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» septentrionale. Durant les conférences, qu'on >> faisoit à Ausbourg sur la religion, il se console de >> ce qu'on va si lentement, parce que les astrologues prédisent que les astres seront plus propices aux disputes ecclésiastiques vers l'au» tomne. Il s'étonne, né sur les côteaux approchans du Rhin, qu'on lui ait prédit un naufrage » sur la mer Baltique ; et appelé en Angleterre et » en Danemarck, il se donne bien de garde de naviguer sur cette mer. »

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Mais cette foiblesse d'imagination n'auroit pas altéré essentiellement le calme de la vie de Mélanchton, si des causes plus actives et plus réelles n'eussent pas tristement influé sur la destinée d'un homme qui étoit digne de trouver dans les charmes de l'esprit le plus cultivé et dans les vertueuses affections d'une ame aimante et sensible, toute la mesure de bonheur que la condition humaine peut comporter.

Personne n'étoit plus digne que Mélanchton d'honorer l'Eglise catholique par ses talens et son caractère. Il aimoit la religion et la vertu ; il cherchoit sincèrement la vérité; mais en la cherchant toute sa vie, il ne fit que flotter d'opinion en opinion; et il ne put jamais jouir de ce repos de l'esprit qu'il n'auroit pu trouver que dans la soumission à une autorité capable de fixer son imagina

tion inquiète et mobile. L'homme qui méritoit le plus l'affection et le bonheur, vécut et mourut le plus malheureux de tous les hommes. Ce fut dans le parti même dont il avoit fait la gloire et l'ornement qu'il trouva ses plus implacables ennemis. Il désiroit la mort, et il la reçut comme un bienfait du ciel; mais il n'eut pas même la consolation de déposer ses dernières pensées et ses derniers soupirs dans le sein de l'amitié. Il n'existoit plus lorsque le plus constant et le plus illustre de ses amis, le docte Camérarius (1), accourant au bruit de son danger, fut arrêté par la nouvelle de sa mort. Quelques heures avant de mourir, il écrivit sur un papier à deux colonnes, les motifs qui le portoient à envisager la mort avec une espèce de consolation; les principaux étoient, qu'il ne seroit plus exposé à la haine et à la fureur des théologiens de son parti; qu'il alloit voir Dieu, et qu'il puiseroit dans son sein la connoissance des mystères qu'il n'avoit vus dans cette vie qu'à travers un voile. Mélanchton mourut en 1560.

(1) Le même Joachim Camérarius a écrit une vie de Mélanchton, qui fait aimer et chérir les qualités et les vertus morales de cet homme estimable. Camérarius n'a pas osé rapporter toutes les circonstances de sa mort; la faction luthérienne qui lui étoit opposée, dominoit alors en quelques parties de l'Allemagne ; mais il les fait assez entendre.

X.

Bossuet a donné une Défense de son histoire

Défense de

variations.

1691.

des variations: et quoiqu'elle n'ait paru qu'en l'Histoire des 1691, au moment où il venoit de publier son cinquième avertissement aux protestans, nous croyons que c'est ici le lieu d'en parler.

On n'aura pas de peine à comprendre, que l'histoire des variations dut faire une grande impression aussitôt qu'elle fut connue. Il étoit difficile de contester les faits dont Bossuet avoit exposé le récit. Ils étoient tous fondés sur des actes authentiques dont les protestans eux-mêmes avoient réuni les monumens et les preuves dans les archives publiques de leur histoire.

Il étoit sans doute possible de s'égarer, et d'égarer les lecteurs dans une suite de discussions subtiles sur les variations théologiques dont Bossuet avoit accusé les Eglises protestantes.

Quoique ces variations fussent sensibles et manifestes pour tous les hommes instruits et de bonne foi, on sait assez combien il est facile d'environner de nuages et d'équivoques ces sortes de questions, qui demandent des hommes exercés par leur état et par des études profondes dans la connoissance de ces matières.

Mais parmi les accusations que Bossuet avoit portées contre les premiers réformateurs, il en étoit deux qui étoient à la portée de toutes les

classes de lecteurs, et dont tous le poids retomboit sur le corps entier de la réforme, par les conséquences qui en résultoient contre les principes et les maximes qu'elle avoit professés.

Premièrement, Bossuet avoit établi en fait et constaté par les témoignages les plus irrécusables, que les protestans de France avoient pris les armes pour la défense de leur religion contre l'autorité légitime, en vertu des délibérations expresses et formelles de leurs synodes nationaux et sur l'avis de leurs théologiens. Il avoit opposé à cette conduite violente et si contraire à la tranquillité publique, la patience et la soumission inaltérable des premiers chrétiens et de l'Eglise entière pendant trois cents ans de persécutions.

La décision doctrinale de Luther, Mélanchton et Bucer pour permettre au landgrave de Hesse d'avoir deux femmes à la fois, étoit une seconde accusation d'une nature si grave et si opposée à la morale du christianisme, qu'elle laissoit une flétrissure éternelle sur la mémoire de ces célèbres réformateurs, qui s'étoient donnés au monde comme suscités de Dieu, pour rendre à l'Eglise de Jésus-Christ la pureté et la sainteté des premiers jours.

Burnet, qui étoit blessé au vif de la manière dont Bossuet avoit relevé dans l'Histoire des va

* Défense de l'Histoire

riations toutes les erreurs de son roman de la réformation de l'Eglise anglicane, avoit publié un petit écrit de trente-six pages; mais il y avoit plutôt cherché à attaquer Bossuet, qu'à se défendre lui-même. «* Car, dit Bossuet, Burnet lui » passoit tous les faits qu'il avoit rapportés sur des varia» sa réforme anglicane, et sur son Cranmer, >> aussi bien que sur ses autres héros, sans en con» trarier aucun ; et comment auroit-il pu les con » tredire, puisque je les ai pris de lui-même? »

D'ailleurs dans cet écrit si court Burnet montroit une si grande ignorance du droit public français, qu'il ne fit que s'attirer une leçon sévère de Bossuet, qui l'invita à s'instruire avec un peu plus de soin des matières qu'il vouloit traiter, avant d'en parler au public.

Jurieu n'auroit pas mieux demandé que de s'établir le vengeur des Eglises protestantes. Mais Jurieu étoit si décrié dans son parti même par ses extravagances et les inconséquences où l'entraînoit toujours le déréglement de son esprit ; « on étoit si las, comme dit Bossuet, * de M. Ju»rieu et de ses discours emportés, » qu'on crut devoir confier la défense commune à des mains plus habiles, et à un homme doué d'un jugement plus sage et plus réfléchi. Ce fut sur Jacques Basnage de Beauval, ministre à Roterdam, qu'on

tions.

* Ibid.

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