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Rien ne corrige les méchans : l'auteur de cette première parodie en a fait une seconde où il a joué le même citoyen qui avoit obtenu son pardon, avec un grand nombre de gens de bien, parmi lesquels on nomme un de ses bienfaiteurs. Le bienfaiteur indignement travesti est l'honnête et célèbre M. Hume, et l'ingrat est un certain Palissot de M.....

Tel est le sort de ces espèces de parades satyriques; elles ne peuvent troubler ou séduire qu'un moment la société, et la punition ou le mépris suit toujours de près les traits odieux et sans effet, lancés par l'envie contre ceux qui enrichissent la littérature, et qui l'éclairent. Si la libéralité des personnes d'un certain ordre fait vivre des auteurs qui seroient ignorés sans le murmure qu'ils excitent, nous n'imaginons pas que cette bienfaisance puisse s'étendre jusqu'à les protéger.

(M. le comte de TRESSAN.)

PARAGUAY.

C'EST ainsi qu'on nomme une suite d'établissemens for

més par les jésuites dans ce grand pays de l'Amérique méridionale qu'arrose le fleuve Paraguay.

L'auteur d'un mémoire sur ce sujet nous apprend que le premier établissement des jésuites dans ce pays a commencé par cinquante familles d'Indiens errans, que les jésuites rassemblèrent sur le rivage de la rivière de Japsur, dans le fond des terres. Cet établissement a tellement prospéré, qu'à s'en rapporter aux jésuites eux-mêmes dans les Mémoires de Trévoux, octobre 1741, les réductions ou peuplades formées par leurs missionnaires étoient, en 1717, au nombre de trente-une, répandues dans une étendue de pays d'environ six cents lieues, seize sur le bord du Parana, et quinze le long de l'Uraguay, qui se déchargent tous deux dans le fleuve Paraguay. On comptoit alors dans ces peuplades cent vingt-un mille cent soixante-un Indiens.

On assure que ces peuples civilisés occupent les plus belles terres de tout le pays.

Les terres de la mission sont fertiles, traversées par beaucoup de rivières qui forment nombre d'îles; les bois de haute futaie et les arbres fruitiers y abondent; les légumes y sont excellens; le blé, le lin, l'indigo, le chanvre, le coton, le sucre, le piment, l'ipécacuanha, et plusieurs autres simples admirables pour les remèdes, y viennent. Les savanes ou pâturages y sont remplis de chevaux, mules, vaches, taureaux et troupeaux de moutons. Ces peuples sont doux, très-soumis, adroits, laborieux, et font toutes sortes de métiers.

L'auteur du Mémoire rapporte que, dans le temps qu'il écrivoit, ces peuples étoient divisés en quarante - deux paroisses, distantes depuis une jusqu'à dix lieues l'une de l'autre, et s'étendant le long de la rivière du Paraguay. Il y a dans chaque paroisse un jésuite auquel tout obéit, et qui gouverne souverainement. Un seul homme commande de cette façon à quelque mille ames, et cette manière de gouverner est égale dans toutes les peuplades.

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A la soumission de ces peuples se joint un désintéressement sans exemple que les jésuites leur ont inspiré. Il y a dans chaque paroisse de grands magasins où les sujets sont obligés de porter vivres et marchandises, sans rien garder pardevers eux.

La principale fonction des caciques ou officiers de police, est de connoître le nombre des familles, de leur communiquer les ordres du père jésuite, d'examiner le travail de chacun suivant son talent, et de promettre des récompenses à ceux qui travailleront le plus et le mieux. Il y a d'autres inspecteurs pour le travail de la campagne, auxquels les Indiens sont obligés de déclarer tout ce qu'ils recueillent, et tout doit entrer dans les magasins, sous des peines rigoureuses, pour fournir à chaque famille selon le nombre des personnes, deux fois par semaine, de quoi subsister. Les jésuites veillent à tout avec un ordre infini, pour ne laisser prendre aucun mauvais pied à leurs sujets, et ils en sont bien récompensés par les profits qu'ils tirent du travail de tant de gens.

