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OR ( âge ď).

GE heureux où régnoient l'innocence et la justice, où jamais le souffle empoisonné des soucis rongeurs ne corrompit l'air pur qu'on respiroit! Dans cet age, le sang humain n'étoit point formé de chair immonde. L'homme étranger à l'art cruel de la guerre, aux rapines, au carnage, aux excès, aux'inaladies, étoit le maître des autres êtres de l'univers; et n'étoit pas le bourreau de ses sémblables.

Le crépuscule éveilloit alors la race heureuse de ces hommes bienfaisans: il ne rougissoit point comme aujour d'hui de répandre ses rayons sacrés sur des gens livrés à l'empire du sommeil, du luxe et de la débauche. Leur assoupissement léger s'évanouissoit encore plus légèrement. Renaissans entiers comme le soleil, ils se levoient pour admirer la beauté de la nature. Occupés de chants, de danses et de doux plaisirs, leurs heures s'écouloient avec rapidité dans des entretiens pleins de douceur et de joie; tandis que, dans le vallon semé de roses, l'amour faisoit entendre ses soupirs enfantins. Libres de toutes inquiétudes, ils ne connoissoient que les tendres peines qui rendent le bonheur encore plus grand. Ces fortunes enfans du ciel n'avoient d'autres lois que la raison et l'équité, qui régloient toutes leurs actions aussi la nature bienfaisante les traitoit-elle en mère tendre et satisfaite,

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Aucuns voiles n'obscurcissoient le firmament: des zéphyrs éternels parfumoient l'air des présens de Flore: le soleil n'avoit que des rayons favorables les influences du ciel, répandues en douce rosée, engraissoient la terre et la rendoient fertile. Les troupeaux mêlés ensemble bondissoient en sûreté dans les gras pâturages, et l'agneau égaré dormoit tranquillement au milieu des loups. Le hon étincelant n'alarmoit pas les foibles animaux qui paissoient dans les vallons; considérant d'abord dans sa retraite sombre le concert de la nature, son terrible cœur en fut adouci, et se vit forcé d'y joindre le tribut de sa triste joie, tant l'harmonie tenoit toutes choses dans une union Tome VIII. N

parfaite la flûte soupiroit doucement; la mélodie des voix suspendoit toute agitation. L'écho des montagnes répétoit ces sons harmonieux; le murmure des vents et celui des eaux s'unissoient à tous ces accords.

Les orages n'osoient souffler, ni les ouragans paroître : les eaux argentines couloient tranquillement. Les matières sulfureuses ne s'élevoient pas dans les airs pour y former

les terribles météores: l'humidité mal-saine, et les brouillards encore plus dangereux, ne corrompoient pas les sources de la vie. Tels étoient les premiers jours du monde en son enfance: alors, pour m'exprimer dans le langage des dieux,

La terre féconde et parée

Marioit l'automne au printemps;
L'ardent Phoebus, le froid Borée,
Respectoient l'honneur de nos champs.
Par-tout les dons brillans de Flore
Sous les pas s'empressoient d'éclôre
Au gré des zéphyrs amoureux;
Les moissons inondant nos plaines
N'étoient ni le fruit de nos peines
Ni le prix tardif de nos vœux.

Alors l'homme ne cherchoit pas sa félicité dans le superflu; et la faim des richesses n'allumoit pas en lui des desirs insatiables.

Mais bientôt ces temps heureux et trop rapides ont fait place au siècle de fer: disciples de la nature, vous connoissez cependant encore cet age brillant que les poètes ont imaginé. Le ciel, il est vrai, ne vous a pas placés dans les vallées délicieuses de la Thessalie, d'où l'âge d'or tira son origine; mais du moins la vertu vous fait trouver la santé dans la tempérance, le plaisir dans le travail, et le bonheur dans la modération. Heureux ceux qui prennent assez d'empire sur leurs passions pour jouir, du moins en idée, de cet age d'or imaginaire qui n'exista jamais sur la terre !

(M. de JAUCOURT.)

ORAGE.

GROSSE pluie, ordinairement de peu de durée, mais

accompagnée d'un vent impétueux, et quelquefois de grêle, d'éclairs et de tonnerres. Le lecteur sera peut-être bien aise de trouver ici la description que fait M, Thompson d'un orage d'automne dans les iles britanniques: c'est un tableau plein de poésie et de sentimens d'humanité.

«Le sud brûlant s'arme d'un souffle puissant qui dé»truit les travaux de l'année.

