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* Histoire

des variations, liv.

VIII.

» une furie qui alloit de porte en porte animer » le monde contre lui ».

Ce fut à cette même conférence de Worms, que les luthériens offrirent aux catholiques le spectacle de leur acharnement et de leurs divisions. Là, on consacra avec une nouvelle énergie tous les excès de la doctrine de Luther en présence de Mélanchton lui-même, qui avoit cherché en vain à adoucir dans la confession d'Ausbourg et dans la confession saxonique, toutes les assertions dures et révoltantes de Luther sur le libre arbitre et sur la justification. Les luthériens ne s'accordèrent entr'eux à Worms, que sur un seul point, et ce fut pour décider, « que » les bonnes œuvres n'étoient pas nécessaires au » salut ».

En 1561, un an après la mort de Mélanchton, les docteurs luthériens s'assemblèrent à Naumbourg, ville de la Thuringe, pour choisir entre les éditions de la confession d'Ausbourg, celle qu'on réputeroit pour authentique.

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* C'étoit une chose assez surprenante, dit » Bossuet, qu'une confession de foi qui faisoit la règle des protestans d'Allemagne et de tout le nord, et qui avoit donné le nom à tout le parti, » éût été publiée en tant de manières et avec des » diversités si considérables à Wittemberg, et

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ailleurs, à la vue de Luther et de Mélanchton, >> sans qu'on se fût avisé de concilier ces variétés. » Enfin, en 1561, trente ans après cette confes»sion, pour mettre fin aux reproches qu'on fai>> soit aux protestans de n'avoir pas de confession >> fixe, ils s'assemblèrent à Naumbourg pour adop» ter une des quatre éditions. >>

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* Mais on n'en fut pas plus avancé. L'assemblée de Naumbourg, en adoptant une des quatre éditions, déclara expressément qu'elle n'entendoit pas improuver les autres, quoiqu'elles fussent en opposition avec celle qui avoit obtenu la préférence; et ce qu'il y a de plus singulier, c'est qu'on en est encore à savoir laquelle des quatre éditions fut adoptée à Naumbourg.

En 1579, en exécution des délibérations prises en 1576 et 1577 dans les assemblées de Torg et de Berg, parut le livre de la concorde. Les pièces dont ce livre est composé, sont de différens auteurs et de différentes dates. Les luthériens ont voulu y réunir tout ce qu'il y a parmi eux de plus authentique. On ne croit pas que depuis cette compilation, ils ayent produit, en corps de religion, aucune nouvelle décision de foi. Mais jusques dans cette compilation, la communion luthérienne se montre invariablement fidèle à son habitude de variation; et Bossuet démontre

* Ibid.

tes.

IV.

Variations

clairement que le livre de la concorde consacre le semi-pelagianisme en dépit de la doctrine atra

bilaire de Luther.

Si les luthériens n'ont cessé de varier dans des calvinis- leurs confessions de foi, les disciples de Calvin, quoiqu'un peu plus fermes dans leurs principes, ont souvent paru chancelans et indécis dans la manière de les exposer.

Calvin avoit commencé par la disposition de son caractère naturellement sombre et dur, à renforcer tout ce qu'il y avoit de plus dur dans la doctrine de Luther sur le libre arbitre et la justification. Il raisonnoit peut-être plus conséquemment que Luther; mais les conséquences qui résultoient de ses principes, étoient outrageantes pour la bonté et la justice de Dieu, décourageantes pour la foiblesse humaine, et propres à retenir les hommes dans le crime par la certitude de ne pouvoir jamais en sortir. Ces conséquences n'effrayoient point Calvin ; et il jouissoit avec une espèce de complaisance des jugemens impitoyables qu'il prononçoit contre la presqu'universalité du genre humain.

Mais sur l'article de l'eucharistie, il montra un peu plus de souplesse. Le grand nom de Luther lui en imposoit encore. Il ne vouloit pas d'abord proscrire ouvertement la présence réelle, pour

laquelle Luther combattit jusqu'au dernier soupir; et quoique zuinglien dans le cœur, il affecta un commencement de garder une espèce de neutralité entre Luther et Zuingle. Il accorda à Luther des expressions, qui supposoient clairement la présence réelle; et il détruisoit la signification naturelle de ces expressions par des commentaires qui réduisoient la présence réelle au sens figuré.

Fier de ses succès et de sa réputation naissante, il devint bientôt plus hardi. Il y avoit quinze ans que les disciples de Luther et de Zuingle disputoient sur la présence réelle, sans avoir jamais pu convenir d'un sentiment uniforme, malgré tous les expédiens que l'esprit versatile de Bucer avoit pu imaginer. L'étonnement fut géné ral, lorsqu'en 1540 on vit Calvin, encore assez jeune, décider qu'ils ne s'étoient point entendus, et que les chefs des deux partis avoient tort, Luther, pour avoir trop pressé la présence corporelle, et Zuingle, pour n'avoir pas assez exprimé que le corps et le sang étoient joints aux signes.

Il est difficile d'expliquer si Calvin s'entendoit bien lui-même, et comment deux propositions aussi directement contradictoires que la présence réelle et la présence figurée pouvoient

être toutes les deux fausses et toutes les deux

vraies.

Personne n'a employé des expressions plus fortes que Calvin pour établir la présence réelle : et personne n'a plus cherché à l'affoiblir par des paroles confuses et inintelligibles qui la détruisoient entièrement.

Malgré son caractère impérieux et absolu, Calvin porta si loin les ménagemens pour les luthériens, qu'il affecta long-temps d'approuver purement et simplement la confession d'Ausbourg, dont l'article X consacroit formellement la présence réelle. Il est vrai que ces ménagemens étoient commandés par des considérations politiques de la plus grande force. L'ombre de Luther, auteur de toute la réforme, régnoit encore en Allemagne; la crainte d'offenser l'Allemagne, où la seule confession d'Ausbourg étoit tolérée par les états de l'empire; l'autorité que cette confession conservoit hors même de l'Allemagne, déterminèrent Calvin et ses premiers disciples, à garder un respect apparent pour elle; mais il savoit se dédommager de ce respect forcé dans ses correspondances particulières, où il s'expliquoit librement à ses confidens et à ses amis.

Aussi les disciples de Calvin, embarrassés de

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