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correspondance avec M. Obrecht, et un grand nombre d'autres personnes, le soin presque minutieux qu'il apportoit à n'alléguer aucun fait et à ne citer aucun acte, qui ne fût appuyé sur des témoignages authentiques, dont les protestans eux-mêmes ne pouvoient contester l'autorité.

Bossuet exprime dès la préface de son Histoire des variations l'esprit dans lequel il a conçu son travail. C'est là qu'on apprend à ne pas confondre l'impartialité avec l'indifférence. On affecte trop souvent de représenter l'indifférence d'un historien comme un titre, qui semble lui donner plus de droits à la confiance; mais cette indifférence n'est le plus ordinairement qu'un moyen facile et vulgaire de dénaturer le véritable caractère de l'histoire, en enveloppant dans un égal mépris les vérités, qui commandent le respect et la confiance, avec les illusions et les préjugés que l'esprit de secte et de parti se plaît à entretenir et à propager.

« Pour le fond des choses, on sait bien, dit * Préface » Bossuet*, de quel avis je suis. Car assurément des varia- je suis catholique, aussi soumis qu'aucun autre

de l'Histoire

tions.

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» aux décisions de l'Eglise. Après cela, d'aller

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faire le neutre et l'indifférent à cause que j'écris

» une histoire, ou de dissimuler ce que je suis,

>>

» quand tout le monde le sait, et que j'en fais gloire, ce seroit faire au lecteur une illusion » trop grossière. Mais avec cet aveu sincère, je >> maintiens aux protestans qu'ils ne peuvent me » refuser leur créance, et qu'ils ne liront jamais >> une histoire, quelle qu'elle soit, plus indubi» table que celle-ci, puisque, dans ce que j'ai » à dire contre leurs Eglises et leurs auteurs, je » n'en raconterai rien qui ne soit authentique, » et prouvé clairement par leurs propres témoignages. »

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Il étoit facile à Bossuet de montrer que les premiers réformateurs, tels que Luther, Mélanchton, Bucer et Calvin, avoient varié dans leurs opinions, et Bossuet produit en effet les témoignages les plus singuliers de leurs variations.

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C'est ainsi que Luther, après avoir posé pour fondement de sa doctrine, « que le libre arbitre » étoit tout-à-fait éteint dans le genre humain depuis la chute d'Adam..... Que le libre ar» bitre n'étoit qu'un vain nom..... Que Dieu » fait en nous le mal comme le bien.... Que » la grande perfection de la foi, est de croire » que Dieu est juste, quoiqu'il nous rende néces» sairement damnables par sa volonté; en sorte » qu'il semble se plaire aux supplices des mal» heureux ( ce sont ses propres paroles), ce

même Luther sur la fin de sa vie parut pencher vers l'excès opposé, en attribuant au libre arbitre une efficacité dans l'ordre du salut, qu'il ne peut jamais avoir sans le secours de la grâce.

C'est ainsi que Mélanchton, d'abord défenseur zélé de la présence réelle à l'exemple de Luther son maître, finit par goûter le sentiment de Zuingle, inventeur du sens figuré.

C'est ainsi que Calvin, masquant d'abord ses véritables sentimens sous les expressions les plus propres à établir la doctrine de la présence réelle, se dépouilla bientôt du voile dont il n'avoit consenti à s'envelopper, que par la crainte d'irriter Luther qu'il redoutoit, et dénatura toutes les acceptions du langage humain, pour faire triompher le sens figuré en dépit de ses propres décla

rations.

C'est ainsi que Bucer, grand architecte de subtilités théologiques, dit Bossuet, ne s'occupoit qu'à rédiger des confessions de foi équivoques, propres à tromper les partis les plus opposés, et à satisfaire également les défenseurs de la présence réelle et ceux du sens figuré.

Toutes ces contradictions et toutes ces inconséquences n'étoient que les travers de quelques hommes emportés, qui avoient perdu le pouvoir de s'arrêter à des principes invariables, en abju

rant

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rant l'autorité de l'Eglise. Dans le plan qu'avoit conçu Bossuet, à peine daigne-t-il faire remarquer ces contradictions personnelles, qui ne servent qu'à attester l'instabilité de caractère et d'esprit de ces hommes si vantés dans leur parti.

Mais le véritable objet de Bossuet étoit de montrer par des actes authentiques, que les Eglises protestantes tantôt amies et tantôt ennemies, embarrassées de s'expliquer elles - mêmes sur ce qu'elles croyoient, ou sur ce qu'elles ne croyoient pas, avoient abrogé dans le court espace de quelques années leurs premiers symboles de doctrine, et avoient successivement adopté les professions de foi les plus opposées, en produisant les unes et les autres comme la pure et fidèle interprétation de la parole de Dieu.

III. Confession d'Ausbourg.

des luthé

A la tête de ces symboles, Bossuet place la célèbre confession de foi présentée à Charles-Quint en 1530. à la diète d'Ausbourg, en 1530, la première de Variations toutes dans l'ordre des temps, celle qui sert en- riens. core de règle de foi à une grande partie de l'Allemagne et aux royaumes du nord, et qu'affectent de respecter ceux même qui la rejettent. «* Elle » fut rédigée par Mélanchton, le plus éloquent » et le plus poli, aussi bien que le plus modéré » de tous les disciples de Luther. »

Bossuet fait remarquer comme une singularité
BOSSUET. Tome III.

* Ibid.

vraiment extraordinaire, qu'il existe quatre éditions de la Confession d'Ausbourg, toutes les quatre imprimées du vivant de Luther et de Mélanchton, toutes les quatre déclarées authentiques, et qui toutes les quatre se contredisent sur des articles essentiels, sans qu'on ait jamais pu savoir, sans qu'on sache encore quelle est celle qui fut véritablement présentée à Charles-Quint.

Tandis que Luther et Mélanchton présentoient une profession de foi à la diète d'Ausbourg, Zuingle en adressoit une autre à la même diète, où il établissoit une doctrine absolument opposée à celle des luthériens et Bucer de son côté en présentoit une troisième au nom de la ville de Strasbourg, et des trois autres villes d'Allemagne, qui ne s'accordoit ni avec la doctrine de Luther, ni avec celle de Zuingle.

:

On conçoit facilement qu'indépendamment de toute autre considération, tant de contradictions entre des hommes qui établissoient en principe que l'Ecriture sainte suffisoit seule pour régler la foi commune, devoient peu disposer CharlesQuint à favoriser un parti dont les chefs n'entendoient pas plus ce qu'ils devoient croire,et ce qu'on devoit croire, qu'ils ne s'entendoient entr'eux.

La confession d'Ausbourg s'accordoit en plusieurs points avec la doctrine de l'Eglise romaine;

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