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arrivé en France sous la troisième race, lorsque l'on a ennobli des roturiers, et qu'on les a admis à posséder des fiefs et certains offices qui, dans l'origine, étoient affectés aux nobles.

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Outre la noblesse de dignité, il y avoit chez les Romains une autre espèce de noblesse attachée à la naissance, que l'on appeloit ingénuité. On n'entendoit autre chose, par ce terme, que ce que nous appelons une bonne race une bonne famille. Il y avoit trois degrés d'ingénuité; le premier de ceux qu'on appeloit ingenus simplement, c'étoient ceux qui étoient nés de parens libres, et qui euxmêmes avoient toujours joui de la liberté. Le second degré d'ingénus étoit de ceux appelés gentiles, c'est-à-dire qui avoient gentem et familiam, qui étoient d'une ancienne famille. Le troisième degré d'ingénuité étoit composé des patriciens qui étoient descendus des deux cents premiers sénateurs institués par Romulus, et aussi, selon quelquesuns, des autres cent sénateurs qui furent ajoutés par Tarquin l'ancien.

De ces trois degrés d'ingénuité il n'y avoit d'abord que le dernier, savoir celui des patriciens, qui eût la noblesse proprement dite, qui étoit celle de dignité.

Mais, depuis que les plébéiens furent admis à la ma← gistrature, ceux qui y étoient élevés participèrent à la noblesse qui étoit attachée à cet emploi, avec cette difference qu'on les appeloit hommes nouveaux, novi homines, pour dire qu'ils étoient nouvellement ennoblis.

Ainsi la noblesse, plus ou moins ancienne, provenoit toujours des grands offices qui étoient conférés par tout le peuple assemblé, appelés magistratus curules, et magistratus populi romani, tels que la place d'édile, de questeur, de censeur, de consul, de dictateur.

Les sénateurs qui n'avoient point eu les grands offices ni leurs prédécesseurs n'étoient pas non plus, au commencement, réputés nobles; mais, depuis que les plé béiens furent admis aux grands offices, la noblesse fut donnée aux sénateurs.

La valeur militaire étoit fort estimée; mais elle n'attribuoit qu'une noblesse imparfaite, que l'on peut appeler considération plutôt qu'une noblesse proprement dite.

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Les chevaliers, romains n'étoient pas non plus réputés nobles, quoique l'on se fit honneur d'être issu ex equestri familia. Les, vrais nobles étoient donc, 1 les patriciens, c'est-à-dire ceux qui étoient descendus des trois cents pre→ miers sénateurs; 2o ceux qui étoient élevés aux grandes magistratures; 3° les sénateurs; 4° ceux dont le père et l'aïeul avoient été successivement sénateurs, ou avoient rempli quelqu'office encore plus élevé d'où est venue cette façon de parler, que la noblesse attachée à la plupart des offices ne se transmet aux descendans que patre et avo consulibus.

Mais la noblesse des sénateurs ne s'étendoit pas au-delà des petits-enfans, à moins que les enfans ou petits-enfans ne possédassent eux-mêmes quelque place qui leur communiquât la noblesse. Ces nobles avoient droit d'images, c'est-à-dire d'avoir leurs images et statues au lieu le plus apparent de leur maison: leur postérité les gardoit soigneusement: elles étoient ornées des attributs de leur magistrature, autour desquels leurs faits et gestes étoient décrits.

Au reste, la noblesse romaine ne faisoit pas, comme parmi nous, un ordre à part; ce n'étoit pas non plus un titre que l'on ajoutât à son nom, comme on met aujourd'hui les titres d'écuyer et de chevalier; c'étoit seulement une qualité honorable qui servoit à parvenir aux grandes charges.

Sous les empereurs, les choses changèrent de face: on ne connoissoit plus les anciennes familles patriciemes, qui étoient la plupart éteintes ou confondues avec des familles plébérennes; les grands offices, d'où procédoit la noblesse, furent la plupart supprimés; d'autres, conférés au gré des empereurs le droit d'images fut peu da? peu anéanti, et la noblesse qui procédoit des offices de la république fut tout-à-fait abolie. Les empereurs établirent de nouvelles dignités auxquelles elle fut attachée telles que celles de comte, de préfet, de proconsul, de consul, de patrice.

Les sénateurs de Rome conservèrent seuls un privilege; c'étoit que les enfans des sénateurs qui avoient eu la dignité d'illustres étoient sénateurs nés; ils avoient entrée et

ceux des

voix délibérative lorsqu'ils étoient en âge simples sénateurs y avoient entrée, mais non pas voix; de sorte qu'ils n'étoient pas vrais sénateurs, ils avoient seulement la dignité de clarissimes, et étoient exempts des charges et peines auxquelles les plébéiens étoient sujets. Les enfans des décurions et ceux des vieux gendarmes, appelés veterani, étoient aussi exempts des charges publiques, mais ils n'avoient pas la nobless?.

Au reste, la noblesse, chez les Romains, ne pouvoit appartenir qu'aux citoyens de Rome; les étrangers, même ceux qui habitoient d'autres villes sujètes aux Romains, et qui étoient nobles chez eux, étoient appelés domi nobiles, c'est-à-dire nobles chez eux; mais on ne les reconnoissoit pas pour nobles à Rome. L'infamie faisoit perdre la noblesse, quoiqu'elle ne fît pas perdre l'avantage de l'ingénuité et de la gentilité.

