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écrivains les plus judicieux, la règle. la plus sûre, par rapport à l'orthographe. Cette règle dit tout, et condamne le pédantisme et toute affectation.

Il semble que cette dispute eût dû être étouffée dans sa naissance. Pour décider la question agitée, il n'y avoit qu'à consulter nos grands dictionnaires français leur orthographe devoit faire loi; mais ils n'en ont point suivi d'uniforme.

Richelet a retranché de plusieurs mots les lettres qui ne se prononcent point. Il a substitué le petit i à l'y grec, excepté dans les mots tout-à-fait grecs encore ces changemens n'ont-ils pas été conservés dans les éditions de son dictionnaire, faites après sa mort. Dans ceux de Furetière, de Trévoux et de l'Académie Française, l'ancienne orthographe est communément employée. On n'a rien dit de plus sensé que ce qu'on trouve dans la préface de ce dernier dictionnaire, en parlant de la contestation sur Forthographe. « L'ancienne nous échappe tous les jours; >> et, comme il ne faut point se presser de la rejeter, > on ne doit pas non plus faire de grands efforts pour

>> la retenir. »

Le changement dans toute matière a des attraits; de même qu'on a changé en grande partie l'orthographe, on a aussi essayé de substituer aux notes ordinaires de la musique d'autres signes; invention dont les auteurs n'ont pas été bien reçus du public, et qui les en ont même fait mépriser dès qu'elles ont paru.

On peut faire aux néographes un reproche des mieux. fondés ; c'est qu'ils violent les lois de l'usage dans le temps même qu'ils affectent d'en consulter les décisions et d'en reconnoître l'autorité. C'est à l'usage légitime qu'ils s'en rapportent sur la prononciation, et ils font très-bien; mais c'est au même usage qu'ils doivent s'en rapporter pour l'orthographe: son autorité est la même de part et d'autre de part et d'autre elle est fondée sur les mêmes titres et l'on court le même risque à s'y soustraire dans les deux points, le risque d'être ou ridicule ou inintelligible.

(ANONYME.)

PARADE

OSTENTATION.

a

ARADE de ses qualités, de ses talens ou de ses actions. Si cette parade est fausse, elle nous rend le jouet de nos folies et nous couvre de ridicule. Si elle est fondée, mais sans faste injurieux pour les autres, c'est un vernis qui a la propriété d'embellir et de conserver ce qui en est digne. La vertu, faut-il dire, quelquefois besoin de se faire valoir pour être remarquée. Cicéron se trouva dans des conjonctures où il lui convenoit de parler de lui-même et de ses services avec quelque ostentation. Elle réussit d'ordinaire dans les républiques, rarement à la cour des rois, ou dans un corps de sénateurs aristocratiques. Elle ne sied pas mal à un général couronné de lauriers. Pour faire aimer la véritable gloire aux troupes, il y faut mêler un peu de la fausse gloire. La bravoure des soldats est toute dans les yeux ou dans la voix de celui qui les commande. Ils ont besoin, pour marcher, qu'on leur enfle le cœur par de vaines promesses et de magnifiques projets.

(M. de JAUCOURT.)

Lox

or par laquelle le peuple athénien condamnoit, sans flétrissure ni déshonneur, à dix ans d'exil, les citoyens dont il craignoit la trop grande puissance, et qu'il soupconnoit de vouloir aspirer à la tyrannie.

Cette loi fut appelée ostracisme d'un mot grec qui signifie proprement une écaille ou une coquille, mais qui, dans cette occasion, est pris pour le bulletin, s'il m'est permis de me servir de ce terme, sur lequel les Athéniens écrivoient le nom du citoyen qu'ils vouloient bannir.

Le ban de l'ostracisme n'avoit d'usage que dans les occasions où la liberté étoit en danger. S'il arrivoit, par exemple, que la jalousie ou l'ambition mît la discorde parmi les chefs de la république, et qu'il se formât différens partis qui fissent craindre quelque révolution dans l'état, le peuple alors s'assembloit, et délibéroit sur les moyens qu'il y avoit à prendre pour prévenir les suites d'une division qui pouvoit devenir funeste à la liberté. L'ostracisme étoit le remède ordinaire auquel on avoit recours dans ces sortes d'occasions; et les délibérations du peuple se terminoient le plus souvent par un décret qui indiquoit à certains jours une assemblée particulière pour procéder au ban de l'ostracisme. Alors ceux qui étoient menacés du bannissement ne négligeoient rien de ce qui pouvoit leur concilier la faveur du peuple, et le persuader de l'injustice qu'il y auroit à les bannir.

