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gués parmi leurs concitoyens, qu'un simple athlète qui avoit remporté le prix de la lutie ou de la course.

La statue de l'athlète étoit en marbre ou en bronze à côté de celle du capitaine ou du héros. Ce n'est donc point une exagération que ce que dit Cicéron, dans ses Tusculanes, que la couronne d'olivier, à Olympie, étoit un consulat pour les Grecs; et, dans l'oraison pour Flaccus que de remporter la victoire aux jeux olympiques étoit presque aussi glorieux en Grèce, que l'honneur du triomphe pour un Romain.

Mais Horace parle de ces sortes de victoires dans des termes encore plus forts; il ne craint point de dire qu'elles élevoient les vainqueurs au dessus de la condition humaine : ce n'étoient plus des hommes, c'étoient des dieux. Le vainqueur étoit proclamé par un héraut public; on le nommoit par son nom; on y ajoutoit celui de son père, celui de la ville d'où il étoit, quelquefois même celui de sa tribu. Il étoit couronné de la main d'un des juges qui présidoient aux jeux de la Grèce, décidoient des victoires, et adjugeoient les couronnes; ensuite on le conduisoit en pompe au Prytanée, où un festin public et somptueux l'attendoit retournoit-il dans sa ville, ses concitoyens venoient en foule au-devant de lui, et le recevoient avec l'appareil d'une espèce de triomphe, persuadés que la gloire dont il étoit couvert illustroit leur patrie, et rejaillissoit sur chacun d'eux.

Il n'avoit plus à craindre la pauvreté ni ses tristes humiliations; on pourvoyoit à sa subsistance; on éternisoit même sa gloire par ces monumens qui semblent braver l'injure des temps. Les plus célèbres statuaires briguoient l'honneur de le mettre en marbre ou en bronze avec les marques de sa victoire, dans le bois sacré d'Olympie où l'on comptoit jusqu'à plus de cinq cents statues érigées aux dieux et aux athlètes les plus célèbres.

Quel effet ne devoit pas produire cette quantité prodigieuse de belles statues posées dans un même lieu, toutes du ciseau des meilleurs artistes de leur temps? Je ne crois pas qu'il y ait jamais eu pour les curieux un plus beau spectacle; et c'étoit aussi par ce spectacle que les Grecs entretenoient dans l'ame des particuliers cette noble ému

lation qui leur faisoit compter pour rien les peines, les fatigues, les dangers et la mort même, quand il s'agissoit d'acquérir de la gloire.

(M. de JAUCOURT.)

La couronne qui ceignoit le front du vainqueur olympique, les esclaves, les chevaux, les vases d'airain, les coupes d'argent, artistement ciselées, que plusieurs villes accordoient aux athlètes victorieux, n'étoient que la moindre récompense de leur force et de leur dextérité. Ceux qui avoient mérité les prix, comblés d'éloges et de présens, devenoient, en quelque sorte, l'objet de la vénération publique. Une palme à la main, vêtus d'une robe nuée de fleurs éclatantes, précédés d'un hé aut qui proclamoit leur nom, ils fouloient aux pieds, en parcourant l'arène, les roses que l'allégresse semoit sur leurs pas. Un triomphe, plus flatteur encore, les attendoit dans leur patrie. Montés sur un char, environnés de l'élite des citoyens, ils entroient par une brèche dans la ville qui se flattoit de leur avoir donné le jour. Trois cents chars atelés de chevaux blancs précédoient celui de l'athlète couronné. A ces honneurs brillans, mais passagers, les Grecs joignirent les prérogatives les plus avantageuses. Celui qui avoit été vainqueur prenoit la première place au spectacle, et, pendant sa vie, il étoit nourri aux dépens du public. Les athlètes obtinrent les mêmes honneurs à Rome : une triple couronne leur assuroit l'exemption de tous les impôts; et Horace nous apprend que ces concitoyens des maîtres du monde se mettoient au rang des dieux, lorsque, dans la course des chars, ils obtenoient la palme de la victoire.

Nous ignorons si l'enthousiasme pour les jeux d'exercice fut porté aussi loin chez les autres peuples; mais l'histoire ne nous laisse pas douter que, dans presque tous les pays, ils obtinrent la protection du gouvernement.

Pourquoi ces encouragemens unanimes accordés aux jeux et aux exercices publics sont-ils abandonnés de nos jours? devons-nous les regretter? nous féliciterons-nous de leur avoir substitué des amusemens sédentaires ? Questions intésessantes! L'éloquence dédaigne celles qui ne sont qu'oiseuses mais l'orateur s'enflamme, son génie

s'exalte,

s'exalte, ses pensées se précipitent, lorsque le sujet quit traite tient à la félicité publique. L'espoir d'être utile le rend éloquent; il satisfait le besoin de son ame. J'éprouve aujourd'hui ce sentiment ;, et, quand je me propose d'apprécier les jeux et les exercices publics, en développant les bons effets qu'ils ont produits, et qu'ils peuvent produire encore; quand je cherche, à démontrer les abus des jeux sédentaires qui les ont remplacés, j'ose espérer qu'ayant le suffrage de mon cœur, je serai moins indigne de celui de mes juges.

L'homme, fatigué par le travail, plus fatigué: encoré par l'inaction, a besoin de délassement; et, parmi les dissipations qu'il peut se permettre, il doit choisir celles qui lui offrent le plus d'avantages, et le moins d'inconvé niens; de la sans doute l'importance que les anciens peuples ont attachée aux jeux et aux exercices publics. La raison et l'expérience se réunissoient pour les faire préférer aux jeux sédentaires.

