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andace, pour obtenir d'eux-mêmes justice et satisfaction. Cette affaire donc nous ayant amené à Beauvais, la cause ayant été entendue devant nous, et la charte de la commune récitée publiquement, les bourgeois ont enfin reconnu que la justice de toute la ville appartenait à l'évêque seul, et que si quelque abus ou forfait était commis, la plainte devait être portée à l'évêque ou à son officier. Nous sanctionnons donc, par l'excellence de la majesté royale, que les plaintes soient toujours portées à l'évêque, et que nul ne soit si présomptueux à Beauvais que de s'immiscer dans les droits de l'évêque et de l'église, surtout dans le droit de faire justice, aussi long-temps du moins que l'évêque ne manquera pas à la rendre. Mais si, ce qu'à Dieu ne plaise, il y manquait, alors les bourgeois auront licence de faire justice entre eux, car mieux vaut qu'elle soit faite par eux que pas du tout. Et afin que tout ceci soit constant, demeure assuré et inviolable, nous avons ordonné de le coucher par écrit et de le fortifier de l'autorité de notre sceau. Fait publiquement à Beauvais, l'an 1151 de l'Incarnation du Verbe. Présens dans notre palais, ceux dont suivent les noms et sceaux : Raoul de Vermandois notre sénéchal, Gui le bouteiller, Mathieu le connétable, Mathieu le chambellan, Reinaud de Saint-Valery, Hélie de Gerberay, Adam de Bruslard, Louis de Caufray. Donné par la main de Hugues le chancelier 1.

Pour le moment, l'affaire fut terminée par cet arrêt, car la commune n'était pas de force à lutter à la fois contre son évêque et le roi. Mais

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les bourgeois de ce temps étaient tenaces dans leurs prétentions, et nous verrons bientôt ceux de Beauvais renouveler ce débat.

En 1180, Henri de France fut nommé à l'archevêché de Reims; on peut croire que la commune se vit avec joie débarrassée de ce puissant et orgueilleux suzerain: son évêché passa à son neveu Philippe de Dreux, petit-fils de Louis-le-Gros; et soit pour se faire bien venir de ses nouvelles ouailles, soit que cette concession lui eût été achetée par quelque don, devenu pour lui nécessaire à l'approche de la croisade où il se rendit quelquesannées après, Philippe accorda en 1182 aux bourgeois de Beauvais la faculté d'avoir un maire, et cette nouvelle institution augmenta sans doute notablement les priviléges de la commune, car nous en trouvons, trente ans plus tard, d'amères plaintes consignées dans les registres du chapitre de Beauvais, toujours moins libéral que les évêques qui souvent pourtant ne l'étaient guère.

Plainte du chapitre de Beauvais contre le seigneur Philippe, évêque, faite la veille des kalendes de juin, l'an du Seigneur 1212.

Le seigneur évêque est comte de Beauvais, et le droit de monnaie lui appartient, etc.

Dans la commune de Beauvais avaient coutume d'être douze pairs pour aviser aux affaires de la république : or la justice de la cité appartient à l'évêque; et comme parmi ces douze pairs, nul n'était maire, au milieu d'une telle confusion, ceux qui souffraient quelque injure recouraient à la justice de l'évêque. Mais le présent évêque a permis aux pairs d'avoir deux maires, et maintenant on leur porte plainte comme à des chefs assurés, au préjudice du siége épiscopal ; et puisque le droit de justice du siége épiscopal a souffert diminution du temps d'un homme si puissant, il est à craindre que, si un moindre que lui était élu après sa mort, ce droit tout entier ne pérît. Nous demandons donc que le seigneur évêque rétablisse les choses dans le premier état, et qu'il n'y ait point de maires dans ladite

commune 1.

Les chanoines ne purent obtenir ce qu'ils demandaient; personne même, à ce qu'il paraît, ne prit parti pour eux, et la commune demeura en possession de son maire, dont au surplus l'institution avait été confirmée dès 1182 par le nouveau roi de France, Philippe-Auguste, dans la charte que, deux ans après son avénement, il accorda à la communede Beauvais .

Je n'insérerai point ici en entier cette charte semblable, en beaucoup d'articles, à celle de Louis-le-Jeune, et je me contenterai d'en indiquer les différences; mais je m'étonne les que

'Louvet, tom. 1, p. 341.

savans éditeurs des Ordonnances des rois de France, et M. Augustin Thierry, aient cru ces différences assez légères et assez insignifiantes pour se borner à donner le texte de la charte de 1182, supposant les chartes antérieures à peu près identiques. L'omission a quelque gravité, car elle rend plusieurs faits de l'histoire de Beauvais absolument inexplicables: comment comprendre, par exemple, l'institution de l'office de maire à Beauvais par Philippe de Dreux, et les plaintes du chapitre à ce sujet, lorsqu'on regarde comme primitif, et par conséquent comme antérieur à ce débat, le texte de la charte de Philippe-Auguste, où il est sans cesse question de ce maire et de ses fonctions, où la forme de son élection est même réglée ?

Je crois donc devoir indiquer exactement les différences qui se rencontrent entre la charte de Philippe-Auguste et celles de ses prédéces

seurs.

CHARTE DE PHILIPPE-AUGUSTE.

Ier ARTICLE. Le mot d'ancêtre est substitué à celui de père, et les innovations apportées par cette charte à celle de Louis-le-Jeune sont indiquées par cette expression : « Nous accor

» dons, etc., etc. » ainsi que : « les coutumes >> contenues dans la présente charte. »

2o ART. Le nom du maire est ajouté partout où, dans la précédente charte, il était question des pairs. On verra plus bas l'article qui a rapport à son élection.

>>

13o ART. Cet article n'existe pas dans la charte de Louis-le-Jeune; il vient après l'article: « Si quelqu'un de la commune a confié son argent » à quelqu'un de la ville, etc.; et porte: « Si » quelqu'un enlève de l'argent à un homme de >> la commune et se réfugie dans quelque château >>fort, et que clameur en soit portée devant le >> maire et les pairs, justice sera faite selon la » délibération du maire et des pairs sur lui, si » on peut le rencontrer, et sur les hommes et >> les biens du seigneur du château, à moins que » l'argent ne soit rendu. >>

Au lieu de cet art. 13o, on trouve dans la charte de 1144 un article ainsi conçu: «< Que les hom>> mes de la commune aient soin de confier leurs >> approvisionnemens, etc. » Il n'est pas dans la nouvelle charte.

14o ART. Après la phrase: « Les pieux pour pendre les draps seront fichés en terre à égale » hauteur,» se trouve celle-ci, dans la charte de Philippe-Auguste : « Et quiconque aura forfait

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