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IA paresse est une nonchalance qui empêche l'homme

de travailler, de vaquer à ses affaires, et de remplir ses devoirs. On est paresseux par défaut d'action, et nonchalant défaut d'ardeur. Il est difficile d'animer le nonpar chalant; il va mollement et lentement dans tout ce qu'il fait. L'amour du repos l'emporte chez le paresseux sur les avantages que procure le travail. Il me semble qu'on surmonte plus aisément la nonchalance par la crainte du mal que par l'espérance du bien, et que l'ambition fût toujours l'ennemie mortelle de la paresse.

De tous nos défauts celui dont nous tombons le plus aisément d'accord, c'est la paresse, parce que nous nous persuadons qu'elle tient à toutes les vertus paisibles, et que, sans détruire les autres, elle en suspend seulement les fonctious. De là vient qu'elle règne souverainement dans ce qu'on appelle le beau monde; et si quelquefois on trouble son empire, c'est plutôt pour chasser l'ennui, que par goût pour l'occupation.

L'esprit contracte aussi facilement l'habitude de la paresse que le corps. Un homme qui ne va jamais qu'en voiture, est bientôt hors d'état de se servir de ses jambes. Comme il faut lui donner la main pour qu'il marche, de même il faut aider l'esprit à penser, et même l'y forcer; sans cela, l'homme, craignant l'application, soupire vainement après la science, qui est pour lui une plante succulente, mais dont il n'a pas le courage d'exprimer le suc. L'esprit ne devient actif que par l'exercice; s'il s'y porte avec ardeur, il trouve en lui des forces et des ressources qu'il ne connoissoit pas auparavant.

Au surplus, la paresse de l'esprit et du corps est un vice que les hommes surmontent bien quelquefois, mais qu'ils n'étouffent jamais. Peut-être est-ce un bonheur pour la société que ce vice ne puisse pas être déraciné. Bien des gens croient que lui seul a empêché plus de mauvaises actions que toutes les vertus réunies ensemble.

La paresse est un moindre vice que la fainéantise. Cellelà semble avoir sa source dans le tempérament, et celle-ci

dans le caractère de l'ame. La première s'applique à l'action de l'esprit comme à celle du corps; la seconde ne convient qu'à cette dernière sorte d'action. Le paresseux craint la peine et la fatigue; il est lent dans ses opé-rations et fait traîner Pouvrage. Le fainéant aime à être désœuvré; il hait Foccupation et fuit le travail.

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CETTE expression grand parleur, renferme deux choses,

un défaut et une habitude. Qui dit grand parleur, dit un homme qui parle trop, qui parle souvent mal-à-propos, qui parle en l'air, qui parle pour parler; on ne dit pas d'un homme qui ne dit rien que de sensé, qui ne dit rien d'inutile, qu'il soit un grand parleur, quoiqu'il parle beaucoup; on ne le diroit pas même d'un homme qui, dans une ou deux rencontres, auroit tenu de longs discours contre sa coutume, et se seroit trouvé en humeur de parler plus qu'à son ordinaire.

On ne dit communément grand parleur que pour `marquer un homme qui est sujet à parler beaucoup.

Les hommes et les femmes qui ont ce défaut sont insupportables dans la société, en ce qu'ils ne laissent à personne la liberté de placer un mot dans la conversation. Ils ont beau bien parler et dire des choses intéressantes, ils finissent par ennuyer.

(M. de JAUCOURT.)

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PARODIE.

N appelle ainsi parmi nous une imitation ridicule d'un ouvrage sérieux; et le moyen le plus commun que le parodiste y emploie est de substituer une action triviale à une action héroïque. Les sots prennent une parodie pour une critique; mais la parodie peut être plaisante, et la critique très-mauvaise. Souvent le sublime et le ridicule se touchent; plus souvent encore, pour faire rire, il suffit d'appliquer le langage sérieux et noble à un sujet ridicule et bas. La parodie de quelques scènes du Cid n'empêche point que ces scènes ne soient très-belles; et les mêmes choses, dites sur la perruque de Chapelain et sur l'honneur de dom Diègue, peuvent être risibles dans la bouche d'un vieux rimeur, quoique très-nobles et très-touchantes dans la bouche d'un guerrier vénérable et mortellement offensé: Rime ou crève, à la place de meurs ou tue, est le sublime de la parodie, et le mot de dom Diègue n'en est pas moins terrible dans la situation du Cid. Dans Agnès de Chaillot, les enfans trouvés qu'on amène et l'ample mouchoir d'arlequin nous font rire. Les scènes d'Inès parodiées n'en sont pas moins très-pathétiques. Il n'y a rien de si élevé, de si touchant, de si tragique, que l'on ne puisse travestir et parodier plaisamment, sans qu'il y ait dans le sérieux aucune apparence de ridicule.

