Imágenes de página
PDF
ePub

» aux pieds de mes saints prédécesseurs en travail» lant au salut du troupeau qui m'est confié ».

Très-peu de jours après la nomination de M. de Noailles à l'archevêché de Paris, Louis XIV, par un brevet du 28 août 1695, nomma Bossuet à la place de supérieur du collége et de la maison de Navarre, que la mort de M. de Harlay venoit également de laisser vacante. Les docteurs de la maison de Navarre avoient déjà exprimé le désir de voir Bossuet à leur tête à l'époque de la mort de M. de Lamothe-Houdancour (1), archevêque d'Ausch, et supérieur de Navarre; mais le crédit et l'amitié de Colbert firent donner la préférence à M. de Harlay.

X.

Imprudences de M.me

Ce fut précisément dans ces circonstances, que M.me Guyon, qui avoit déjà contribué à ré- Guyon. pandre de l'amertume sur l'existence jusqu'alors si douce et si heureuse de Fénélon, acheva, par son indiscrétion, de l'entraîner avec elle dans un 'abîme de malheurs.

A peine cette femme inconsidérée fut-elle sortie du couvent de Meaux, qu'au lieu de se retirer à la campagne, comme elle en avoit pris l'engagement avec Bossuet, elle vint se cacher

(1) Henri de Lamothe-Houdancour, d'abord évêque de Rhodez, et ensuite archevêque d'Ausch en 1662, grand aumônier de la reine Anne d'Autriche, mourut en 1684.

mystérieusement dans un faubourg de Paris, et affecta de répandre des copies du certificat de Bossuet, comme la preuve la moins équivoque de la pureté de sa doctrine et de sa conduite.

Un certificat suppose à la vérité le droit d'en faire usage. Ainsi M.me Guyon pouvoit se parer de ce témoignage honorable, pour repousser les accusations personnelles qu'on auroit portées contre elle. Mais le certificat de Bossuet se bornoit à excuser ses intentions, et confirmoit les censures qu'il avoit déjà portées contre ses écrits, Présenter un pareil acte comme un témoignage de l'approbation que Bossuet accordoit à sa doctrine, c'étoit l'obliger à s'en déclarer encore plus hautement l'adversaire.

Bossuet fut vivement affecté de cette espèce de duplicité d'une femme qui se donnoit pour l'apôtre et le modèle de la simplicité chrétienne, et qui se disoit résignée à toutes les humiliations et à toutes les injustices des hommes.

Telle est la véritable époque où Bossuet, qui lui avoit montré jusqu'alors les plus grands égards en considération des amis respectablesqu'elle avoit su se faire à la Cour, se déclara ouvertement contre elle.

M.me Guyon échappa long-temps aux recherches qu'on faisoit de sa personne; elle fut enfin

arrêtée vers la fin de décembre 1695. L'approbation éclatante que Bossuet donna à cet acte d'autorité, autorise à croire qu'il l'avoit lui-même provoqué (1). Ce coup fut le plus sensible de tous pour Fénélon, qui avoit la plus haute opinion de la vertu et de la piété de M.me Guyon, et acheva de rompre les liens qui l'unissoient encore à Bossuet.

Mais ce qui établit entr'eux cette opposition constante, dont les suites furent si déplorables, fut la résolution annoncée par Fénélon de refuser son approbation à l'ouvrage de Bossuet sur les Etats d'oraison.

Nous avons rapporté dans l'histoire de Fénélon le mémoire qu'il présenta à M.me de Maintenon pour justifier son refus. Ce mémoire, qu'il avoit soumis à l'examen et à l'approbation du cardinal de Noailles, de l'évêque de Chartres, de M. Tronson, des ducs de Chevreuse et de Beauvillier, offroit en effet des considérations si plausibles, que M.me de Maintenon parut elle-même persuadée que Fénélon pouvoit se dispenser de donner son approbation au livre de Bossuet. On peut croire que si cette approbation étoit de convenance, elle n'étoit pas d'une nécessité absolue.

[ocr errors]

(1) Voyez la lettre de M.me de Maintenon au cardinal de Noailles.

XI.

Fénélon re

fuse d'approuver le livre de Bos

suet.

On verra bientôt le cardinal de Noailles luimême proposer à Bossuet de renoncer à publier son livre des Etats d'oraison.

Cependant un grand nombre de personnes blâmèrent le refus de Fénélon, et les suites malheureuses qui en résultèrent, peuvent faire regretter qu'il n'ait pas montré en cette occasion un peu plus de condescendance.

Fénélon, disoit-on, savoit que le cardinal de Noailles et l'évêque de Chartres devoient donner leur approbation à cet ouvrage. Il ne pouvoit certainement douter qu'un ouvrage qui avoit coûté dix-huit mois de travail à Bossuet, ne fût digne de ce grand homme, et ne dût mériter l'estime et l'adhésion de ses collègues dans l'épiscopat. Le parfait concert que son approbation auroit annoncé entre les quatre prélats qui étoient alors les plus remarqués dans l'Eglise de France, auroit mis le dernier sceau à l'heureux dénouement des conférences d'Issy.

Fénélon prétendoit justifier son refus sur ce qu'en parcourant rapidement le manuscrit de Bossuet, il avoit reconnu que plusieurs maximes de M.me Guyon, dont les écrits se trouvoient cités à la marge, y étoient qualifiés avec une extrême rigueur, et que l'estime et l'amitié dont il faisoit profession pour elle, ne lui permettoient

pas de souscrire lui-même à sa condamnation. Mais un pareil motif paroissoit à Bossuet peu digne d'un évêque tel que Fénélon. Les considérations personnelles d'estime et d'amitié devoient, selon lui,s'évanouir en présence des intérêts plus pressans de la religion. D'ailleurs Bossuet avoit eu la délicatesse et l'attention de ne pas nommer M.me Guyon. Il s'étoit borné à citer les propositions extraites de ses écrits, et Fénélon convenoit lui-même et déclara hautement dans la suite que plusieurs maximes de M.me Guyon étoient censurables. Il ne s'attachoit qu'à excuser ses intentions, et rien dans l'ouvrage de Bossuet n'accusoit les intentions de M.me Guyon.

On ne peut se faire une idée de l'étonnement, et il faut le dire, de l'espèce d'irritation que ce refus causa à Bossuet, qu'en rapportant ses propres expressions: «< TOUT LE MONDE VA DONC VOIR QUE » M. DE CAMBRAI EST LE PROTECTEUR DE M." GUYON. » CE SOUPÇON, QUI LE DÉSHONOROIT DANS LE PUBLIC, » VA DONC DEVENIR UNE CERTITUDE. QUEL SCANDALE! » QUELLE FLÉTRISSURE! »

Il est donc à présumer que si Fénélon eût donné ce témoignage de déférence à Bossuet, ce prélat en eût été aussi touché que flatté. M.me de la Maison-Fort, amie de Fénélon, écrivoit à Fénélon lui-même peu de temps après la mort de

« AnteriorContinuar »