Imágenes de página
PDF
ePub

après la mort de son mari, rentre dans son droit de noblesse.

19o Les nobles, comme les roturiers, ne peuvent présentement chasser que sur les terres dont ils ont la seigneurie directe ou la haute-justice; tout ce que les nobles ont de plus, à cet égard, que les roturiers, c'est que l'ordonnance des eaux et forêts permet aux nobles de chasser sur les étangs, marne et rivières du roi : en Dauphiné, les nobles, par un droit particulier à cette province, ont le droit de chasser, tant sur leurs terres que sur celles de leurs voisins.

20° Les nobles peuvent assigner leurs débiteurs nobles au tribunal du point d'honneur, qui se tient chez le doyen des maréchaux de France.

21° Ils peuvent porter leurs causes directement aux baillis et sénéchaux, au préjudice des premiers juges royaux; leurs veuves jouissent du même privilége; mais les nobles et leurs veuves sont sujets à la juridiction des seigneurs.

22o Ils ne sont sujets, en aucun cas, ni pour quelque crime que ce puisse être, à la juridiction des prévôts des maréchaux, ni des juges présidiaux en dernier ressort.

23° En matière criminelle, lorsque leur procès est pendant à la Tournelle, ils peuvent demander, en tout état de cause, d'être jugés, la grand'chambre assemblée, pourvu que les opinions ne soient pas commencées.

Au reste, nous ne prétendons pas que les priviléges des nobles soient limités à ce qui vient d'être dit; il peut y en avoir encore d'autres qui nous soient échappés ; nous donnons seulement ceux-ci comme les plus ordinaires et les plus connus.

La noblesse se perd par des actes de dérogeance; savoir, par le commerce, l'exercice des arts mécaniques, l'exploitation des fermes d'autrui, l'exercice de certaines charges viles et abjectes, comme de sergent, etc. Mais le commerce maritime ni le cominerce en gros ne dérogent pas.

Lorsque le père et l'aïeul, ou tous les deux, ont dérogé à la noblesse, les enfans ou les petits-enfans doivent

obtenir des lettres de réhabilitation qui les remettent dans le même état que s'il n'y avoit point eu de dérogeance. Mais s'il y avoit plus de deux ancêtres qui eussent dérogé, il faudroit de nouvelles lettres de noblesse.

Le crime de lèse-majesté fait aussi perdre la noblesse à l'accusé et à ses descendans ; à l'égard des autres crimes, quoique suivis de condamnations infamantes, ils ne font perdre la noblesse qu'à l'accusé et non pas à ses enfans.

[merged small][ocr errors]
[ocr errors]

L y a trois mille ans qu'Homère a défini mieux que personne la noblesse politique, son objet, ses titres, sa fin, lorsque, dans l'Iliade, Sarpédon dit à Glaucus: « Ami, » pourquoi sommes-nous révérés comme des dieux dans » la Lycie? pourquoi possédons-nous les plus fertiles >> terres et recevons-nous les premiers honneurs dans les » festins? C'est pour braver les plus grands périls, et » pour occuper au Champ-de-Mars les premières places; >> c'est pour faire dire à nos soldats: De tels princes sont >> dignes de commander à la Lycie. »

C'est d'après cette idée d'élévation dans les sentimens, et d'après les habitudes qu'elle suppose, que s'est formée l'idée de noblesse dans le langage. Des ames, sans cesse nourries de gloire et de vertu, doivent naturellement avoir une façon de s'exprimer analogue à l'élévation de leurs. pensées. Les objets vils et populaires ne leur sont pas assez familiers pour que les termes qui les représentent soient de la langue qu'ils ont apprise. Ou ces objets ne leur viennent pas dans l'esprit, ou, si quelques circonstances leur en présentent l'idée et les obligent à l'exprimer, le mot propre qui les désigne est censé leur être inconnu, et c'est par un mot de leur langue habituelle qu'ils y suppléent. Voilà le caractère primitif du langage et du style noble on sent bien qu'il a dû varier dans ses degrés et dans ses nuances, selon les temps, les lieux, les mœurs et les usages; qu'il a dû même recevoir et rejeter tour-à-tour les mêmes idées et leurs signes propres, selon que la même chose a été avilie ou ennoblie par l'opinion; mais c'est toujours le même rapport de convenance des mœurs avec le langage, qui a décidé de la noblesse ou de la bassesse de l'expression.

