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panégyrique de Trajan! Il choque par l'excès de ses louanges, et fatigue par sa prolixité.

Malgré ces défauts de Pline, qui étoient ceux de son siècle, plusieurs fois cet orateur, admirable à bien d'autres égards, eut la satisfaction de voir assister à ses plaidoyers une si grande foule de personnes, qu'il ne pouvoit parvenir qu'avec peine au barreau; souvent même il étoit obligé de passer au travers du tribunal des juges pour arriver à sa place. A sa suite marchoit une troupe choisie de jeunes avocats de famille, en qui il avoit remarqué des talens; il se faisoit un plaisir de les produire et de les couvrir de ses propres lauriers. L'amour de la patrie, un noble désintéressement, une protection déclarée pour la vertu et pour les sciences, un cœur généreux et magnanime; ses vertus, ses bienfaits, sa fidélité à ses devoirs, sa bonté pour les peuples, son attachement aux gens de lettres, le rendirent précieux et aimable à tout le monde. Il étoit l'admiration des philosophes et les délices de ses concitoyens. Goûté, estimé et respecté, il régnoit au barreau en maître, et il commandoit en père dans les provinces. Il fut le dernier orateur romain; et, malgré ses soins et son attention pour former des élèves, il n'eut point d'imitateurs. Plus Rome vieillisoit, plus l'éloquence approchoit

de sa chute.

Je sais bien qu'après le siècle heureux de Trajan, on vit encore quelques empereurs qui tâchèrent de la ranimer par leur voix et par leur générosité; mais malheureusement le goût de ces princes étoit mauvais, et leur politique incertaine. Adrien, successeur immédiat de Trajan, n'aimoit que l'extraordinaire et le bizarre: esprit romancier, il couroit après le faux et après l'hyperbole. Antonin le philosophe, transporté de l'enthousiasme du portique, n'avoit de considération que pour des philosophes et des jurisconsultes, et ne s'attachoit qu'aux Grecs. Enfin leurs établissemens n'avoient aucune stabilité. Comme un empereur n'héritoit point du diadême, qu'il le tenoit de la fortune, de sa politique, de son argent ou de ses violences, il effaçoit jusqu'aux vestiges des graces et des récompenses répandues par son devancier. Des savans, placés à côté du trône, sous un règne, se voyoient contraints, sous un autre,

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de mendier dans les places les moyens de subsister. Les sciences, chancelantes comme l'état, essuyoient les mêmes

revers.

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Ainsi dégénéra et finit avant l'empire l'éloquence romaine; arrachée de son élément, c'est-à-dire privée de la liberté, et asservie aux caprices des grands, elle s'affoiblit tout d'un coup; et, après quelques efforts impuissans qui montroient plutôt un véritable épuisement qu'un fonds solide, elle s'ensévelit dans l'oubli : semblable à un grand fleuve qui s'étend au loin dès sa source, s'avance d'un pas majestueux à l'approche des grandes villes, et va se perdre avec fracas dans l'immense abîme des mers,

(M. de JAUCOURT.)

N

ORGIE S.

Oм des fêtes de Bacchus, autrement appelées bacchanales et dionysiaques; mais le nom d'orgies étoit commun à plusieurs autres fêtes, comme à celle des Muses, à celle de Cérès, et à celle de Cybèle. Servius dit qu'au commen→ cement on nommoit, en grec, orgies, toutes sortes de sacrifices, et que ce terme répondoit à celui de cérémonies chez les Romains.

Les orgies prirent naissance en Egypte, où Osiris fut le premier modèle du Bacchus grec. De là elles passèrent en Grèce, en Italie, chez les Gaulois et dans presque tout le monde païen. Elles étoient d'abord simples et très-honnêtes; mais elles furent chargées insensiblement de cérémonies ridicules; et finalement les historiens nous assurent qu'elles furent portées, pendant la nuit, à de si grands excès et à des débauches si honteuses que, l'an de Rome 568, le sénat se vit obligé de les abolir dans toute l'étendue de l'empire.

Nous pouvons dire aujourd'hui, sans crainte, que ces fêtes de Bacchus, outre leur licence inexcusable, étoient chargées de folies et d'extravagances; mais il en coûta cher à Panthée pour avoir autrefois tenu ce propos sur les lieux; car ses tantes même, éprises d'une fureur bachique, le méconnurent et le mirent en pièces sur le mont Cithéron.