Par ces espèces d'exercices, le corps acquiert du dés veloppement, de la force, de l'agilité par eux, la voix. des passions avilissantes est étouffée; ils ouvrent l'ame à ce, calme intérieur qui inspire la gaieté, la fermeté, le courage. Combien ces jeux et ces exercices publics n'influent-ils pas sur la santé !gpt

Lorsque le mouvement des muscles ne seconde pas celui du cœur, il est à craindre que la circulation ne devienne trop foible, que les humeurs n'acquièrent trop de consistance, que les solides ne perdent de leur ressort : mais les exercices préviennent ces maux; ils provoquent la trans piration qui ne peut, ni être diminuée qu'aux dépens de nos forces, ni être supprimée qu'aux dépens de notre vie. Par leur secours, le sang circule avec rapidité, s'épure, se perfectionne; les esprits animaux se distribuent avec plus d'aisance; les fibres acquièrent de jour en jour plus de vigueur, plus d'énergie ; les membres deviennent plus agiles; le sentiment intime de notre bien-être et de nos forces transmet à l'ame la douceur inappréciable de la gaieté. Elle naît, disoit Voiture, de l'agitation du corps et du repos de l'esprit.

Aimable gaieté, tu jettes des fleurs sur les épines de la
Tome VIII.

K

vie; tu nous disposes à l'indulgence qui excuse les fautes et à la patience qui les supporte; tu éloignes l'envie qui s'attristant de la félicité des autres, sourit à leurs fautes et à leurs revers; tu fermes nos cœurs à la vengeance, plus pénible encore pour celui qu'elle anime, que formidable pour ceux qu'elle poursuit; tu bannis la mélancolie, qui est pour nos ames ce que sont pour la nature les ténè bres qui nous voilent ses beautés ; tu nous préserves de la maladie morale la plus dangereuse, de cette pente à la volupté, qui détend les ressorts du courage, et communique à l'homme une espèce d'apathie pour les actions généreuses. Voyez nos jeunes gens qui, traînant aux pieds de nos laïs les langueurs d'une vieillesse précoce, achètent à grands prix les dégoûts de la satiété et les agitations des remords. Leurs corps, exténués par l'excès des plaisirs que leur imagination s'épuise à varier, transmettent à leurs ames la même foiblesse. Essaieront-ils, combineront-ils, entreprendront-ils de grandes choses? Si, au contraire, ils se livroient aux exercices desjeux publics, ils augmenteroient, par une heureuse dissipation d'esprits animaux, le reste des forces dont ils auroient abusé pour les perdre entièrement. Ils distrairoient leur imagination de la peinture séduisante des vo luptés. Les applaudissemens accordés à l'adresse ou à la force, la pompe du spectacle qui ennoblit le triomphe, réveilleroient dans leur cœur la passion de la gloire. Elle trouve au fond de nos ames un négociateur éloquent qui nous fait pencher vers elle. Le desir le plus vif de l'homme est celui de la considération; et, dès qu'on lui montre la palme, il quitte les étendards de la volupté pour marcher sous ceux de la victoire....

Tels sont les motifs qui ont déterminé les anciens, et qui devroient engager les modernes à protéger les jeux et les exercices publics. Ces avantages suffiroient sans doute pour leur assurer la préférence qu'ils sollicitent aujourd'hui par ma voix; mais ce ne sont pas les seuls titres qui puissent les faire valoir. Il est prouvé que les exercices publics augmentent nos forces, et la conscience de nos forces anéantit la pusillanimité qui enfante les détours, qui conseille la fraude, qui produit les bassesses.

* L'homme, dont le corps est fortifié par l'exercice, dont

l'ame est élevée par le témoignage intérieur de ses forces, devient intrépide, franc, généreux; ne craignez de lui ni méchanceté ni bassesse : le lâche seul est rampant et perfide.

Les anciens gouvernemens avoient donc de puissans motifs pour encourager les exercices publics : la morale leur en faisoit un devoir; et la politique, si respectable, lorsqu'elle s'occupe, non à tromper les hommes, mais à les rendre meilleurs et plus heureux, les pressoit également d'accorder la plus grande faveur à des jeux dont elle retiroit de si précieux avantages.

C'étoit dans les mêmes vues, c'étoit pour donner au corps de la souplesse, de la force et de l'agilité, que les anciens conseilloient la danse : je ne parle ni de ces danses lascives, qui, dès le temps de Plutarque, réduisoient les hommes à l'esclavage d'une volupté avilissante, ni de celles que Platon bannissoit de sa république, comme servant plus à énerver le corps qu'à le fortifier, mais des danses pyrrhiques, dans lesquelles, en imitant les actions des combattans, l'on esquivoit, l'on paroit, l'on portoit des coups avec autant de grace que d'activité. Cet exercice, en im→ primant à toutes les parties du corps un mouvement modéré, est peut-être plus propre que les autres espèces de jeux publics à lui communiquer de la vigueur et de l'agilité. Cet art, si cultivé dans l'ile de Crète, où Rhea l'avoit enseigné à ses prêtres; si recommandé à Sparte, où Castor et Pollux en avoient donné des leçons; si honoré chez les Thessaliens, où le soin de le diriger étoit une des plus belles prérogatives du magistrat : cet art, encore plus utile qu'agréable, excitoit la plus grande émulation. Le raisonnement suffiroit sans doute pour nous convaincre des avantages qu'offroient ces jeux publics. Mais l'histoire est d'accord avec la raison pour démontrer que la poli tique des gouvernemens etoit intéressée à leur accorder la protection la plus distinguée.

A Rome, les amusemens de l'enfance et les occupations de la jeunesse disposoient les citoyens à ne pas succomber sous le poids accablant des armes, à faire, plusieurs jours de suite, quatre milles par heure, et à ne pas moins braver les fatigues que la mort. Combien de Romains se sont

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