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glorifioit du titre de gentilhomme; il réunit aux vertus de l'homme privé tous les talens qui font les grands rois. Elevé sous la tente, il eut la franchise d'un soldat; ennemi du luxe et de la parure, il en poussa le dédain jusqu'à tomber presque dans la mal-propreté. Son nom ne peut encore être prononcé qu'avec attendrissement par tous les vrais Francais. Ce prince, si grand dans les combats, si bienfaisant dans la paix, si affable dans la société, ne fut point exempt des foiblesses attachées à l'humanité. Son cœur, fait pour aimer, éprouva la plus douce et la plus impérieuse des passions; mais l'amour ne présida jamais dans son conseil aussi brave, aussi clément que César, il fut tendre et galant comme ce Romain. La belle Fosseuse et la comtesse de la Guiche lui inspirèrent tour-à-tour une vive passion. Gabrielle d'Estrées fut celle qui régna le plus long-temps sur son cœur. On prétend même qu'il l'eût épousée, s'il eût pu obtenir alors la dissolution de son mariage avec Marguerite de Valois. La mort de son amante laissa dans son cœur un vide qui fut rempli par la célèbre marquise de Verneuil, femme spirituelle, qui réunisssoit tous les artifices d'une courtisanne, et tous les talens qui font les charmes de la société. Le roi, qui sans cesse avoit à s'en plaindre, et qui ne pouvoit vivre sans elle, eut la foiblesse de lui faire une promesse de mariage dont elle eut l'audace de soutenir la validité. L'austère Sulli rougit de la foiblesse de son maître; et, préférant sa gloire à la fortune, il déchira cette indigne promesse sans craindre de perdre sa faveur. Henri se consola des caprices et des dédains de son impérieuse maîtresse dans les bras de la comtesse de Moret et de la belle des Essarts. Il eut de toutes ces maîtresses onze enfans naturels, six de Gabrielle d'Estrées, deux de Henriette Balzac d'Entragues, marquise de Verneuil, une de Jacqueline du Beuil, comtesse de Moret, et deux de Charlotte des Essarts: il en eut beaucoup d'autres qu'il ne voulut point reconnoître,

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Quoiqu'il fût roi et magnifique envers ses maîtresses, il trouva des femmes incorruptibles et rebelles. Il aima sans succès madame de Guercheville, Son amour dédaigné ne respira point la vengeance. Au lieu de la punir de ses refus, il se fit un devoir de récompenser sa vertu, en la

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plaçant auprès de Marie de Médicis qu'il venoit d'épouser. Il lui dit obligeamment que, puisqu'elle étoit véritablement dame d'honneur, il vouloit qu'elle le fût de la reine sa femme. La duchesse de Mantoue, qui étoit intéressée à le ménager, hasarda sa fortune pour conserver sa vertu en résistant à ses poursuites. La princesse de Condé, qui étoit aussi belle que vertueuse, lui inspira une passion qui auroit pu devenir funeste à l'état, si elle n'avoit été avec son mari chercher un asyle chez l'étranger pour assurer sa pudicité. Catherine de Rohan, sœur du vicomte, que le roi venoit de faire duc et pair, eut la fierté de rejeter ses vœux et ses promesses: elle lui dit qu'elle étoit trop pauvre pour être sa femme, et de trop bonne maison pour être sa maîtresse.

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L'amour causoit beaucoup de ravages dans ces siècles orageux, où les sciences et les arts dédaignés laissoient dans tous les cœurs un vide qui n'étoit rempli que par cette passion.

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(M. de JAUCOURT.)

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LA A PAUVRETÉ est une situation de fortune opposée à celle des richesses, dans laquelle on est privé des commodités de la vie, et dont on n'est pas toujours le maître de sortir; c'est pourquoi l'on dit que pauvreté n'est pas vice. L'indigence enchèrit sur la pauvreté; on y manque des choses nécessaires; elle est, dans l'état de fortune l'extrémité la plus basse, ayant, à l'autre extrémité, pour antagoniste, la superfluité que fournissent les grands biens; il n'y a point d'homme qui ne puisse s'en tirer, à moins qu'il ne soit hors d'état de travailler. Une heureuse étoile ou d'heureux talens tirent de la pauvreté ceux qui y sont nés, et la prodigalité y plonge les riches. Un travail assidu est le remède contre l'indigence; si l'on manque d'y avoir recours, elle devient une juste punition de la fainéantise. Les lettres ne sont guère cultivées au milieu des richesses, et elles le sont mal dans la pauvreté; une fortune honnête est leur état convenable. Le plus noble et le plus doux plaisir que procurent les grands biens à ceux qui les possèdent est de pouvoir répandre leur superflu, et fournir le nécessaire à ceux qui sont dans P'indigence; s'ils pensent et usent autrement de leur fortune, ils en sont indignes.

