Imágenes de página
PDF
ePub

OUVRA G E.

TRAVAIL, production d'un homme de lettres sur quel

que sujet. On doit faire grand cas des ouvrages qui nous développent, d'une main savante, les principes d'un art ou d'une science; mais c'est au bon sens et à l'experience à déterminer l'application de ces mêmes principes. En général les ouvrages doivent tendre à éclairer l'esprit ; mais rien ne le forme comme le soin d'écrire et de composer soi-même. C'est aux lecteurs à faire choix des ouvrages dont ils doivent plus ou moins se nourrir; car il en est des livres comme des mets : il y en a dont il ne faut que goûter, et d'autres qu'on doit ruminer et mâcher à loisir; mais ce n'est que par de bons conseils, par le temps ou par le génie, qu'on parvient à cette heureuse connoissance. On chérit ces auteurs excellens, dont les ouvrages sont autant d'amis qui moralisent sans offenser personne, qui nous parlent sans prévention, et qui ne nous savent point mauvais gré de ce que nous passons légérement sur des choses qui leur ont coûté beaucoup de soins, de peines et de veilles.

Un bon ouvrage, selon le langage des libraires, est un ouvrage qui se vend bien; selon les curieux, c'est un ouvrage rare dont il y a peu d'exemplaires; et, selon un homme de bon sens, c'est un ouvrage instructif et bien écrit.

Le public se trompe rarement dans les jugemens qu'il porte sur les auteurs, à qui leurs productious out coûté beaucoup d'années, comme il arriva à Chapelain qui mit trente ans à composer son poème de la pucelle; ce qui lui attira cette épigramme de Montmort, traduite poète Linière.

[blocks in formation]

par le

Trente

Trente ans à la former, il perdit son latin;

Et de sa main

Il sort enfin

Une vieille sempiternelle.

Rien n'est plus ordinaire que d'apprécier le mérite de certains ouvrages, qu'on n'a pas seulement lus, ou qu'on pré

conise sur la foi d'autrui. (Voyez Lecteur.)

(M. de JAUCOURT.)

Tome VIII.

T

P

PAGE.

O N appelle page un enfant d'honneur qu'on met auprès des souverains et des grands seigneurs, pour les servir avec leurs livrées, et en même temps y recevoir une honnête éducation et y apprendre leurs exercices.

On voit, par les mémoires de Philippe de Commines, que les pages qui servoient les princes et les seigneurs de son temps étoient nobles enfans, qui, par-tout, suivoient leurs maîtres pour apprendre la vertu et les armes. Le chevalier d'Accilly, qui ne vivoit pas de ce temps-là, a dit au contraire :

S'il est beau le fils de Climène,
Quoiqu'elle ait un homme laid,
Čela n'a rien qui me surprenne;
Son page est un garçon bien fait.

Loyseau remarque, dans son Traité des Ordres, qu'anciennement les jeunes gentilshommes étoient pages des seigneurs, et les jeunes demoiselles étoient filles-dechambre des dames.

On distinguoit alors deux sortes de pages; savoir, les pages d'honneur, et les communs. Les pages d'honneur pages n'étoient que chez les princes et les souverains, et étoient ordinairement fils de barons ou chevaliers. Les pages communs étoient issus de simple noblesse, et servoient les chevaliers ou seigneurs: car un simple gentilhomme ne devoit point avoir de pages, mais seulement des laquais, qui étoient roturiers.

Dans la suite on appela pages et enfans de cuisine des petits garçons servant à la cuisine du roi. Le président Fauchet dit que, jusqu'au règne des rois Charles IV et Charles VII, on nommoit pages de simples valets de pied, et que, de son temps, les tuiliers appeloient pages certains valets qui portoient sur des palettes les tuiles vertes pour les faire sécher : il ajoute que c'étoit

seulement depuis quelque temps qu'on avoit distingué les pages nobles des pages vilains servant à pied, qui ont été nommés naquets ou laquais.

Il est vrai que les pages, du temps de l'ancienne

chevalerie, se nommoient autrement, varlets ou damoiseaux, et qu'ils remplissoient alors l'emploi de domestiques auprès de la personne de leurs maîtres ou de leurs maîtresses; ils les accompagnoient à la chasse, dans leurs voyages, dans leurs visites ou promenades; faisoient leurs messages, et même les servoient à table; le célèbre chevalier Bayard avoit versé à boire et fait les autres fonctions de page auprès de l'évêque de Grenoble.

C'étoient ordinairement les dames qui se chargeoient de leur apprendre leur catéchisme et la galanterie, l'amour de Dieu et des dames; car l'un ne pouvoit aller sans l'autre, et l'amant qui entendoit à loyaument servir une dame étoit sauvé, suivant la doctrine de la dame des belles cousines.

On prenoit grand soin de les instruire aux exercices des écuyers et chevaliers, qui étoient les grades auxquels ils devoient aspirer. Ils ne quittoient point l'état de page sans passer par une cérémonie religieuse. Le gentilhomme, mis hors de page, étoit présenté à l'autel par son père et sa mère, qui, chacun un cierge à la main, alloient à l'offrande. Le prêtre célébrant prenoit de dessus l'autel une épée et une ceinture qu'il attachoit au côté du jeune gentilhomme, après les avoir bénis.

(M. de JAUCOURT.)

La paix est la tranquillité dont une société politique

A

jouit, soit au dedans, par le bon ordre qui règne dans le gouvernement, soit au dehors, par la bonne intelligence dans laquelle elle vit avec les autres peuples.

:

Hobbes a prétendu que les hommes étoient sans cesse dans un état de guerre de tous contre tous le sentiment de ce philosophe atrabilaire ne paroît pas mieux fondé que s'il eût dit que l'état de la douleur et de la maladie est naturel à l'homme. Ainsi que les corps physiques, les corps politiques, sont sujets à des révolutions cruelles et dangereuses. Quoique ces infirmités soient des suites nécessaires de la foiblesse humaine, elles ne peuvent être appelées un état naturel, La guerre est un fruit de la dépravation des hommes; c'est une maladie convulsive et violente du corps politique; il n'est en santé, c'est-à-dire dans son état naturel, que lorsqu'il jouit de la paix; c'est elle qui donne la vigueur aux empires; elle maintient l'ordre parmi les citoyens; elle laisse aux lois la force qui leur est nécessaire; elle favorise la population, l'agriculture et le commerce; en un mot, elle procure aux peuples le bonheur, qui est le but de toute société. La guerre au contraire dépeuple les états; elle y fait régner le désordre; les lois sont forcées de se taire à la vue de la licence qu'elle introduit; elle rend incertaines la liberté et la propriété des citoyens ; elle trouble et fait négliger le commerce; les terres deviennent incultes et abandonnées. Jamais les triomphes les plus éclatans ne peuvent dédommager une nation de la perte d'une multitude de ses membres que la guerre sacrifie; ses victoires même lui font des plaies profondes que la paix seule peut guérir.

Si la raison gouvernoit les hommes; si elle avoit sur les chefs des nations l'empire qui lui est dû, on ne les verroit pas se livrer inconsidérément aux fureurs de la guerre, ils n'y porteroient point cet acharnement qui caractérise les bêtes féroces. Attentifs à conserver une tranquillité dont dépend leur bonheur, ils éviteroient les occasions de troubler celle des autres : satisfaits des pays dont ils sont

« AnteriorContinuar »