Les Indiens ne boivent ni vin ni liqueurs enivrantes; et personne ne peut blâmer cette défense, quand on fait réflexion sur l'énorme abus qu'en font les nations du nouveau monde, à qui les Européens en débitent. On inspire à tous les habitans, dès la plus tendre enfance, la crainte de Dieu, le respect pour le père jésuite, la vie simple et le dégoût des biens temporels.

Le gouvernement militaire, dit le même auteur, n'est pas moins bien réglé que le civil: chaque paroisse donne un certain nombre de soldats disciplinés par régimens, et qui ont leurs officiers. Les armes des Indiens consistent en fusils, baïonnettes et frondes: on prétend que toutes les missions réunies peuvent mettre dix à douze mille hommes sur pied.

Les jésuites n'apprennent point à leurs Indiens la langue espagnole, et les empêchent, autant qu'il est possible, de communiquer avec les étrangers. Les quarante - deux jésuites qui gouvernent les paroisses sont indépendans l'un de l'autre, et ne répondent qu'au principal du couvent de Cordua dans la province de Tucuman. Ce père provincial visite une fois l'an ses missions. Il fait rendre compte,

pendant

pendant son séjour, aux jésuites de chaque paroisse de la fourniture des magasins, et de la consommation qui en a été faite depuis sa dernière visite.

Outre le mémoire sur les missions du Paraguay, les jésuites de Trévoux ont donné, dans leur journal, novembre 1744, l'extrait d'un livre publié sous le nom du célèbre Muratory. Cet ouvrage est tout à la gloire des missions du Paraguay, et paroît venir de la main des jésuites. L'auteur dit, dans le chapitre XII, que le baptême fait déposer aux enfans sauvages du Paraguay la férocité qui leur est propre; mais il leur reste une indolence invincible qui les rend incapables de se gouverner eux-mêmes, en sorte qu'ils ont besoin d'être toujours en tutelle.

Dans le chapitre XVII, on fait dire à M. Muratory que rien ne prouve mieux le bonheur qui accompagne la pauvreté volontaire, que le contentement dont jouissent les Indiens du Faraguay, qui n'ont que le pur nécessaire pour vivre, et ne souhaitent rien au-delà. Le corregidor et son lieutenant sont nommés par le gouverneur, mais ils doivent être choisis dans la bourgade même; et tous les autres officiers sont élus par les Indiens, c'est-à-dire, je pense, par les jésuites, puisque les jésuites sont leurs maîtres.

Il y a des portions de terrain qui se cultivent à frais communs pour les besoins qui surviennent, pour les veuves, les orphelins, les malades, et tous ceux qui doivent être entretenus aux dépens du public. La pêche, la chasse, les fruits qui viennent sans culture, le miel et la cire qu'on recueille dans les bois, sont de droit commun. Si quelque calamité afflige une bourgade et fait manquer la récolte, ou la rend insuffisante, toutes les autres y pourvoient.

L'auteur dit, au sujet du gouvernement militaire de ces Indiens, que leurs armes sont déposées dans des magasins, et qu'on ne les leur confie que quand il faut marcher ou faire l'exercice. Enfin, l'auteur observe, au sujet du gouvernement domestique, que les chefs même des Indiens subissent avec humilité et promptitude les pénitences que leur imposent les missionnaires.

On ne nous apprend point sur quels mémoires M. Muratory a composé son ouvrage; il est certain que par luiTome VIII.

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même il a été bien moins en état de s'instruire du gouver nement du Paraguay que les voyageurs, quoique ces derniers n'approchent guère que de cent lieues des missions.

Sur le tout, quelque jugement qu'on porte de la conduite, des motifs et des richesses que les jésuites possèdent au Paraguay, il faut avouer que l'état de leurs peuplades d'Indiens est un chef-d'œuvre d'habileté, de politique, et qu'il est bien surprenant que des moines européens aient trouvé l'art de ramasser des hommes épars dans les bois, les dérober à leur misère, les former aux arts, captiver leurs passions, et en faire un peuple soumis aux lois et à la police. (M. de JAUCOURT.)

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