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confuse, qu'elle ne gêne point l'action, qu'en nous aidant à deviner le sentiment et la pensée, elle nous laisse encore jouir de notre pénétration, ou plutôt du talent qui sait tout exprimer sans le secours de la parole.

Le projet de substituer sur la scène lyrique la danse pantomime aux ballets figurés, me semble encore peu réfléchi. Le ballet pantomime est placé quelquefois, et nous en avons des exemples. Mais, premièrement, il n'y a aucune raison de vouloir que la danse soit toujours pantomime chez tous les peuples, même les plus sauvages, le goût de la danse est inné, aussi bien que celui du chant; l'un et l'autre ont été donnés par la nature, comme l'expression vague de la joie et du plaisir, ou plutôt comme un mouvement analogue à cette situation de l'ame. On ne danse pas pour exprimer son sentiment ou sa pensée; on danse pour danser, pour obéir à l'activité naturelle où nous mettent la jeunesse, la santé, le repos, la joie, et que le son d'un instrument invite à se développer: la danse alors est mesurée; et, pour la rendre plus agréable, on imagine d'en varier les formes, les figures et les tableaux; mais elle n'est point pantomime. L'expression d'un sentiment vague, qui n'est, le plus souvent, que le desir de plaire, ou l'attrait du plaisir, en fait le caractère; et le choix des attitudes, des pas, des mouvemens, qui lui sont les plus analogues, est tout ce qu'elle se prescrit. Voilà l'intention du ballet figuré : son modèle est dans la nature. Il est aussi dans les coutumes, dans les rites, dans les cérémonies des différens peuples du monde : alors le caractère du ballet, dans un triomphe, dans une fête, à des noces, à des funérailles, dans des expiations, des sacrifices ou des enchantemens, est relatif à ces usages. Les convenances en sont les règles; mais l'expression en est vague, et ne peint point, comme la pantomime, tel ou tel mouvement de l'ame que la parole exprimeroit.

Quant au plaisir que cette expression vague et confuse peut nous causer, il ressemble assez à celui d'une belle symphonie. Celle-ci, en même temps qu'elle charme l'o-, reille, cause à l'esprit de douces revêries, et porte à l'ame des émotions confuses dont l'ame se plaît à jouir : il en est de même de la danse. D'un côté, l'ame est émue d'un

sentiment vague et confus comme l'expression qui le cause; de l'autre, les yeux jouissent de tous les développemens de la beauté présentée sous mille attitudes, et sous les formes variées d'une infinité de tableaux ingénieusement grouppés. La grace, la noblesse, la légéreté, l'élégance, la précision et le brillant des pas, la souplesse des mouvemens, tout ce qui peut charmer les yeux s'y réunit et s'y varie; et c'en est bien assez, je crois, pour en justifier le goût.

La danse, en général, est une peinture vivante. Or un tableau, pour nous intéresser, n'a pas besoin de rendre expressément tel sentiment, telle pensée; et, pourvu que, dans les attitudes, dans le caractère des têtes, dans l'ensemble de l'action, il y ait assez d'analogie avec telle espèce de sentimens et de pensées, pour induire l'ame et l'imagination du spectateur à chercher dans le vague de cette expression muète une intention décidée, ou plutôt à l'y supposer, la peinture a son intérêt; et si d'ailleurs elle réunit à tout le prestige de l'art tous les charmes de la nature, les yeux, l'esprit et l'ame en jouiront avec délices, sans y desirer rien de plus. Il en est de même de la danse.

Le critique de l'opéra français trouve presque tous nos ballets inutiles et déplacés: il ue connoît que celui des Ber-gers de Roland, qui se lie avec l'action. Mais les plaisirs dans le palais d'Armide et dans la prison de Dardanus; mais le ballet des Armes d'Énée dans l'opéra de Lavinie, et, dans le même, le ballet des Bacchantes, et celui de la Rose dans les Indes galantes, et celui des Luteurs aux funérailles de Castor, et une infinité d'autres qui sont également et dans le systême, et dans la situation, et dans le caractère du poème; faut-il les bannir du théâtre? Un ballet peut être moins heureusement lié à l'action que la Pastorale de Roland, chef-d'œuvre unique en ce genre, sans pour cela être déplacé. On a sans doute abusé de la danse; mais les excès ne prouvent rien, sinon qu'il faut les éviter.

(M. MARMONTEL.)

PAON.

Le paon est l'oiseau consacré à Junon; les poètes ont

feint qu'elle avoit transporté les yeux d'Argus sur sa queue. Le portrait de cet oiseau a été tracé par Lucien, par Phèdre et dit le premier, Lafontaine. Le par paon, étale d'un air magnifique l'or et l'azur de son plumage, et dispute, avec le printemps, à qui produira de plus belles choses. Il fait la roue, il se mire dans sa beauté dont l'éclat est multiplié par celui de la lumière. Les cercles d'or qui couronnent l'émail de sa queue, imitent parfaitement l'arc-en-ciel, qui change ses couleurs, selon qu'on le regarde sous divers aspects.

Phèdre a fait adresser au paon les louanges les plus flatteuses par Junon même :

Sed forma vincis, vincis magnitudine.

Nitor smaragdi collo perfulget tuo,

Pictisque gemmis gemmeam caudam explicas.

