Imágenes de página
PDF
ePub

bâtards des princes sont gentilshommes; mais ceux des gentilshommes sont roturiers, à moins qu'ils ne soient légitimés par mariage subséquent.

La noblesse se perd par des actes de dérogeance; jamais, en Bretagne, la noblesse ne se perd par un commerce dérogeant, quand même il seroit continué pendant plusieurs générations; il n'empêcheroit pas même le partage noble des immeubles venus de succession pendant le commerce; il suspend seulement, pendant sa durée, l'exercice des priviléges de la noblesse; et il opère le partage égal des biens acquis pendant le commerce.

Les nobles sont distingués des roturiers par divers priviléges. Ils en avoient autrefois plusieurs dont ils ne jouissent plus à cause des changemens qui sont survenus dans nos mœurs : il est bon néanmoins de les connoître pour l'intelligence des anciens titres et des auteurs.

ANCIENS PRIVILEGES DES NOBLES.

La noblesse étoit autrefois le premier ordre de l'état; présentement le clergé est le premier, la noblesse le second. Les nobles portoient tous les armes et ne servoient qu'à cheval; eux seuls, par cette raison, pouvoient porter des éperons; les chevaliers en avoient d'or, les écuyers d'argent; les roturiers servoient à pied: c'est de là qu'on disoit : Vilain ne sait ce que valent éperons.

Les anciennes ordonnances disent que les nobles, étant prisonniers de guerre, doivent avoir double portion. Le vilain ou roturier étoit semond pour la guerre ou pour les plaids, du matin au soir ou du soir au matin; pour semondre un noble, il falloit quinzaine. Dans l'origine des fiefs, les nobles étoient seuls capables d'en posséder. La chasse n'étoit permise qu'aux nobles. La femme noble, dès qu'elle avoit un hoir mâle, cessoit d'être propriétaire de sa terre; elle n'en jouissoit plus que comme usufruitière, bailliste, ou gardienne de son fils; en sorte qu'elle ne pouvoit plus la vendre, l'engager, la donner, ni la diminuer à son préjudice, par quelque contrat que ce fût; elle pouvoit seulement en léguer une partie au dessous du quint pour son anniversaire; au lieu que le père noble,

soit

soit qu'il eût enfans ou non, pouvoit disposer comme il vouloit du tiers de sa terre.

Le noble, en mariant son fils, ou en le faisant recevoir chevalier, devoit lui donner le tiers de sa terre, et le tiers de la terre de sa mère, si elle en avoit une.

Quand on demandoit à un noble, qui n'étoit pas encore chevalier, une partie de son héritage, il obtenoit, en le demandant, un répit d'un an et jour.

Du temps que les duels étoient permis, les nobles se battoient en duel, à cheval, entre eux, et contre un roturier, lorsqu'ils étoient défendeurs; mais lorsqu'un noble appeloit un roturier en duel pour crime, il devoit se battre à pied.

Lorsque le seigneur, pour quelque méfait d'un noblé son vassal, confisquoit ses meubles, le noble qui portoit les armes avoit droit de garder son palefroi ou cheval de service, le roussin de son écuyer, deux selles, un sommier ou cheval de somme, son lit, sa robe de parure, une boucle de ceinture, un anneau, le lit de sa femme, une de ses robes, son anneau, une ceinture et la boucle, une bourse, ses guimpes ou linges qui servoient à lui couvrir la tête.

La femme noble qui marioit sa fille sans le conseil du seigneur, perdoit ses meubles; mais on lui laissoit une robe de tous les jours, et ses joyaux à l'avenant, si elle en avoit; son lit, sa charette, deux roussins et son palefroi, si elle en avoit un.

Le mineur noble ne défendoit pas en action réelle avant qu'il eût atteint l'âge de majorité féodale, si son père étoit mort saisi des biens que l'on répétoit.

Au commencement les nobles ne payoient point les aides qui s'imposoient pour la guerre, parce qu'ils contribuoient tous de leurs personnes. Dans la suite, lorsqu'on les obligea d'y contribuer, il,fut ordonné qu'on les croiroit, aussi bien que les gens d'église, sur la déclaration qu'ils feroient de leurs biens, sauf néanmoins aux élus à ordonner ce qu'ils jugeroient à propos s'il y avoit quelque soupçon de fraude.

Quelques nobles alloient jusqu'à prétendre qu'ils avoient droit d'arrêter la marée et autres provisions destinées pour Tome VIII.

D

Paris, qui passoient sur leurs terres, et de les payer ce qu'ils jugeroient à propos.

Il étoit défendu à toutes personnes de faire sortir de la vaisselle d'argent hors du royaume, excepté aux nobles qui en pouvoient faire sortir, mais néanmoins en petite quantité et pour l'usage de leur maison seulement.

Les plus notables d'entre les nobles devoient avoir un étalon ou patron des monnoies, afin que leurs poids et leur loi ne pussent être changés.

En fait de peines pécuniaires, les nobles étoient punis plus rigoureusement que les roturiers; mais, en fait de crime, c'étoit tout le contraire; le noble perdoit l'honneur et répons en cour, tandis que le vilain, qui n'avoit point d'honneur à perdre, étoit puni en son corps.

En Dauphiné on ne devoit point faire de saisie dans les maisons des nobles, lorsqu'ils avoient hors de leurs maisons des effets que l'on pouvoit saisir.

