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sont des parodies heureuses. Boileau en a fait en imitant la dureté de Chapelain.

Les plus considérables, et les seules peut-être qui méritent le nom de parodie, sont celles de ces poèmes qu'on détourne à un autre sujet par le changement de quelques expressions, ou bien celles de ces poèmes faits exprès, dans le goût sublime, sur un sujet qui ne l'est pas. La Batrachomyomachie, ou le Combat des Rats et des Grenouilles, nous fournit un exemple de ce dernier genre. Nous en avons encore un autre dans le fameux poème du Lutrin et dans celui de Cartouche.

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Le Virgile de Scarron, et la Henriade de Montbrun, ne sont point des parodies, mais des travestissemens par la raison que j'ai dite qu'ils ont conservé le sujet. Dans le travestissement, on substitue le langage bas et burlesque au style noble et élevé des auteurs qu'on défigure; mais la parodie n'exige point qu'on avilisse sa façon d'écrire. On peut s'y monter sur un ton épique et le soutenir. Moins elle donne dans le bas, plus elle est faite pour être l'effroi des écrivains célèbres.

Il n'en est guère qui ne redoutent d'être mis à son creuset. Ils tâchent presque tous de la faire regarder comme un monstre sur lequel il est affreux de jeter les regards, comme une action atroce dont on partage la honte en n'osant pas la condamner. L'abbé Desfontaines les compare aux casuistes qui anathématisent les mascarades et les travestissemens nocturnes.

La Motte s'est élevé fortement contre ce genre de plaisanterie. Sa raison en fut révoltée, quoiqu'il ne l'eût pas toujours jugé de même. Il se représenta la parodie sous un autre aspect, et la décida directement opposée aux bonnes mœurs, au bon goût, aux progrès de l'esprit humain, à la gloire des gens de lettres. Il écrivit, pour les venger de l'insulte qu'il prétendoit leur être faite en plein théâtre, à eux tous, à l'auteur intéressé, au public dont on avoit eu les acclamations, aux acteurs qui avoient joué supérieurement, et dont on copioit d'une manière bouffonne la voix, le geste, les démarches et les mou

vemens.

Après les invectives générales dont son fameux discours

sur la parodie est rempli, il vient aux raisons particulières qui la lui font proscrire. « Vous avez admiré, dit-il ; >> vous avez pleuré au tragique; n'espérez pas, en re» voyant le tragique après avoir vu la par die, être ému >> comme vous l'avez été. Vous ne retrouverez plus les >> beaux endroits; vous les confondrez avec les plus répré» hensibles; vous jugerez d'une pièce entière d'après un » bon mot, d'après une saillie heureuse; la vertu sera » représentée à vos yeux sous le masque d'un pédant » ou d'un hypocrite : il aura été d'autant plus facile de » la couvrir de ridicule, que rien n'y prête comme le >> sublime, comme les grands sentimens de la tragédie » qu'on charge toujours, et qui, pour peu qu'on les >> charge encore, deviennent gigantesques ou puérils. » Vous vous direz à vous-même qu'il faut être bien fou » pour donner une tragédie, et que la crainte d'être » parodié doit empêcher beaucoup de poètes d'en faire. >> N'est-ce pas assez d'avoir à craindre un mauvais succès, » malgré les peines qu'on se donne, sans attendre encore, » dans le cas de la plus grande réussite, des brocards « de théâtre qui divertissent le public à nos dépens. »

Il est à remarquer que ce discours sur la parodie fut composé à l'occasion de celle d'Inès de Castro. Agnès de Chaillot est une des meilleures parodies qu'on ait faite. D'ordinaire leur grand mérite n'est que celui des circons→ tances; mais celle-ci se soutient toujours: on la revoit avec plaisir. La Motte fut à la première représentation : il y rit beaucoup, comme il en convient lui-même dans sa préface d'Inès. Cependant la critique qu'on y faisoit de ses vers et du dénouement de sa pièce, est très-violente. Sa joie, en ce moment, étoit suspecte sans doute; mais on la prit pour réelle, et l'on s'enhardit à le traiter selon son goût.

On parodia ses fables, on réfuta son discours sur lá parodie; on conseilla à l'auteur d'être plus conséquent à l'avenir, de ne point écrire contre ce qu'il avoit éprouvé lui-même être un sujet d'amusement.

La réfutation étoit intitulée : Discours à l'occasion d'un discours de M. de la Motte sur les parodies. L'ouvrage est de Fuzelier. Cet écrivain a beaucoup travaillé pour les

différens théâtres de Paris; et, dans tous, il a eu des succès. Il mit dans sa réponse de l'esprit et de la méchanceté. Les deux adversaires combattirent à armes égales.

Fuzelier nioit à la Motte qu'une bouffonnerie, telle que la parodie, empêchât l'effet du tragique; qu'elle fit confondre les bons et les mauvais endroits d'une pièce, et décider de son mérite sur le Jugement d'Arlequin; qu'elle décréditât la véritable vertu, puisque ce n'est que la vertu chimérique et romanesque qu'elle tourne en ridicule.