Lafontaine enchérit encore sur la cajolerie de la déesse : Est-ce à toi, lui dit-elle,

Est-ce à toi d'envier la voix du rossignol?
Toi que l'on voit porter à l'entour de ton col
Un arc-en-ciel nué de cent sortes de soies;
Qui te panades, qui déploies

Une si riche queue, et qui semble à nos yeux
La boutique d'un lapidaire?

Est-il quelque oiseau sous les cieux

Plus que toi capable de plaire?

Les paons étoient d'un grand prix chez les Grecs; et le reproche qu'on fait à Périclès d'en nourrir prouve assez leur rareté dans la Grèce. Hortensius, le rival de Cicéron dans la carrière du barreau, homme magnifique dans ses dépenses, fut le premier, au rapport de Pline, qui fit apprêter des paons à Rome, dans un repas qu'il donna au collège des augures.

Enfin c'est l'oiseau favori des rois d'Angola et de Congo. Il n'appartient qu'à eux d'en entretenir; et quiconque de leurs sujets en voleroit des plumes, seroit puni par l'esclavage.

(ANONYME.)

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VILLE

PAPHO S.

ILLE de l'île de Chypre. Cette ville étoit plus parti culièrement consacrée à Vénus que le reste de l'île. Le temple qui y étoit bâti en son honneur étoit de la plus grande magnificence. La vénération qui y étoit attachée s'étendoit même jusqu'au prêtre qui le desservoit. Plutarque rapporte que Caton fit offrir au roi Ptolémée la grande prêtrise du temple de Vénus à Paphos, s'il vouloit céder Chypre aux Romains, regardant cette dignité comme le dédommagement d'un royaume.

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Les ministres des temples de Vénus n'immoloient jamais de victimes; le sang ne couloit point sur leurs autels; on n'y brûloit que de l'encens, et la déesse n'y respiroit que, l'odeur des parfums. Elle y étoit représentée sur un ch conduit par des amours, et tiré par des cygnes et des colombes. L'or et l'azur brilloient en vain dans le temple de Paphos, leur éclat y cédoit à la perfection des arts. Les chef-d'œuvres que des mains immortelles y avoient exécutés, attiroient seuls toute l'attention. Ici, le ciseau délicat d'un artiste célèbre représentoit la déesse qui vivifie tous les êtres et qui féconde la nature; là, le pinceau voluptueux inspiroit les feux de l'amour.

La délicieuse situation et les charmes du climat de cette île avoient sans doute contribué à établir l'opinion de ceux qui y avoient fixé l'empire de Vénus, et le séjour des plaisirs.

« On y jouissoit d'un printemps éternel; la terre » heureusement fertile y prévenoit tous les souhaits; les » troupeaux sans nombre y trouvoient d'abondans pâtu-» rages; les vents sembloient n'y régner que pour ré» pandre par-tout le parfum des fleurs; les oiseaux y >> chantoient sans cesse; les bois retentissoient de leurs >> concerts harmonieux; les ruisseaux murmuroient dans » les plaines; une chaleur douce faisoit tout éclôre; l'air » ne s'y respiroit qu'avec la volupté. »

(M. de JAUCOURT..

ABBAYE

PARACLET.

ABBA YE de France en Champagne, sur le ruisseau d'Arduzon, proche de Nogent-sur-Seine. On ne trouve guère d'abbayes dans l'Encyclopédie: mais comment auroit-on pu se taire sur une abbaye qui doit à Abélard son établissement, et dont Héloïse fut la première abbesse? Abélard, le plus habile dialecticien de son temps! Héloïse, la première de son sexe en érudition, et qui n'étoit pas la dernière en beauté !

On sait qu'Abélard, craignant que ses adversaires ne le livrassent au bras séculier, à cause qu'il avoit soutenu que saint Denis l'aréopagiste n'avoit pas converti la France, se sauva sur les terres de Thibaut, comte de Champagne, d'où il se choisit une retraite solitaire au diocèse de Troyes; il y bâtit une chaumière, fit de cette chaumière un oratoire; et ses écoliers, accourant de toutes parts à ce désert, fournirent à leur maître de quoi subsister, et bâtirent l'oratoire de bois et de pierre. Alors Abélard lui donna le nom de Paraclet, pour conserver la mémoire des consolations qu'il avoit reçues dans son hermitage. Le mot Paraclet est formé d'un mot grec, qui veut dire consolateur; je console, je prie, j'exhorte.

Mais les ennemis d'Abélard ne le laissèrent pas tranquille, et mirent dans leurs intérêts saint Bernard et saint Norbert. Il n'y eut pas moyen de tenir contre de tels adversaires. Abélard leur quitta la partie, et s'en alla en basse Bretagne, où les moines de l'abbaye de SaintGildas de Ruys l'appelèrent pour leur chef.

Dans cette conjoncture, Suger, abbé de Saint-Denis, chassa du monastère d'Argenteuil les religieuses, prévenu que leur conduite étoit mauvaise. Héloïse, qui en étoit supérieure, vint avec ses religieuses au Paraclet, que son ancien mari lui donna avant de se rendre à Clugny. Le pape Innocent II confirma cette donation en l'année 1131: et voilà l'origine de l'abbaye des bénédictines du Paraclet. Héloïse en fut la première abbesse: chacun, à l'exemple de Mahault, comtesse de Champagne, s'empressa à lui

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