En France, la noblesse tire sa première origine des Gaulois, chez lesquels il y avoit l'ordre des chevaliers, distingué des druides et du commun du peuple. Les Romains, ayant fait la conquête des Gaules, y établirent peu à peu les règles de leur noblesse. Enfin, lorsque les Francs eurent à leur tour conquis les Gaules sur les Romains, cette nation victorieuse forma le principal corps de la noblesse en France.

On sait que les Francs venoient des Germains, chez lesquels la noblesse héréditaire étoit déjà établie, puisque Tacite, en son livre II des Mœurs des Germains, dit que l'on choisissoit les rois dans le corps de la noblesse. Ce terme ne signifioit pas la valeur militaire; car Tacite distingue clairement l'un et l'autre en disant: Reges ex nobilitate, duces ex virtute sumunt

Les nobles faisoient tous profession de porter les armes; ainsi l'on ne peut douter que les Francs, qui étoient un essaim de Germains, et qui aidèrent Clovis à faire la conquête des Gaules, étoient tous nobles d'une noblesse héréditaire, et que le surnom de Francs qu'on leur donna, parce qu'ils étoient libres et exempts de toutes impositions, désigne en même temps leur noblesse, puisque cette exemption, dont ils jouissoient, étoit fondée sur leur qualité de nobles.

Il y avoit donc, au commencement de la monarchie, trois sortes de nobles; les uns qui descendoient des chevaliers gaulois qui faisoient profession de porter les armes; d'autres qui venoient des magistrats romains, lesquels joignoient l'exercice des armes à l'administration de la justice et au gouvernement civil et des finances; et la troisième sorte de nobles étoit les Francs, qui, faisant tous profession. des armes, étoient exempts de toutes servitudes personnelles et impositions; ce qui les fit nommer Francs, à la différence du peuple, qui étoit presque tout serf; et cette franchise fut prise pour la noblesse même; de sorte que franc, libre ou noble, étoient ordinairement des termes synonymes.

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Dans la suite, les Francs, s'étant mêlés avec les Gaulois et les Romains, ne formèrent plus qu'une même nation; tous ceux qui faisoient profession des armes étoient réputés nobles également, de quelque nation qu'ils tirassent leur origine. Toute sorte de noblesse fut d'abord exprimée par la seule qualité d'écuyer, laquelle venoit des Romains: l'on appela gentilhomme celui qui étoit noble de race, et chevalier celui qui a été ennobli par l'accolade, ou qui est de race de chevalier. On distingua aussi les nobles en trois classes; savoir, les chevaliers bannerets, qui avoient droit de porter banière, et soudoyoient cinquante hommes d'armes : le bachelier étoit un chevalier qui, n'ayant pas assez de bien pour lever banière, servoit sous la banière d'autrui: l'écuyer portoit l'écu du chevalier. La haute noblesse fut elle-même divisée en trois classes dans la première, les princes; dans la seconde, les ducs, comtes, marquis et barons ; dans la troisième, les simples chevaliers.

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Il y avoit autrefois quatre voies différentes pour acquérir la noblesse la première étoit par la profession des armes; la seconde étoit par l'investiture d'un fief; la troisième étoit par l'exercice des grands offices de la couronne et de la la maison du roi, et des grands offices de judicature; la quatrième étoit, par des lettres d'ennoblissement.

Présentement la profession des armes n'ennoblit pas indistinctement tous ceux qui l'exercent; la noblesse militaire n'est acquise que par certains grades, et après un certain

temps de service. La possession de fiefs, même de dignités, n'ennoblit plus. Il y a cependant encore quatre sources différentes d'où l'on peut tirer la noblesse; savoir, de la naissance ou ancienne extraction; du service militaire, lorsqu'on est dans le cas de l'édit du mois de novembre 1750; de l'exercice de quelque office de judicature, ou autre qui attribue la noblesse; enfin par des lettres d'ennoblissement, moyennant finance, ou sans finance, considération du mérite de celui qui obtient les lettres.

en

Le roi a seul dans son royaume le pouvoir d'ennoblir. Néanmoins anciennement plusieurs ducs et comtes s'ingéroient de donner des lettres de noblesse dans leurs seigneuries; ce qui étoit une entreprise sur les droits de la souveraineté. Les régens du royaume en ont aussi donné : il y avoit même des gouverneurs et lieutenans-généraux de province qui en donnoient, et même quelques évêques ou archevêques. Enfin il n'y eut pas jusqu'à l'université de Toulouse qui en donnoit. François Ier, passant dans cette ville, accorda aux docteurs-régens de cette université le privilége de promouvoir à l'ordre de chevalerie ceux qui auroient accompli le temps d'étude et de résidence dans cette université, ou autres qui seroient par eux promus et agrégés au degré doctoral et ordre de chevalerie. Mais tous ceux qui donnoient ainsi la noblesse ne le faisoient que par un pouvoir qu'ils tenoient du roi, ou c'étoit de leur part une usurpation.

La noblesse accordée par des princes étrangers à leurs sujets et officiers n'est point reconnue en France à l'effet de jouir des priviléges dont les nobles français jouissent dans le royaume, à moins que l'étranger qui est noble dans son pays n'ait obtenu du roi des lettres portant reconnoissance de sa noblesse, ou qu'il ne tienne sa noblesse d'un prince dont les sujets soient tenus pour regnicoles en France, et que la noblesse de ce pays soit reconnue par réciprocité de priviléges, établie entre les deux nations, comme il y en a quelques exemples.

La noblesse d'extraction se prouve tant par titres que par témoins. Il faut prouver, 1° que, depuis cent ans, les ascendans paternels ont pris la qualité de noble ou d'écuyer, selon l'usage du pays; 2° il faut prouver la filiation. Les

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