:

Qu'elle est donc la marque infaillible pour savoir si, dans les anciens, un tour, une image, une comparaison, un mot, est noble ou ne l'est pas ?

Il n'y a guère d'autre règle de critique à leur égard, que leur exemple et leur témoignage.

Il en est à peu près des étrangers comme des anciens :

c'est aux Anglais, dit-on, qu'il faut demander ce qui est trivial et bas, et ce qui est noble dans leur langue : l'opinion et les mœurs en décident; et c'est sur-tout en fait de langage qu'on peut dire:

Quand tout le monde a tort, tout le monde a raison.

et

Il n'en est pas moins vrai qu'il y a dans la nature une infinité d'objets d'un caractère si marqué, ou de grandeur ou de bassesse, que l'expression propre en est essentiellement noble ou basse chez toutes les nations cultivées, qui ne peuvent être avilis ou relevés que par une sorte d'alliance que l'expression métaphorique fait contracter à l'idée, ou par l'espèce de diversion que le mot vague ou détourné fait à l'imagination.

A notre égard et dans notre langue, le seul moyen de se former une idée juste du langage noble, c'est, quant au familier, de fréquenter le monde cultivé et poli; et, quant au style plus élevé, de se nourrir de la lecture des écri vains qui ont excellé dans l'éloquence et dans la haute poésie.

Du temps de Montagne et d'Amiot, les Français n'avoient pas encore l'idée du style noble. Comparez ces vers de Racine :

Mais quelque noble orgueil qu'inspire un sang si beau,
Le crime d'une mère est un pesant fardeau.

avec ceux-ci d'Amiot:

Qui sent son père ou sa mère coupable
De quelque tort ou faute réprochable,
Cela de cœur bas et lâche le rend,
Combien qu'il l'eût de sa nature grand.

Et ces vers d'un vieux poète appelé la Grange :

Ceux vraiment sont heureux

Qui n'ont pas le moyen d'être fort malheureux,
Et dont la qualité pour être humble et commune,
Ne peut pas illustrer la rigueur de fortune.

avec ceux que Racine a mis dans la bouche d'Agamemnon:

Heureux qui, satisfait de son humble fortune,
Libre du joug superbe où je suis attaché,

Vit dans l'état obscur où les dieux l'ont caché!

Ce n'a été que depuis Malherbe, Balzac et Corneille, que la différence du style noble et du familier populaire s'est fait sentir; mais, de leur temps même, le style noble étoit trop guindé, et ne se rapprochoit pas assez du familier décent qui lui donne du naturel. Corneille sentoit bien la nécessité d'être simple dans les choses simples; mais alors il descendoit trop bas, comme il s'élevoit quelquefois trop haut, quand il vouloit être sublime. Racine a mieux connu les limites du style héroïque et du familier noble; et, par la facilité des passages qu'il a su se ménager de l'un à l'autre, par le mélange harmonieux qu'il a fait de ces deux nuances, il a fixé pour jamais l'idée de l'élégance

et de la noblesse du style.

C'est le plus grand service que le goût ait jamais pu rendre au génie; car, tant qu'une langue est vivante, et que l'idée de décence et de noblesse dans l'expression est variable d'un siècle à l'autre, il n'y a plus de beauté durable; tout périt successivement. Voyez, dans l'espace d'un demi-siècle, combien le style de la tragédie avoit changé et comparez aux vers de l'Andromaque de Racine, ces vers de l'Andromaque de Jean Heudon en 1598

O trois et quatre fois plus que très-fortunée
Celle qui au pays sa misère a bornée,

Sur la tombe ennemie ayant souffert la mort,
Et qui n'a comme nous été lottie au sort,
Pour entrer peu après captive dans la couche
D'un superbe vainqueur et seigneur trop farouche,
Et lequel pour une autre, étant saoulé de nous,
Serve, nous a baillée à un esclave époux!

pour

Que manque-t-il à cela être touchant? Une expression élégante et noble. C'est encore pis si l'on compare à

« AnteriorContinuar »