et prince d'Orange, par le droit de sa femme, Marie de Baux.

sire Gilbert, et moult d'autres notables chevaliers des pays dudit duc, avec aussi aucuns prélats et gens d'église; entre lesquels y étoient des plus avancés, maître Jean de Torsy, évêque de Tournai et chancelier de Bourgogne; maître Eustache de Lactre, maître Jean de Mailly, et aucuns autres, qui tous ensemble, ou au moins la plus grand' partie, furent consentant, et promirent, avec le dessusdit duc de Bourgogne, d'entretenir perdurablement icelui traité, duquel la copie s'ensuit :

Charles, par la grâce de Dieu, roi de France, » A tous nos baillis, prévôts, sénéchaux, ou autres chefs de nos justices, ou à leurs lieutenants, salut.

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Comme par accordance finale et paix perpétuelle, soient huy faites et jurées en cette notre ville de Troyes par nous et notre très cher et très aimé fils Henri, roi d'Angleterre, héritier et régent de France pour nous, et lui les royautés de France et d'Angleterre, tant par le moyen du mariage de lui, de notre très chère et aimée fille Catherine, comme de plusieurs points et articles faits, passés et accordés par chacune partie pour, le bien et utilité de nous et de nos sujets, et pour la sûreté d'iceux pays; par le moyen de laquelle paix chacun de nosdits sujets, et ceux de notredit fils pourront désormais converser, marchander, et besogner les uns avec les autres, tant de là la mer comme deçà.

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Item, est accordé que notredit fils le roi Henri,

dorénavant nous honorera comme son père, et notre compagne la reine comme sa mère, et avec ce ne nous empêchera, notre vie durant que nous ne jouissions et possessons paisiblement de notre royaume.

» Item, que notredit fils le roi Henri ne nous troublera ou empêchera, comme devant est dit, que nous ne tenons et possédons tant que nous vivrons, ainsi que nous tenons et possédons de présent, la couronne et dignité royale de France, et les revenus, fruits et profits d'iceux, à la soutenance de notre état des charges du royaume ; et que notredite compagne ne tienne tant qu'elle vivra état et dignité de reine, selon la coutume du avec partie desdites rentes et revenus à elle convenables.

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royaume,

Item, est accordé que notredite fille Catherine aura et prendra au royaume d'Angleterre, douaire, ainsi que les reines au temps passé ont accoutumé d'avoir, c'est à savoir pour chacun an la somme de quarante mille écus, desquels les deux valent toujours un noble d'Angleterre.

dit

» Item, est accordé que notredit fils le roi Henri, par toutes voies, moyens et manières qu'il pourra, sans transgression ou offense du serment par lui fait d'observer les lois, coutumes et droits de sonroyaume d'Angleterre, labourera et pourvoira notredite fille Catherine, sa compagne, le plus tôt que faire se pourra, soit en tout entièrement et pleinement assurée de percevoir et avoir en son royaume d'Angleterre au temps de son trépas le

que

CHRONIQUES DE MONSTRELET. T. IV.

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