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à l'eau et à la terre, qui, par la grande affinité qu'ils ont avec les eaux, se délectent souvent dans cet élément, et, de cette manière, deviennent la proie d'autres habitans de l'eau, et leur fournissent une abondante nourriture. En effet, quels essaims prodigieux de petis animaux ne voit-on pas dans les eaux! Quelquefois ils sont en si grand nombre qu'ils en troublent même la couleur. Si nous accompagnons des yeux les alimens depuis qu'ils entrent dans la bouche jusqu'à ce qu'ils sortent du corps, nous rencontrerons par-tout une structure et une disposition d'organes où brillent un art exquis et une adresse inconcevable : tout est conforme au lieu où l'animal habite et à la nourriture qu'il y trouve.

Prenons pour seul exemple la diversité des dents; si les divers animaux aiment une nourriture différente, comme nous l'avons remarqué ci-dessus, l'on voit aussi constamment que les dents sont toujours proportionnées à cette nourriture: celles des bêtes rapaces sont propres à saisir à empoigner et à déchirer leur proie: dans ceux qui mangent de l'herbe, elles sont construites de manière à pouvoir rassembler et briser les végétaux; ceux qui n'ont point de dents, comme les oiseaux, y suppléent par de petites pierres qu'ils avalent et qui affilent leur bec, par leur jabot et leur gosier dans l'ouvrage de la digestion. L'exemple le plus remarquable sur ce sujet, est celui de quelque genre d'insectes, comme des papillons; tant qu'ils ne sont que dans leur état de nymphes ou de chenilles, et qu'ils ne font que ramper, ils ont des dents dévorantes, et se nourrissent de quelques tendres plantes dès qu'ils deviennent papillons, ils n'ont plus de dents, mais seulement une espèce de trompe pour sucer le miel des fleurs. Ainsi les parties qui servent à leur nourriture, changent avec la nourriture même qu'ils vont chercher ailleurs aussitôt que leurs ailes leur permettent de voler. Il y a aussi bien des choses remarquables dans les dents des poissons : dans quelques-uns, elles sont aiguës et emboîtées de telle sorte qu'elles sont penchées en arrière : par là, les dents saisissent et tiennent plus fermement leur proie, et facilitent le passage vers l'estomac; en d'autres, elles sont larges et plates, étant faites ainsi pour rompre les écailles

des serpens ou des poissons dont ils se nourrissent. Quelques-uns ont des sortes de dents placées dans la bouche, d'autres au gosier; les écrevisses de mer et autres les ont dans l'estomac même: on trouve trois de ces dents molaires au fond de leur estomac, accompagnées de muscles qui servent à les mouvoir.

Ce dernier article est un des plus curieux et des plus importans; peut-être à la vérité ne trouvera-t-on rien à cet égard de fort étonnant ni de remarquable dans l'homme, parce qu'il se sert de son entendement et de sa raison, et qu'il a un empire souverain sur toutes les créatures; ce qui lui suffit dans toutes les circonstances où il peut se trouver à l'égard de sa nourriture. Mais, ici même, le créateur a donné des marques de sa sagesse, en ne faisant rien d'inutile; il n'a point pourvu l'homme d'un attirail d'organes pour effectuer ce qu'il pouvoit se procurer par la faculté de son entendement, et par le pouvoir de son autorité sur les bêtes. Pour les créatures inférieures, privées de raison, le créateur les a amplement dédommagées de ce défaut par la force de l'instinct ou de la sagacité naturelle qu'il leur a imprimée. Il s'ouvre ici un vaste champ pour admirer la sagesse, la puissance, le soin et la prévoyance de Dieu: c'est ce qu'on reconnoîtra d'abord si l'on fait attention aux divers instincts du gros et du menu bétail, des oiseaux, des insectes et des reptiles; car, dans chaque espèce d'animaux, on découvre des actions très-remarquables que leur sagacité naturelle ou leur instinct leur fait faire, et qui se rapportent aux diverses circonstances de leur nourriture et de leur conservation. Dans les animaux même qui trouvent facilement et proche d'eux leur nourriture comme sont ceux qui mangent de l'herbe ou des plantes, et qui par conséquent n'ont pas besoin de beaucoup d'industrie pour la découvrir cette finesse dans le goût et dans l'odorat, qui leur fait distinguer si promptement et en toute rencontre ce qui est salutaire de ce qui leur seroit pernicieux; cette finesse, dis-je, ne laisse pas de fournir un sujet d'admiration. Mais, dans ceux dont la nourriture est plus cachée et plus difficile à trouver on découvre un instinct merveilleux, et qui se diversifie en

