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PARALLÈLE,

PARALLÈLE.

ARALLÈLE, dans l'art oratoire, est la comparaison de deux hommes illustres; exercice agréable pour l'esprit qui va et revient de l'un à l'autre, qui compare les traits, qui les compte, et qui juge continuellement de la diffé rence; tel est le parallèle de Corneille et de Racine par la Bruyère, et par M. de la Motte, que je vais donner pour exemple:

« Corneille, dit M. de la Bruyère, ne peut être égalé > dans les endroits où il excelle; il a pour lors un carac» tère original et inimitable, mais il est inégal. Dans quel» ques-unes de ses meilleures pièces, il y a des fautes » inexcusables contre les mœurs, un style de déclama»teurs qui arrête l'action et la fait langur, des négli>> gences dans les vers et dans l'expression, qu'on ne >> sauroit comprendre en un si grand homine; ce qu'il » y a de plus éminent en lui, c'est l'esprit qu'il avoit » sublime.

>> Racine est soutenu, toujours le même par-tout, soit » pour le dessin et la conduite de ses pièces, qui sont »justes, régulières, prises dans le bon sens et dans la » nature, soit pour la versification qui est correcte, » riche dans ses rimes, élégante, nombreuse, harmo» nieuse.

>> Si cependant il est permis de faire entre eux quelque >> comparaison, et de les marquer l'un l'autre, par ce » qu'ils ont de plus propre, et par ce qui éclate ordi>> nairement dans leurs ouvrages, peut-être qu'on pour>> roit parler ainsi : Corneille nous assujétit à ses carac» tères et à ses idées; Racine se conforme aux nôtres. » Celui-là peint les hommes comme ils devroient êtro; >> celui-ci Ics peint tels qu'ils sont. Il y a plus dans le >> premier de ce qu'on admire et de ce qu'on doit même » imiter; il y a plus dans le second de ce qu'on reconnoît >> dans les autres et de ce qu'on éprouve en soi-même. » L'un élève, étonne, maîtrise, instruit; l'autre plaît >> remue, touche, pénètre. Ce qu'il y a de plus grand, de >> plus impérieux dans la raison, est manié par celui-là;

>> par celui-ci, ce qu'il y a de plus tendre et de plus >> flatteur dans la passion. Dans l'un, ce sont des règles, » des préceptes, des maximes; dans l'autre, du goût >> et du sentiment. L'on est plus occupé aux pièces de >> Corneille; l'on est plus ébranlé et plus attendri à celles » de Racine. Corneille est plus moral; Racine est plus >> naturel. Il semble que l'un imite Sophocle, et que l'autre » doit plus à Euripide. »

Le parallèle des deux poètes par M. de la Motte est plus court, moins approfondi, mais léger, délicat, agréable.

Des deux souverains de la scène
L'aspect a frappé nos esprits;
C'est sur leurs pas que Melpomène
Conduit ses plus chers favoris.

L'un plus pur, l'autre plus sublime,
Tous deux partagent notre estime
Par un mérite différent.

Tour-à-tour ils nous font entendre
Ce que le cœur a de plus tendre,
Ce que l'esprit a de plus grand.

Voilà comme on fait le parallèle des grands hommes. Plutarque a lui-même ouvert cette carrière avec un goût et un discernement admirables.

Massillon, dans son sermon sur le pardon des injures, pour le vendredi d'après les cendres, fait cet admirable parallèle de l'amour de goût et de l'amour de charité.