Quelque temps avant l'assemblée, on formoit, au milieu de la place publique, un enclos de planches dans lequel on pratiquoit dix portes, c'est-à-dire autant de portes qu'il y avoit de tribus dans la république; et, lorsque le jour marqué étoit venu, les citoyens de chaque tribu entroient par leur porte particulière, et jetoient au milieu de cet enclos la petite coquille de terre sur laquelle étoit écrit le nom du citoyen qu'ils vouloient bannir. Les archontes et le sénat présidoient à cette assemblée, et comptoient les bulletins. Celui qui etoit condamné par six mille de ses concitoyens, étoit obligé de sortir de la ville dans l'espace de dix jours; car il falloit au moins six

mille voix contre un Athénien pour qu'il fût banni pàr

l'ostracisme.

Quoique nous n'ayons point de lumières sur l'époque précise de l'institution de l'ostracisme, il est vraisemblable qu'il s'établit après la tyrannie des Pisistratides, temps où le peuple athénien, ayant eu le bonheur de secouer le joug de la tyrannie, commençoit à goûter les douceurs de la liberté. Extrêmement jaloux de cette liberté, c'est alors sans doute qu'il dut redoubler son attention pour prévenir et éloigner tout ce qui pourroit y donner la moindret atteinte. Quoique Pisistrate eût gouverné la république avec beaucoup de douceur et d'équité, cependant la seule idée d'un maître causoit une telle horreur à ce peuple qu'il crut ne pouvoir prendre d'assez fortes précautions pour ne plus retomber sous un joug qui lui paroissoit insupportable. Attaché par goût à la démocratie, il jugea que l'unique moyen d'affermir et de conserver cette espèce de gouvernement, étoit de maintenir tous les citoyens dans une parfaite égalité, sans faire attention que cette égalité est une chimère; et c'est pourtant sur elle qu'il fondoit le bonheur de l'état.

Ce fut sur de tels motifs que les Athéniens établirent l'ostracisme. « Hipparchus, dit Androtion, étoit parent du » tyran Pisistrate, et il fut le premier que l'on condamna >> au ban de l'ostracisme. Cette loi venoit d'être établie à cause du soupçon et de la crainte qu'on avoit qu'il ne >> se trouvât des gens qui voulussent imiter Pisistrate qui, » ayant été à la tête des affaires de la république et général » d'armée, s'étoit fait tyran de la patrie. »

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Les Athéniens prévirent sans doute les inconvéniens de cette loi; mais ils aimèrent mieux s'exposer à punir des innocens que de vivre dans des alarmes continuelles; cependant, comme ils sentirent que l'injustice auroit été trop criante s'ils avoient condamné le mérite aux mêmes peines dont on avoit coutume de punir le crime, ils adoucirent,' autant qu'ils purent, la rigueur de l'ostracisme. Ils en retranchèrent ce que le bannissement ordinaire avoit d'odieux et de déshonorant par lui-même. On ne confisquoit pas les biens de ceux qui étoient mis au ban de l'ostracisme; ils en jouissoient dans le lieu où ils étoient relégués; on

ne les éloignoit que pour un temps, au lieu que le bannissement ordinaire étoit toujours suivi de la confiscation des biens des exilés, et qu'on leur ôtoit toute espérance de

retour.

Malgré les adoucissemens que les Athéniens apportèrent à la rigueur de leur loi, il est aisé de voir que si, d'un côté, elle étoit favorable à la liberté; de l'autre, elle étoit odieuse, en ce qu'elle condamnoit des citoyens sans entendre = leur défense, et qu'elle abandonnoit le sort des grands hommes à la délation artificieuse et au caprice d'un peuple inconstant. Il est vrai que cette loi auroit été avantageuse à l'état, si le même peuple, qui l'avoit établie, eût toujours eu assez de discernement et d'équité pour n'en faire usage que dans les occasions où la liberté auroit été réellement en danger; mais l'histoire de la république d'Athènes ne justifia que par trop d'exemples l'abus que le peuple fit de l'ostracisme.

Cet abus ne fut jamais plus marqué que dans le bannissement d'Aristide. On en peut juger par l'aventure qui lui arriva dans l'assemblée du peuple le jour même de son bannisseinent. Un citoyen, qui ne savoit pas écrire, s'adressa à lui comme au premier venu, pour le prier d'écrire le nom d'Aristide. Aristide étonné lui demanda quel mal cet homme lui avoit fait pour le bannir. Il ne m'a point fait de mal, répondit-il, je ne le connois même pas ; mais je suis las de l'entendre par-tout nommer le juste. Aristide écrivit son nom sans lui répondre.

Ce sage fut banni par les intrigues de Themistocle qui, débarrassé de ce vertueux rival, demeura maître du gouvernement de la république avec plus d'autorité qu'auparavant; mais il ne jouit pas long-temps de l'avantage qu'il avoit remporté sur son émule. Il devint à son tour l'objet de l'envie publique; et, malgré ses victoires et les grands services qu'il avoit rendus, il fut condamné au ban de l'ostracisme.

Il est certain que la liberté n'avoit pas de plus dange reux écueil à craindre que la réunion de l'autorité dans la main d'un seul homme; et c'est cependant ce que produisit l'ostracisme, en augmentant le crédit et la puissance d'un citoyen par l'éloignement de ses concurrens. Péricles en

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