Les nobles avoient aussi un privilége singulier dans l'université d'Angers; les roturiers qui y étoient devoient payer vingt sous par an; au lieu que les docteurs - régens devoient, pour les nobles ou prélats, se contenter de ce que ceux-ci leur présenteroient volontairement; mais dans la suite les nobles furent taxés à quarante sous par an.

Les nobles demeurant dans le bourg de Carcassone, prétendoient n'être pas tenus de contribuer aux dépenses communes de ce bourg.

L'ordonnance de 1315, pour les nobles de Champagne, dit que nul noble ne sera mis en gehenne, c'est-à-dire à la question ou torture, si ce n'est pour cas dont la mort puisse s'ensuivre, et que les présomptions soient si grandes qu'il convienne le faire par droit et raison.

PRIVILEGES ACTUELS DES NOBLES.

Ils consistent, 1o à pouvoir prendre la qualité d'écuyer ou de chevalier, selon que leur noblesse est plus ou moins qualifiée, et à communiquer les mêmes qualités et priviléges qui y sont attachés à leurs femmes, quoique rotu-. rières, et à leurs enfans et autres descendans mâles et femelles.

. 2o A être admis dans le corps de la noblesse, assister aux assemblées de ce corps, et à pouvoir être député pour ce même corps.

3o Les nobles sont présentement le second ordre de l'état, c'est-à-dire que la noblesse a rang après le clergé, et avant le tiers-état, lequel est composé des roturiers. Les nobles ont le rang et la préséance dans toutes les assem-` blées, processions et cérémonies, à moins que les roturiers n'aient quelqu'autre qualité ou fonction qui leur donne la préséance sur ceux qui ne sont pas revêtus du même emploi, ou de quelque emploi supérieur.

4o Les nobles sont seuls capables d'être admis dans certains ordres réguliers, militaires et autres, et dans certains chapitres, bénéfices et offices, tant ecclésiastiques que séculiers, pour lesquels il faut faire preuve de noblesse; en cas de concurrence, ils doivent être préférés aux roturiers.

5o Ils ont aussi des priviléges dans les universités pour abréger le temps d'études et les degrés nécessaires pour obtenir des bénéfices en vertu de leurs grades.

[ocr errors]

Suivant la pragmatique, le concordat et l'ordonnance de Louis XII, article VIII, les bacheliers en droit canon, s'ils sont nobles ex utroque parente, et d'ancienne lignée, sont dispensés d'étudier pendant cinq ans; il suffit qu'ils aient trois ans d'étude; et les religieux même, quoique morts civilement, jouissent en ce cas de la prérogative de leur naissance, lossqu'ils sont nés de parens nobles.

La pragmatique règle aussi que, pour le tiers des prébendes des églises cathédrales on collégiales, réservées aux gradués, les personnes nobles de père et mère, ou d'ancienne famille, ne seront pas sujets aux mêmes règles que les roturiers; qu'il leur suffit d'avoir étudié six ans en théologie, ou trois ans en droit canon ou civil, ou cinq ans dans une université privilégiée, en faisant apparoir aux collateurs de leurs degrés et de leur noblesse par des preuves en bonne forme.

Le concile de Latran permet aussi aux nobles de dis tinction et aux gens de lettres, sublimibus et litteratis, de posséder plusieurs dignités ou personnats dans une même église, avec dispense du pape..

[ocr errors]
[ocr errors]

6° Ils sont aussi seuls capables de prendre le titre des fiefs, des dignités, tels que ceux de baron, marquis, comte, vicomte, duc.

[ocr errors]

par

7 Ils sont personnellement exempts de tailles et de toutes les impositions nécessaires que l'on met sur les roturiers, et peuvent faire valoir. leurs mains une f ferme de quatre charrues sans payer de taille. En Dauphiné, et dans quelques autres endroits, les nobles paient moins de dîmes que les roturiers, dij

8 Ils sont aussi exempts de bannalités, corvées et autres servitudes, lorsqu'elles sont personnelles et non réelles.

9° Ils sont naturellement seuls capables de posséder des fiefs, les roturiers ne pouvant en posséder que par dispense, en payant le droit des franc-fiefs, auquel les nobles ne sont point sujets.

10° Ils ont droit de porter l'épée, et ont seuls droit de porter des armoiries timbrées....

11° Ils ont la garde-noble de leurs enfans.

128 Dans certaines coutumes, leurs successions se partagent noblement, même pour les biens roturiers.

13 Quelques coutumes n'établissent le douaire légal qu'entre nobles; d'autres accordent entre nobles un douaire, plus fort qu'entre roturiers,

[ocr errors]

14 La plupart des coutumes accordent au survivant.de deux conjoints nobles un préciput légal, qui consiste en une certaine partie des meubles de la communauté.

15 Les pobles ne sont pas sujets à la milice, parce qu'ils sont obligés de marcher lorsque le roi convoque le ban et l'arrière-ban.

་་།་ ཉི་

16. Ils ne sont point sujets au logement des gens de guerre, sinon en cas de nécessité...

A

[ocr errors]

17 En c cas de délit, les nobles sont exempts d'être fustigés; on leur inflige d'autres peines moins ignominieuses; et, s'ils méritent la mort, on les condamne à être décolés à moins que ce ne soit pour trahison, larcin, parjure, ou pour avoir corrompu des témoins; car l'atrocité de ces délits leur fait perdre le privilége de noblesse.

18° La femme noble de son chef, qui épousé un roturier

[ocr errors]
[ocr errors][merged small][ocr errors]
« AnteriorContinuar »