» A peine voit-on d'abord la pointe, des arbres trem»bler, un murmure tranquille se glisse au long des » moissons qui s'inclinent doucement; mais la tempête >> croît, s'élève, l'atmosphère s'ébranle et se remplit d'une » humidité pénétrante, invisible et immense, qui se pré»cipite avec impétuosité sur la terre. Les forêts agitées >> jettent au loin des nuées de feuilles bruyantes. Les >> montagnes voisines, battues de l'orage, poussent la » tempête brisée, et la renvoient en torrens dans le » vallon. La plaine fertile flotte en ondes, découverte et » exposée à la plus grande fureur du vent. La mer de la » moisson ne peut éviter le coup qui la menace; quoi» qu'elle plie à l'orage, elle est arrachée et enlevée dans » l'air, ou réduite en chaume inutile par l'ébranlement >> qui la détruit.

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Quelquefois l'horison noircit, fond et descend en » fleuve précipité, tandis que la tempête semble se re» produire. L'obscurité s'augmente, le déluge s'accroît, >> les champs, noyés de toutes parts, perdent leurs fruits >> couchés sous l'inondation. Tout-à-coup des ruisseaux sans nombre se précipitent tumultueusement, rougis, >> jaunis ou blanchis par la terre des collines qu'ils en>> traînent; la rivière s'enfle et quitte ses bords. Les bre>> bis, la moisson, les cabanes, roulent ensemble emporićes Tout ce que la cruelle les vents ont épargné » cède à ce dernier effort, qui ruine en un instant les >> plus hautes espérances, et dissipe les trésors mérités, » fruits de l'année laborieuse,

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par

vague.

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>> Le laboureur sans secours fuit sur les hauteurs, con>> sidère le malheureux naufrage de tout son bien, ses » troupeaux noyés, et tous ses travaux dispersés. Les be>> soins de l'hiver s'offrent en ce cruel moment à sa pensée >> tremblante : il frémit, il croit entendre les cris de ses »chers enfans affamés.

» Vous, maîtres, accourez, consolez-le, séchez ses >> larmes, et ne soyez alors occupés que de soutenir la >> main rude et laborieuse qui vous procurera l'aisance » dans laquelle vous vivez: donnez du moins des vête>> mens grossiers à ceux dont le travail a fourni la chaleur » et la parure de vos habits: veillez encore au soin de >> cette pauvre table qui a couvert la vôtre de luxe et » d'abondance: soyez compatissans enfin, et gardez-vous d'exiger ce que les vents orageux et les affreuses pluies >> viennent de moissonner sans retour. »

(M. de JAVCOURT.)

DISCOURS prononcé ou imprimé à l'honneur funèbre

d'un prince, d'une princesse ou d'une personne éminente la naissance, le rang ou la dignité dont elle jouissoit pendant sa vie.

On croit que le fameux Bertrand Duguesclin, mort en 1380, et enterré à Saint-Denis à côté de nos rois, est le premier dont on ait fait l'oraison funèbre dans ce royaume.; mais cette oraison n'a point passé jusqu'à nous; ce n'est proprement qu'à la renaissance des lettres qu'on commença d'appliquer l'art oratoire à la louange des morts illustres par leur naissance ou par leurs actions, Muret prononça à Rome, en latin, l'oraison funèbre de Charles IX; enfin, sous le siècle de Louis XIV, on vit les Français exceller en ce genre dans leur propre langue; et M. Bossuet remporta la palme sur tous ses concurrens, C'est dans ces sortes de discours que doit se déployer l'art de la parole; les actions éclatantes ne doivent s'y trouver louées que quand elles ont des motifs vertueux; et la gravité de l'évangile n'y doit rien perdre de ses priviléges. Toutes ces conditions se trouvent remplies dans les oraisons de l'évêque de Meaux,

Il s'appliqua de bonne heure, dit M. de Voltaire, à ce genre d'éloquence qui demande de l'imagination et une grandeur majestueuse qui tient un peu à la poésie, dont il faut toujours emprunter quelque chose, quoique avec discrétion, quand on tend au sublime. L'oraison funèbre de la reine-mère, qu'il prononça en 1667, lui valut l'évêché de Condom; mais ce discours n'étoit pas encore digne de lui, et il ne fut pas imprimé. L'éloge funèbre de la reine d'Angleterre, veuve de Charles I, qu'il fit en 1669, parut, presque en tout, un chef-d'œuvre. Les sujets de ces pièces d'éloquence sont heureux, à proportion des malheurs que les morts ont éprouvés. C'est en quelque façon comme dans les tragédies, où les grandes infortunes des différens personnages sont ce qui intéresse davantage.

L'éloge funèbre de Madame, enlevée à la fleur de son âge, et morte entre ses bras, eut le plus grand et le plus

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