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répandre un nouveau jour sur la nature d'une controverse qui a excité de si violens débats entre deux grands hommes.

On a également le droit d'attendre de lui une disposition sincère à rétracter les erreurs ou les méprises, dont il auroit pu involontairement se rendre coupable.

Nous pouvons protester avec vérité, que que telle est la disposition que nous avons apportée en entrant dans le récit de cette époque de la vie de Bossuet.

Nous l'avouons ici avec franchise. Entraînés par notre tendre vénération pour l'un des plus beaux caractères qui aient honoré l'humanité, peut-être nous ne nous sommes pas assez pénétrés, en écrivant l'Histoire de Fénélon, des graves considérations qui imposoient à Bossuet le devoir d'attacher tant d'intérêt aux conséquences de la doctrine de l'archevêque de Cambrai.

On s'est trop accoutumé à regarder l'objet de cette controverse comme une question subtile, peu digne d'exercer le génie de ces deux grands hommes. Mais le point de vue sous lequel Bossuet l'a envisagée, découvre les justes motifs qui l'excitèrent à montrer tant de chaleur contre les maximes de son adversaire.

Que nous aurions été heureux, si nous avions

trouvé dans les nouvelles recherches auxquelles nous nous sommes livrés, quelques faits nouveaux et inconnus, propres à adoucir l'impression qu'a laissée dans tous les cœurs la correspondance de Bossuet et de son neveu.

Nous avons parcouru avec le sentiment le plus désintéressé et la sollicitude la plus minutieuse tous les papiers de Bossuet et de son secrétaire. Nous y avons inutilement cherché tout ce qui auroit pu nous accuser; nous avons au moins recueilli quelques circonstances favorables, dont nous avons été heureux de faire usage.

On peut nous en croire; rien n'auroit égalé la satisfaction que nous eussions éprouvée à laisser à Bossuet les honneurs d'une victoire exempte de toute espèce de nuage.

Nous sommes loin de nous étonner des regrets qu'a pu faire naître le récit de quelques circonstances affligeantes de cette controverse. Ces regrets sont un nouveau titre pour Bossuet; il semble que sa gloire appartienne à la religion elle-même; et Bossuet est si grand dans l'imagination, qu'on ne peut consentir à voir un tel homme se montrer homme une seule fois dans sa vie.

Mais quelle opinion faudroit-il donc avoir de ceux qui oseroient se faire un titre contre lui

VI. Réflexions

de l'excès de chaleur qu'il a pu montrer dans une cause où les maximes du christianisme pouvoient être essentiellement compromises, et qui oublieroient en un moment tant de services rendus à la religion, tant de vertus, tant de monumens qui honoreront à jamais son zèle et son génie.

Ce seroit se former une opinion bien chimérique d'un grand homme, que de le croire supérieur à toutes les foiblesses, dont nul homme n'a jamais été entièrement exempt.

On ne nous demandera pas sans doute de revenir sur l'origine et les progrès d'une controverse dont nous avons exposé avec étendue tous les détails dans l'Histoire de Fénélon. L'affaire du quiétisme a rempli, pour ainsi dire, la vie entière de Fénélon, en troublant son bonheur et sa tranquillité. Elle n'est qu'un épisode dans l'histoire de Bossuet, dont la longue carrière est marquée par tant de monumens qui ont immortalisé son nom.

On a paru quelquefois attacher assez peu d'imsur la nature portance à la controverse du quiétisme. On a de la contro- même aujourd'hui de la peine à concevoir que verse duquiédes hommes de génie, tels que Bossuet et Fénélon, que la Cour et le siècle de Louis XIV, ayent pu y apporter tant de chaleur et d'intérêt.

tisme.

Cette facile et dédaigneuse indifférence, ou si l'on veut, cette méprise involontaire, tient en grande partie à ce que les circonstances où naquit cette controverse, n'ont laissé que de foibles. traces dans la mémoire, et encore plus peut-être, à ce que l'on a négligé de se pénétrer des hautes considérations qui excitèrent l'inquiétude de Bossuet, et enflammèrent son zèle.

Lorsque le cardinal Carraccioli, archevêque de Naples, dénonçoit au pape * Innocent XI les nouveaux quiétistes qui étoient venus s'établir dans son diocèse, il avertissoit ce pontife « qu'ils » apprenoient à leurs disciples à négliger, sous » le prétexte d'une haute contemplation, tous les » actes et tous les exercices de piété prescrits, ou » recommandés par l'Eglise ; à mépriser l'usage » des prières vocales, et jusqu'au signe de la » croix; à repousser toutes les idées, toutes les » images qui les ramenoient à la pensée de Jésus>> CHRIST et à la méditation de sa passion et de sa » mort, parce qu'elles les éloignoient de Dieu ».

Il prévenoit enfin le pape « qu'un grand nombre » d'écrivains se préparoient en Italie à exercer » leur plume pour justifier et recommander ces » dangereuses opinions.

» Le monde, dit Bossuet en rapportant cette

* Par sa let

tre du 30 jan

vier 1682.

>> lettre du cardinal Carraccioli, le monde sembloit » vouloir enfanter quelqu'étrange nouveauté. »

On sait à quels honteux égaremens ces singulières opinions conduisirent Molinos et quelquesuns de ses disciples. On sait qu'elles contribuèrent à séduire des hommes de la plus éminente piété, et élevés aux plus hautes dignités de l'Eglise romaine; on vit des hommes vertueux de toutes les classes, et qui portoient dans un cœur pur le désir de la plus haute perfection, se laisser surprendre par une sorte de beau idéal, sans en apercevoir les conséquences effrayantes.

Ce grand scandale de l'Eglise étoit encore présent à tous les yeux et tous les entretiens, lorsque les ouvrages de M.me Guyon furent soumis à

l'examen de Bossuet.

Bossuet a dit dans un des écrits sortis de sa plume, qu'il y alloit de toute la religion. Certes, on ne peut soupçonner Bossuet d'avoir hasardé des expressions vides de sens dans des écrits publiés à la face de toute l'Europe, en présence de l'Eglise romaine et de l'Eglise gallicane. Lorsqu'un tel homme se sert d'une expression aussi forte dans une controverse avec un homme tel que Fénélon, on doit croire qu'il en a pesé toute la force.

Bossuet

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