« Il y a un amour de raison et de religion, qui doit >> toujours l'emporter sur la nature. L'Evangile n'exige » pas que vous ayiez du goût pour votre frère; il exige » que vous l'aimiez, c'est-à-dire, que vous le souffriez, >> que vous l'excusiez, que vous cachiez ses défauts, que >> vous le serviez; en un mot, que vous fassiez pour >> lui tout ce que vous voudriez qu'on fit pour vous-même. >> La charité n'est pas un goût aveugle et bizarre, une » inclination naturelle, une sympathie d'humeur et de » tempérament: c'est un devoir juste, éclairé, raison»›nable; un amour qui prend sa source dans les mou» vemens de la grace et dans les vues de la foi. Ce n'est pas aimer proprement nos frères, que de ne les aimer

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» que par goût; c'est s'aimer soi-même : il n'est que la
» charité qui nous les fasse aimer comme il faut, et qui ·
» puisse former des amis solides et véritables. Car le
» goût change sans cesse; et la charité ne meurt ja-
>> mais le goût ne cherche que lui-même; et la charité
» ne cherche pas ses propres intérêts, mais les intérêts
» de ce qu'elle aime le goût n'est pas à l'épreuve de
» tout, d'une perte, d'un procédé, d'une disgrace; et
>> la charité est plus forte que la mort : le goût n'aime que
>> ce qui l'accommode; et la charité s'accommode à tout,
» et souffre tout pour ce qu'elle aime le goût est aveu-
»>gle, et nous rend souvent aimables les vices même
» de nos frères; et la charité n'applaudit jamais à l'ini-
» quité, et n'aime dans les autres que la vérité. Les
>> amis de la grace sont donc bien plus sûrs que ceux de la
» nature : le même goût qui lie les cœurs souvent un
>> instant après les sépare; mais les liens formés par la

>> charité durent éternellement. >>

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(M. de JAUCOURT.)

1

PARDONNER.

C'EST remettre le châtiment, sacrifier son ressentiment,

et promettre l'oubli d'une faute. On pardonne la chose, on pardonne à la personne.

Il y a des qualités qu'on pardonne plus difficilement que des offenses.

Il faut bien de la modestie, bien de l'attention, bien de l'art pour arracher aux autres le pardon de la supériorité qu'on a sur eux.

On se pardonne si souvent à soi-même, qu'on devroit bien pardonner quelquefois aux autres.

Dans la morale de l'Evangile, qui est par-tout si admirable, rien n'est plus recommandé que le pardon et l'oubli des injures.

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Des hommes qui ont fait un sot ouvrage que des imbécilles éditeurs ont achevé de gâter n'ont jamais pu nous pardonner d'en avoir projeté un meilleur. Il n'y a sorte de persécutions que ces ennemis de tout bien ne nous aient suscitées. Nous avons vu notre honneur, notre fortune, notre liberté, notre vie, compromis dans l'espace de quelques mois. Nous aurions obtenu d'eux le pardon d'un crime, nous n'en avons pu obtenir celui d'une bonne action.

Ils ont trouvé la plupart de ceux que nous n'avons pas jugés dignes de coopérer à notre entreprise tout disposés à épouser leur haine et leur jalousie.

Nous n'avons point imaginé de vengeance plus cruelle de tout le mal qu'ils nous ont fait que d'achever le bien que nous avions commencé.

Voilà l'unique espèce de ressentiment qui fût digne de

nous.

Tous les jours ils s'avilissent par quelques nouveaux forfaits; je vois l'opprobre s'avancer sur eux.

Le temps ne pardonne point à la méchanceté; tôt ou tard il en fait justice.

On fait excuse d'une faute apparente; on demande pardon d'une faute réelle : l'un est pour se justifier, et part d'un fond de politesse; l'autre est pour arrêter la ven

geance, ou pour empêcher la punition, et désigne un mouvement de repentir. Le bon esprit fait excuse facilement; le bon cœur fait pardonner promptement.

(ANONYME)

PARER.

C'EST embellir une chose par des ornemens ou par une

manière avantageuse de la présenter. On pare une église, on pare sa marchandise. Les femmes, en se parant, rendent bien aux hommes l'hommage qu'elles en obtiennent. Tout le temps donné à la toilette est perdu pour celle que la nature n'a pas parée.

La terre se pare au printemps. On dit aussi se parer d'une vertu qu'on n'a pas, ce qui est pis peut-être que de se parer d'un vice qu'on a. Le premier est un hypocrite qui en impose; le second est un libertin dont la dépravation des mœurs a passé jusqu'au jugement, et qui fait horreur ou pitié.

(ANONYME.)

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