Il y a, dans le jardin Justiniani, à Rome, un vase de marbre bien précieux, sur lequel on voit une représentation de ces orgies de Bacchus. On pense que ce vase est de la main de Scaurus, non seulement par la beauté du travail, mais à cause de la lézardine qui s'y trouve, et qui n'a aucun rapport avec le reste. (Voyez Bacchanales.)

(M. de JAUCOURT.)

ORGUE I L.

ORCUEIL,
RGUEIL, VANITÉ, FIERTÉ, HAUTEUR, tous termes qui

expriment des défauts à éviter.

L'orgueil est l'opinion avantageuse qu'on a de soi; la vanité, le desir d'inspirer cette opinion aux autres; la fierté, l'éloignement de toutes bassesses; la hauteur, l'expression du mépris pour ce que nous croyons au dessous de nous.

La vanité est toujours ridicule; l'orgueil toujours révoltant; la fierté souvent estimable; la hauteur quelquefois bien, quelquefois mal placée.

La vanité et la hauteur se laissent toujours voir au dehors; l'orgueil presque toujours. La fierté peut être intérieure, et ne se décèle souvent que par une conduite noble, sans ostentation.

La hauteur dans les grands est sotise; la fierté dans les petits est courage; et dans tous les états l'orgueil est un vice, et la vanité une petitesse.

La fierté convient au mérite supérieur; la hauteur, au mérite opprimé; l'orgueil n'appartient qu'à l'élévation sans mérite, et la vanité qu'au mérite médiocre.

La vanité court après les honneurs, la fierté ne les recherche ni ne les refuse; l'orgueil affecte de les dédaigner ou les demande avec insolence; la hauteur en abuse quand ils sont acquis.

(M. D'ALEMBERT.)

Il n'y a point de qualités morales plus essentiellement différentes que l'orgueil et la vanité, que l'on confond cependant assez communément. L'homme orgueilleux croit que l'admiration lui est due, le vain aime mieux l'obtenir que de la mériter. L'orgueilleux veut forcer le respect par un air de dignité; le vain sollicite des applaudissemens par de petits artifices. Ainsi l'orgueil rend les hommes désagreables, et la vanité les rend ridicules.

J'entends par orgueil une haute opinion de son propre mérite et de sa supériorité sur les autres : j'entends par vanité l'envie d'occuper les hommes de soi et de ses talens,

et la préférence de cette opinion étrangère à la réalité même du mérite. L'orgueilleux insulte aux autres hommes, puisqu'il se met au dessus d'eux; le vain au contraire les flatte en quelque sorte, puisqu'il les regarde comme ses juges et qu'il n'ambitionne que leurs suffrages.

Tout homme qui donne au public des ouvrages de bel esprit, est convaincu de vanité par le fait même; car quel motif pourroit avoir un auteur, quand il imprime des ouvrages purement ingénieux, si ce n'est de faire avouer à ses lecteurs qu'il a de l'esprit et des talens? Au fond, la vanité n'est pas si mauvaise, humainement parlant: ellé soutient bien des veilles, elle enfante bien des travaux; et, en attendant que nous devenions plus solides dans nos motifs, il n'y faut pas regarder de si près, de peur d'y perdre ce qu'elle nous vaut tous les jours ou d'utile ou d'agréable.

Je ne nie pas que les poètes ne joignent d'ordinaire beaucoup d'orgueil à leur vanité. Leur profession demande sans doute beaucoup de talens: mais quand on songe à quel prix on les cultive et on les perfectionne ; quand on considère qu'il faut tourner tout son esprit de ce côté-là, qu'il faut se résoudre à ignorer la plupart des autres choses, quand on veut exceller dans une seule; le moyen de ne pas s'enorgueillir des progrès qu'on y peut faire ?

L'orgueil fait que nous nous estimons; la vanité fait que nous voulons être estimés. L'orgueilleux se considère dans ses propres idées; plein et bouffi de lui-même, il est uniquement occupé de sa personne. Le vain se regarde dans les idées d'autrui; avide d'estime, il desire d'occuper la pensée de tout le monde. La plus grande peine qu'on puisse faire à un orgueilleux, est de lui mettre ses défauts sous les yeux. On ne sauroit mieux mortifier un homme vain, qu'en ne faisant aucune attention aux avantages dont il veut se faire honneur,

(ANONYME.)

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