Pauvre se prend, dans l'écriture, pour l'état d'uu indigent qui a besoin de l'assistance d'autrui, faute de pouvoir gagner sa vie par le travail. Moïse recommande qu'on ait un soin particulier des pauvres : il voulut qu'on les appelât aux repas de religion que l'on faisoit dans les temples; qu'on laissât exprès quelque chose dans les champs, dans les vignes et sur les arbres pour eux. Il ordonna qu'on fît une réserve commune, dans les années sabbatiques et au jubilé, en faveur du pauvre, de la veuve et de l'orphelin.

Le nom de pauvre se prend aussi pour celui qui est humble, affligé. Dans tous les passages de l'écriture, ce terme signifie un homme qui, contrit de ses fautes, demande à Dieu le secours de sa miséricorde.

Jésus-Christ dit: Heureux sont ceux qui ne sont point

possédés

possédés de l'amour et de la convoitise des richesses! Ce n'est pas parce qu'ils sont pauvres en général qu'ils sont heureux, mais c'est parce qu'ils le sont pour l'Evangile, et qu'ils ont sacrifié les honneurs et les richesses de ce monde, pour acquérir les vrais biens..

(M. de JAUCOURT.)

PÉDANT.

Ux pédant est un homme d'une présomption babillarde,

N

qui fatigue les autres par la parade qu'il fait de son savoir, en quelque genre que ce soit, et par l'affectation de son style et de ses manières.

Ce vice de l'esprit est de toute robe; il y a des pédans dans tous les états, dans toutes les conditions, depuis la pourpre jusqu'à la bure, depuis le cordon bleu jusqu'au moindre bonnet doctoral. Jacques 1er étoit un

roi pédant.

Il est vrai, néanmoins, que le défaut de pédanterie est particulièrement attaché aux gens de collége, qui aiment trop étaler le bagage de l'antiquité dont ils sont chargés. Cet étalage d'érudition assommante a été si fort ridiculisé, et si souvent reproché aux gens de lettres par les gens du monde, que les Français ont pris le parti de dédaigner l'érudition, la littérature, l'étude des langues savantes, et par conséquent les connoissances que toutes ces choses procurent. On leur a tant répété qu'il faut éviter le pédantisme, et qu'on doit écrire du ton de la bonne compagnie, qu'enfin les auteurs sérieux sont devenus plaisans; et, pour prouver qu'ils fréquentent la bonne compagnie, ils ont écrit des choses et d'un ton de très-mauvaise compagnie.

(M. de JAUCOURT.)

Tome VIII.

C G

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ON

PEINE.

N donne en général le nom de peine à toute sensation, de quelqu'espèce qu'elle soit, qui nous rend notre existence désagréable: il y a des peines de corps et des peines d'esprit. Le dernier degré de la peine, c'est de résigner sincèrement l'être souffrant à la perte de la vie comme à un bonheur. Y a-t-il plus de peines que de plaisirs dans la vie ? C'est une question qui n'est pas encore décidée. On compte toutes les peines; mais combien de plaisirs qu'on ne met point en calcul?

(ANONYME.)

VOYAGE

PÉLERINAGE.

OYAGE de dévotion mal entendue : les idées des hommes ont bien changé sur le mérite des pèlerinages. Nos rois et nos princes n'entreprennent plus les voyages d'outre-mer, après avoir chargé la figure de la croix sur leurs épaules, et reçu de quelque prélat l'escarcelle et le bâton de pélerin. On est revenu de cet empressement d'aller visiter des lieux lointains, pour y obtenir du ciel des secours qu'on peut bien mieux trouver chez soi, par de bonnes œuvres et une dévotion éclairée. En un mot, les courses de cette espèce ne sont plus faites que pour des coureurs de profession, des gueux, qui, par superstition, par oisiveté ou par libertinage, vont se rendre à Notre-Dame de Lorette ou à Saint-Jacques de Compostelle en Galice, en demandant l'aumône sur la route.

M. de JAUCOURT.)

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