Les règles de la parodie regardent le choix du sujet et la manière de le traiter. Le sujet qu'on entreprend de parodier doit être un ouvrage connu, célèbre, estimé. Quant à la manière de parodier, il faut que l'imitation soit fidelle, la plaisanterie bonne, vive et courte, et l'on y doit éviter l'esprit d'aigreur, la bassesse d'expression et l'obscénité. Il est aisé de voir par là que la parodie et le burlesque sont deux genres très-différens, et que le Vir+ gile travesti de Scarron n'est rien moins qu'une parodie de I'Enéide. La bonne parodie est une plaisanterie fine, capable d'amuser et d'instruire les esprits les plus sensés et les plus polis; le burlesque est une bouffonnerie misérable qui ne peut plaire qu'à la populace.

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Une excellente parodie seroit celle qui porteroit avec elle une saine critique, comme l'éloquence de Petit-Jean et de l'Intimé dans les Plaideurs; alors on ne demanderoit pas si la parodie est utile ou nuisible au goût d'une nation. Mais celle qui ne fait que travestir les beautés sérieuses d'un ouvrage dispose et accoutume les esprits à plaisanter de tout; ce qui fait pis que de les rendre faux elle altère aussi le plaisir du spectacle sérieux et noble; car, au moment de la situation parodiée, on ne manque pas de se rappeler la parodie, et ce souvenir altère l'illusion et l'impression du pathétique. Celui qui, la veille, avoit vu Agnès de Chaillot, devoit être beaucoup moins ému des scènes touchantes d'Inès. C'est d'ailleurs un talent bien trivial et bien méprisable que celui du parodiste, soit par l'extrême facilité de réussir, sans esprit, à travestir de belles choses, soit par le plaisir malin qu'on paroît prendre à les avilir.

Si quelques auteurs se sont distingués dans ce genre, combien d'autres s'y sont déshonorés !

(M. MARMONTEL.)

Les parodies sont le fléau des écrivains. Entre eux et les parodistes est un mur éternel de division: ceux-ci sont les corsaires de la littérature; ils ne cherchent qu'à saisir les défauts et les ridicules d'un auteur, pour en faire trophée, pour les tourner à l'amusement du public et à leur profit particulier. Le premier qui donna l'exemple de cette sorte de guerre est un ancien poète grec, appelé Hipponax, qui vivoit cinq cent quarante ans avant l'ère

chrétienne.

L'esprit d'Hipponax passa à plusieurs de ses compatriotes, qui cherchèrent à divertir de même la nation : elle se passionna pour ce nouveau genre d'amusement. La parodie dramatique, chez les Grecs, étoit dans le goût de celle de nos jours. Les Hégemon, les Rhinton, étoient en Grèce ce que sont chez nous Fuzelier, Vadé, Favard. Il ne paroissoit guère à Athènes de bonne tragédie qui ne fût tournée en ridicule. Les Latins se sont aussi exercés à

faire des parodies; mais il ne nous reste que des fragmens des leurs et de toutes celles des Grecs.

Le goût de la parodie et du burlesque a été singulièrement en vogue parmi nous au commencement du XVII siècle. « Combien de gens, dit Pélisson dans son Histoire » de l'Académie, croyoient alors que, pour bien écrire >> raisonnablement en ce genre, il suffisoit de dire des >> choses contre le bon sens et la raison chacun s'en » croyoit capable; et l'un et l'autre sexe, depuis les >> dames et seigneurs de la cour jusqu'aux femmes de >> chambre et aux valets, s'occupoient à cela. Cette fureur » de burlesque étoit venue si avant, que les libraires ne » vouloient rien qui ne portât ce nom ». On imprima, l'an 1649, durant la guerre de Paris, une pièce ridicule, intitulée La Passion de notre Seigneur, en vers burlesques.

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Ce goût tomba vers l'an 1660; mais on l'a relevé depuis, on l'a épuré, on l'a rendu digne d'une nation dont le génie est si analogue à celui des Grecs, pour l'esprit, la politesse, les graces, l'enjouement et la bonne plaisanterie peut-être même les avons-nous effacés dans le genre dont ils nous ont donné l'idée. Quelle critique fine dans nos parodies! La simplicité naïve, la gaieté décente, la diction pure et noble même, autant que le sujet le comporte, en sont les principaux caractères.

Je parle des meilleures que nous ayons et de celles qui sont restées au théâtre. Pour les parodies satyriques, plates, bouffonnes, ordurières, telles qu'on en fait tous les jours, on les méprise. Rien de plus ennuyeux qu'un mauvais plaisant qui veut faire rire.

soit en

La parodie consiste à détourner le vrai sens d'une pièce, pour en substituer un communément malin, ironique et bouffon. Je dis communément, parce que la parodie est quelquefois innocente. C'est parodier que de copier, d'après quelque poète connu, un ou plusieurs vers, n'y changeant rien, ou en y faisant quelque léger changement, mais toujours en les présentant de manière qu'il en résulte un tout autre sens que celui de l'original. Tant de bons ou de mauvais vers passés en proverbe, et dont on fait, en mille circonstances, des applications naturelles,

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