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mille manières. Avec quelle sagacité quelques animaux ne vont-ils pas à la poursuite de leur proie! d'autres ne la guètent-ils pas en lui dressant des embûches? Avec quelle industrie les uns ne vont-ils pas la chercher au fond des eaux, dans les marécages, dans la boue et dans les vilenies! les autres ne remuent-ils point la terre à la superficie, et même ne fouillent-ils pas jusque dans ses entrailles? Quelle structure, quel dessein ne découvre-t-on pas dans les gros nerfs destinés, particulièrement dans ces créatures, à cette fonction! Quelle admirable faculté que celle d'un grand nombre d'animaux, par laquelle ils découvrent leur proie à de grandes distances! les uns, par la finesse de l'odorat, la sentent à plusieurs milles d'eux; les autres, par la subtilité de la vue, l'aperçoivent dans l'air ou ailleurs, quoiqu'encore très-éloignés. Les animaux rapaces, comme les loups, les renards, etc., découvrent leur proie à une grande distance; les chiens et les corbeaux sentent les charognes de fort loin par la finesse de l'odorat; et, s'il est vrai, comme quelques personnes superstitieuses se l'imaginent, que les corbeaux, en volant par dessus les maisons, ou en les fréquentant, présagent la mort de quelqu'un, ce sera sans doute par une odeur cadavéreuse qu'ils sentent dans l'air, à l'aide de leur odorat subtil, laquelle est exhalée des corps malades qui ont au dedans d'eux les principes d'une mort prochaine. Les faucons et les milans, qui épient leur proie sur terre, les mouettes et les autres oiseaux, qui la découvrent dans l'eau, aperçoivent, à un grand éloignement et pendant qu'ils volent, les souris, les petits oiseaux et les insectes qui sont sur terre, de même que les petits poissons, comme les chevrettes, sur lesquels. ils s'élancent, et qu'ils attrapent dans l'eau. Quel appareil commode l'ouvrier de la nature n'a-t-il pas encore donné aux animaux qui sont obligés de grimper pour atteindre à leur nourriture! non seulement on voit en eux une structure singulière dans les pieds et dans les jambes, une force extraordinaire dans les muscles et les tendons, qui ont le plus de part à cette action, mais aussi une mécanique particulière dans les principales parties qui agissent dans le temps même qu'ils courent après la nourriture.

Quelle provision d'organes que celle des oiseaux et des bêtes nocturnes ! ils ont la structure des yeux tout-à-fait singulière, et peut-être aussi un odorat extrêmement fin, qui les mettent en état de discerner leur nourriture dans l'obscurité.

Quand on considère avec un peu de réflexion d'aussi grandes merveilles, peut-on s'empêcher d'admirer et de rendre hommage à l'auteur de la nature ? Et comment peut-on concevoir qu'il se trouve encore des créatures assez malheureuses, si effectivement il en existe, pour douter de la divine providence ?

(M. FORMEY.)

C'EST, en matière de gouvernement, tout changement,

innovation, réforme bonne ou mauvaise, avantageuse ou nuisible car voilà le caractère d'après lequel on doit adopter ou rejeter, dans un gouvernement, les nouveautés qu'on y veut introduire.

Le temps, dit Bacon, est le grand innovateur; mais, si le temps, par sa course, emporte toute chose, et que la sagesse et l'expérience de ceux qui gouvernént n'apportent pas les remèdes convenables, quel fin le mal aura-t-il ? Cependant ce qui est établi par coutume, sans être trop bon, peut quelquefois convenir, parce que les choses qui ont marché long-temps ensemble ont contracté, pour ainsi dire, une alliance avec le temps; au lieu que les пои

veautés, quoique bonnes et utiles, ont souvent de la peine à s'établir: elles ressemblent aux étrangers qui sont plus admirés et moins aimés. D'un autre côté, puisque le temps lui-même marche toujours, son instabilité fait qu'une coutume fixe peut ne plus convenir, et causer autant de trouble que feroit une nouveauté. Que faire donc? Admettre les choses nouvelles, et qui sont convenables, peu à peu et, pour ainsi dire, insensiblement : sans cela, tout ce qui est nouveau peut surprendre et bouleverser. Celui qui gagne au changement remercie la fortune et le temps; mais celui qui perd s'en prend à l'auteur de la nouveauté. Il est bon de ne pas faire de nouvelles expériences pour raccommoder un état, sans une extrême nécessité et un un avantage visible. Enfin il faut que ce soit le desir éclairé de réformer qui attire le changement, et non pas le desir aveugle du changement qui attire la réforme.

(M. de JAUCOURT.)

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