A l'égard des poètes tragiques, dont elle diminue le nombre, il ne trouvoit pas que ce fût un grand mal, attendu qu'il y en a beaucoup trop. Il ne conçoit pas encore comment les Roscius de la France peuvent avoir à se plaindre de la parodie, pendant qu'ils n'y sont attaqués qu'indirectement. Seroit-ce un crine, dit-il, de jouer quelquefois ceux qui jouent tous les jours les autres ?

du

La Motte avoit dit que la parodie étoit un coup inortel à l'amour-propre, seul motif pour lequel on compose; qu'il n'en avoit pas eu d'autre lui-même en écrivant, mais que sa vanité lui étoit commune avec tous les auteurs qui, moment qu'ils donnent au public des ouvrages de bel esprit, en sont convaincus par le fait même. Son adversaire lui passe de n'avoir jamais eu que des vues aussi petites; mais il ne veut pas qu'on juge également de tous les écrivains, dont plusieurs peuvent avoir un objet important, comme celui d'éclairer les hommes et de les rendre meilleurs, de servir le prince et la patrie. Il oublie le motif pour lequel Scarron faisoit valoir le Marquisat de Quinet, et l'abbé de Vertot donnoit des ouvrages avant que sa fortune fût commencée.

Au surplus, dit Fuzelier, lorsqu'on craint qu'on ne soit parodié, l'on n'a qu'à ne rien faire de susceptible de l'être. Athalie, le chef-d'œuvre de la scène, ne l'a point été, et ne le sera jamais, parce que tout y est conforme à la nature et à la raison; d'où il conclut que la Motte doit réformer ses ouvrages, et non pas les parodies.

M. de Voltaire s'est aussi plaint des parodies; il les compte parmi les plus grands désagrémens attachés à la littérature. Toutes ses belles pièces ont été parodiées, Zaïre, Alzire, Mérope, l'Orphelin de la Chine. Eussent

elles subi ce sort, s'il étoit vrai que les bons ouvrages en missent un auteur à l'abri ?

Plus on réussit dans une tragédie, plus on est sûr de payer aux comédiens italiens le tribut accoutumé. On a défini leur théâtre, ainsi que celui de la foire, un théâtre consacré précisément au mauvais goût, à la médisance ; mais ils appellent de ce jugement à celui du public, à la bonne critique qu'ils font quelquefois d'une nouveauté à laquelle on s'est laissé séduire. Ils se flattent d'en faire revenir les esprits prévenus, et d'éclairer en amusant. Ils s'honorent du titre d'Aristarques. Dans la clôture de leur théâtre, en 1735, un d'eux prononça ces vers:

Les grands succès enflent de trop de gloire.

Il faut les mitiger par la restriction:

Car un auteur n'a pas de peine à croire
Qu'il a saisi le point de la perfection;

Et la critique est nécessaire

lui faire,

Pour qu'il fasse au public la restitution
Des complimens outrés qu'on auroit pu
Jusqu'au temps où l'impression
Fait voir combien l'ouvrage a mérité de plaire.

L'abbé Sallier pense qu'ils remplissent parfaitement cet objet. Dans sa dissertation sur l'origine et le caractère de la parodie, il assure qu'en leurs mains, elle devient le flambeau dont on éclaire les défauts d'un auteur qui avoit surpris l'admiration. Entre autres preuves de ce raisonnement, on en trouve une frappante dans la petite Iphigénie, parodie de la grande. Cette critique ingénieuse n'a-t-elle pas dissipé bientôt l'illusion qu'avoit faite le théâtre, et réduit la pièce à sa juste valeur ?

Les ennemis de la parodie l'attaquent encore d'un autre côté. Quelque utile qu'elle soit, ils la mettent au rang des bagatelles; mais cette bagatelle a comme tous les autres

ses

genres, ses principes, ses règles, ses difficultés, écueils, ses délicatesses, ses beautés. Ce n'est pas sans génie qu'on change une intrigue, qu'on peint d'autres personnages, qu'on trouve le rapport d'une action grande avec quelque action de la vie commune, qu'on fait sortir des fautes et des ridicules, qu'on amène adroitement des situa

tions

tions comiques et applaudies; qu'on divertit des gens de goût, en mettant dans la bouche des bourgeois et des artisans ce qu'on avoit entendu de celle des rois et des héros; que, suivant l'intelligence du théâtre, on charge ou l'on affoiblit certains traits; qu'enfin on fait contraster la plus grande simplicité avec tout l'appareil et tout le faste tragique. Telle scène de la foire ou du théâtre italien coûte autant quelquefois, et renferme presque autant de beautés que telle autre scène du théâtre français extrême

ment vantée.

(ANONYME. .)

ON

PAROLE enfantine.

N appelle, au propre, paroles enfantines ces demimots par lesquels les enfans qui n'ont pas encore l'usage libre de leur langue expriment leurs pensées. Rien n'est plus joli que de converser avec eux dans ces premières années où ils commencent à prononeer à moitié plusieurs mots, dont la prononciation imparfaite donne une grace infinie à tous leurs petits discours. Mais ce langage imparfait, ce ton enfantin, cette voix à demi-basse, que quelques jolies femmes affectent d'imiter, est ridicule quand on n'est plus dans cet âge tendre où la nature en faisoit tout le charme. C'est ainsi que les mines, dans un âge avancé, sont des grimaces.

(ANONYME.)

Tome VIII.

Y

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