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CHAPITRE CCX V.

Comment, après la paix entre ledit dauphin et le duc de Bourgogne, icelle fut publiée en divers lieux du royaume de France, et autres matières suivant.

Le lendemain de la paix dessusdite, se départit le duc de Touraine, dauphin, de Melun, atout (avec) sa puissance, et s'en alla par Tours en Touraine vers Parthenay, laquelle il avoit fait assiéger paravant par le comte de Vertus, et autres ses capitaines, pour ce que le seigneur de Parthenay avoit tout son temps tenu, et encore tenoit le parti du duc de Bourgogne; lequel comte et tous les autres fit départir ledit dauphin, et fit préparer ses gens à toute diligence pour mener guerre aux Anglois.

Et pareillement ledit duc de Bourgogne s'en retourna à Pontoise devers le roi et la reine, auquel lieu fut faite grand' joie pour la réconciliation des deux parties par-dessus déclarées. De laquelle ville de Pontoise icelui duc de Bourgogne mena le roi, la reine et tout leur état demeurer à SaintDenis, et laissa en icelle pour la garder contre les Anglois, le sire de l'Ile Adam, maréchal de France. auquel fut délivré grand' finance pour payer gens d'armes à mettre en icelle ville de Pontoise.

En après, tantôt après que la paix fut publiée d'entre iceux princes dessusdits, la plus grand' partie des nobles, du clergé et du peuple, eurent grand' liesse, espérant par le moyen de ce avoir grand' consolation, et ledit royaume être réparé des griefs et persécutions que long-temps avoit soufferts par la guerre qui si longuement avoit duré; et commencèrent les gens des deux parties à marchander et repairer (aller) les uns avec les antres. Et avec ce en plusieurs bonnes villes et cités fut faite joie en criant: Noel! faisant les bourgeois grands assemblées et grands feux par tous les carrefours, et par espécial dedans la ville de

Paris.

Le vingtième jour dudit mois de juillet furent portés audit lieu de Paris, par l'archevêque de Sens, les lettres de la paix, lesquelles furent présentées aux seigneurs de la cour de parlement, des requêtes du palais, et de la chambre des comptes; présents lesquels furent lues par maître Nicole Raulin. Et si y étoient maître Robert Maillière, et maître Jean Champion, tous deux secrétaires dudit dauphin; et après qu'elles furent leutes (lues), ledit archevêque présenta un mandement du roi, auquel étoit contenu que le roi faisoit abolition générale de tous crimes et cas perpétrés en son royaume à l'occasion des divisions par avant passées, et veut que chacun retourne à ses héritages, bénéfices, et autres biens, réservé meubles; et avec ce, que le duc de Bourgogne

mette capitaine à Parthenay, pour garder le pays de Poitiers, qui soit favorable au dauphin, et que toutes garnisons, tant d'un côté comme d'autre, soient mises hors, sinon sur la frontière des Anglois,

Après, furent présentées autres lettres du dauphin, lesquelles étoient incorporées avec les lettres du roi ; et par icelles ledit dauphin consentoit, accordoit, et promettoit tenir le contenu des dessusdites lettres royaux ; et pareillement ledit Raulin montra lettres semblables et de par le duc de Bourgogne. Et après que par les dessusdits tout eut été visité, la paix fut publiée en plusieurs lieux de Paris; et jurèrent lesdits seigneurs de parlement tous les dessus nommés, et autres gouverneurs d'icelle cité, à la tenir; et le lendemain fut faite une solennelle procession à Saint-Martindes-Champs pour ladite paix.

CHAPITRE CCXVI.

Comment le roi Henri d'Angleterre ne fut pas bien content de la paix dessusdite; de la prise de Pontoise par les Anglois sur le seigueur de l'Ile Adam, et ce qu'il en advint.

OR convient retourner à parler du roi Henri d'Angleterre, lequel, quand il ouït nouvelles de la paix et alliance qu'avoient faites ensemble le duc de Touraine, dauphin, et le duc de Bourgogne, contre

lui, ne fut pas de ce bien joyeux, et non sans cause; car bien lui sembla, et c'étoit vérité, que plus forts seroient à être tous deux ensemble, que quand ils étoient divisés. Néanmoins il se conclut et délibéra de mener à fin sa querelle et entreprise à l'encontre de tous ceux qui nuire le voudroient. Et jeta son imagination et avis, que trop bon et profitable seroit à lui la ville de Pontoise s'il la pouvoit avoir. Et sur ce manda aucuns de ses plus féables capitaines, et aussi de ceux qui avoient été dedans icelle ville, durant les ambassades dont dessus est faite mention; si leur déclara sa volonté, et ils firent réponse qu'en toutes autres choses qu'il lui plairoit à eux commander, étoient prêts d'eux employer sans épargner leur corps, quelque péril, peine et travail qu'ils y dussent avoir. Et sur ce fut ordonné par le roi ceux qui de cette besogne auroient la charge. Et finablement vinrent le derrain (dernier) jour de juillet, entre le point du jour et soleil levant, à une des portes de ladite ville de Pontoise, et pouvoient être environ trois mille combattants; laquelle porte n'étoit pas encore ouverte ; et tantôt les aucuns, par échelles qu'ils avoient, commencèrent à monter amont sans être aperçus du guet; et de fait ouvrirent icelle porte, par laquelle incontinent entrèrent dedans à grand' puissance, en criant hautement, SaintGeorge! ville gagnée !

Auquel cri fut tantôt la ville tout émue, et le sire de l'Ile Adam éveillé ; lequel, sans délai, tout

armé, avec aucuns de ses gens monta à cheval, et alla voir où étoit ledit effroi avec aucuns de ses gens; mais quand il aperçut lesdits Anglois dedans la ville en si grand nombre, s'en retourna hâtivement, et fit prendre sa finance et ses bagues, atout (avec) lesquelles éveillant plusieurs bourgeois, alla vers la porte de Paris, qui étoit encore fermée, et la fit rompre et ouvrir. Et puis en sa compagnie, bien dix mille personnes de la ville, tout désolés ét déconfortés se partirent, allant vers Paris; desquels y avoit plusieurs emportant de leurs meilleurs biens, et par espécial, or, argent, vaisselle et joyaux, dont l'une des parties allant vers Beauvais furent détroussés et leurs bagues ôtées de Jean de Guigny et Jean du Clau.

En outre, lesdits Anglois, sans trouver quelque résistance, prirent et gagnèrent ladite ville, dedans laquelle ils firent maux innumérables comme en ville conquise, et gagnèrent grands finances; car elle étoit remplie de tous biens; et fut le principal conduiseur des Anglois faisant cette entreprise, le Captal de Buch, frère au comte de Foix'.

Pour laquelle ville ainsi prise, les pays de France, et par espécial vers Paris, furent moult

1. Gaston, second fils d'Archambaut, comite de Foix. Il reçut des Anglois le comté de Longueville et celui de Be-nange. Son fils, Jeau de Foix, épousa une nièce de Williams de la Pole, duc de Suffolk, et devint comte de Kendal. Le père et le fils furent chevaliers de la Jarretière.

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